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Egypte : les grèves ouvrières se propagent…

lundi 24 février 2014

Egypte : les grèves ouvrières se propagent…

Dans une ville industrielle du nord de l’Égypte, plus de 22 000 travailleurs font la grève depuis une dizaine de jours, exigeant des salaires plus élevés et la démission du président d’une entreprise de textile. Plusieurs grèves avaient été déclenchées à Mahalla al-Kobra en 2008 avaient démarré la révolution égyptienne, alors que les manifestants détruisaient les affiches du président de l’époque, Hosni Moubarak, et affrontaient les forces de sécurité.

La grève des ouvriers de l’usine textile d’État de Mahalla commencée le 10 février 2014 pour l’obtention du salaire minimum de 1200 LE que le gouvernement a accordé au public fin janvier, est en train de s’étendre progressivement aux ouvriers des 32 usines du consortium textile d’État en même temps qu’elle incite et encourage de nombreux salariés d’autres secteurs à s’y mettre à leur tour ou en tous cas à l’envisager.

L’usine de Mahalla est la plus importante du holding textile avec 24 000 salariés, mais à la date du 20 février, les salariés de 7 autres usines avaient déjà rejoint le mouvement, dont celle de Kafr Al-Dawar et ses 8 000 salariés qui en sont à leur 4ème jour de grève, ainsi que ceux de Sbahy Al-Biza, Shebeen Al-Kom, Al- Mahmoudeya, Nasr et d’autres encore qui sont en train de rejoindre la lutte.

Des délégations de diverses usines occupent les alentours du siège central du holding.

El-Mahalla, cœur de l’industrie textile du pays dans le delta du Nil, est paralysée depuis le 11 février par une grève ouvrière mobilisant plus de 22000 salariés soutenue par 34 syndicats de la région : ils exigent le paiement de leurs primes annuelles sur le bénéfice, et dénoncent la corruption sévissant dans les entreprises publiques. À Suez, également, les syndicats indépendants menacent de débrayer si le gouvernement ne prend pas de mesures afin que les droits sociaux soient respectés par le patronat et que cessent les licenciements arbitraires, comme ça a été le cas dans plusieurs entreprises publiques et privées du pays.

Le 9 février 2014, 12 000 travailleurs de la principale usine textile d’État de Mahalla se mettaient en effet en grève qu’ils menaçaient d’être illimitée pour exiger le paiement sans retard de leurs bonus, un salaire minimum de 1200 LE comme dans le public et que leur directeur soit « dégagé » immédiatement.

D’autres usines textiles d’État se sont mis en grève également comme à Zafteh Textil, Tanta Spinning, Shebin el Kom mais aussi les travailleurs de la Compagnie publique du Nil pour l’entretien des routes, pendant que certains autres travailleurs en lutte (ou non) rejoignaient ceux de Mahalla à leur assemblée générale.

Malgré les mesures de plus en plus répressives du gouvernement militaire, on assiste ces dernières semaines en Égypte à une renaissance des grèves, en particulier dans les usines du textile. Il y a eu également des grèves de policiers, de médecins qui revendiquent une augmentation du budget de la santé, des augmentations des salaires et des conditions de travail plus sûres, cela après la mort de certains patients et de quatre médecins dans un hôpital. Il y a eu aussi des grèves d’infirmières qui demandent le rétablissement d’une prime de 40 %.

Le 16 février, les salariés de la Compagnie du Nil pour les routes et les ponts ont également commencé la grève pour l’obtention du même salaire minimum que dans le public. Le 19 février, les employés de 6 compagnies de l’eau et l’assainissement entraient à leur tour en lutte pour les salaires. Et le 20 février, ce sont ceux de la société égyptienne de propylène de Port Saïd qui entraient dans la danse. On notait même la lutte des 120 employés de la Tour du Caire – symbole du nassérisme – et de son restaurant pivotant à son sommet demandant la renationalisation de leur entreprise.

Les travailleurs des cristalleries d’Asfour, 18 000 salariés, premier producteur mondial, installées dans le quartier de Shubra au Caire, en étaient récemment en grève eux aussi pour exiger :

 un doublement du salaire qui passerait de 1 000 livres égyptiennes à l’embauche à 2 000 et alors que les ouvriers de cette entreprise gagnent 1 200 LE (le salaire minimum promis par le pouvoir actuel dans le public devrait être de 1 200 LE au 1er janvier 2014) après 10 ans d’ancienneté.

 des contrats à durée indéterminée pour tous les précaires. En sachant que 11 000 des 18 000 salariés n’ont que des contrats à durée déterminée, devant être renouvelés chaque année

 La réintroduction des ouvriers licenciés lors d’une grève l’an dernier

 des primes de départ (car l’entreprise envisage de licencier à l’occasion d’une modernisation - les salariés étaient encore 28 000 il y a quelques années) conséquentes de plus de 30 000 LE, plus une somme allouée par année de travail en cas de départ négocié. Les travailleurs du site insistent sur le fait que beaucoup de salariés sont malades - en particulier des poumons - après quelques années de travail dans cette entreprise aux conditions de travail lamentables, et qu’ils ne pourront pas retrouver de travail.

Leur avaient succédé la grève d’Helwan. Samedi 14 décembre, au 19 ème jour de leur grève, les travailleurs de la Société égyptienne pour le fer et l’acier (HADISOLB) d’Helwan au Caire qui compte 13 000 salariés, ont annoncé le succès de leur lutte. En faisant reculer le gouvernement, les ouvriers de l’aciérie d’Helwan viennent de faire une démonstration politique : le pouvoir des militaires n’est pas si fort que ça et les ouvriers peuvent le faire reculer, montrant à tous ceux qui veulent le voir, que l’avenir se joue là, dans la capacité à donner une expression coordonnée aux revendications non seulement économiques mais politiques que les grèves ouvrières affichent fréquemment : dégager tous leurs dirigeants, à tous les niveaux de l’économie ou de l’administration.

A Mahalla, comme dans les autres usines textiles, outre l’exigence du salaire minimum, les ouvriers exigent : que les directions locales comme la direction du holding soient dégagées, ; que les bonus (participation aux bénéfices et complément important des salaires dont le paiement avait été reporté) soient versés immédiatement ; que des investissements soient faits pour que les entreprises tournent à pleine capacité ; que les licenciés soient réintégrés ; que des garanties diverses pour leurs assurances et protections soient données. Enfin, ils exigent de nouvelles élections syndicales.

Après avoir cherché à casser le mouvement, le gouvernement a changé de tactique et promit le paiement immédiat de leurs bonus aux représentants des grévistes qu’il a reçu mais en a profité pour faire passer dans les médias que la grève s’était arrêtée le 18 février dans le groupe textile suite à cela. En même temps les dirigeants syndicaux de l’ETUF (syndicat d’État) faisaient tout pour faire reprendre le travail. Et le même jour, le PDG du groupe textile tentait de couper les grévistes des classes populaires en les présentant à la télévision comme des privilégiés, grassement payés, bien au-delà du salaire minimum du public. Ces deux mensonges et l’action des syndicalistes (officiels) n’ont pas marché, mais ont au contraire révolté encore plus les ouvriers, mis de l’huile sur le feu et radicalisé la grève qui continue de plus belle.

Dans une tentative d’apaiser la situation, le gouvernement a décidé de payer aux ouvriers toutes leurs primes non payées. Une mesure qui n’a pas atténué la colère des ouvriers déterminés à poursuivre leur grève jusqu’à la satisfaction de toutes leurs revendications salariales et professionnelles. Certains voient en la recrudescence des grèves un complot visant à embarrasser le nouveau régime. « Ce sont les Frères musulmans au sein des syndicats ouvriers qui tentent d’exacerber cette vague de contestations ouvrières pour mettre le gouvernement dans l’embarras. Vu la crise économique, il est difficile de satisfaire toutes les revendications salariales. Il faut donner du temps au gouvernement », affirme Farouq Al-Makrahi, ancien vice-ministre de l’Intérieur.

Les grévistes ont effet répondu au gouvernement que le paiement des bonus qu’il venait de céder n’était qu’un hors-d’œuvre et que leurs vrais objectifs sont plus que jamais le salaire minimum et le départ de tous les dirigeants de l’entreprise comme du syndicat d’État.

Selon Fatma Ramadan, membre du conseil exécutif de l’Union égyptienne des syndicats indépendants, il ne faut pas oublier que les protestations des ouvriers, qui ont culminé en 2008 dans la ville de Mahalla, bastion des industries textiles, ont été les prémices de la révolution de janvier 2011. « N’est-il pas paradoxal que trois ans après la révolution, la classe ouvrière lutte toujours pour l’obtention de ses droits fondamentaux ? », déplore Ramadan. Elle précise que le nombre de grèves ouvrières qui ont éclaté au cours des trois dernières années dépasse les débrayages qui ont eu lieu au cours des dix dernières années du règne de Moubarak. « Un indicateur qui révèle que les politiques du gouvernement optant toujours pour le capitalisme n’ont pas changé d’un iota. Les problèmes des ouvriers n’ont pas été réglés, voire leur situation s’est aggravée », estime Ramadan. L’Union régionale des syndicats indépendants à Suez a menacé d’escalade si le gouvernement ne parvient pas à faire l’équilibre entre la politique économique et les droits des ouvriers. « Aujourd’hui, les hommes d’affaires se vantent du fait que le régime en place les soutient au détriment des ouvriers. Le licenciement arbitraire de centaines d’ouvriers grévistes en est la preuve de ce que j’avance », dit Mohamad Soudi, un des cadres ouvriers à Suez. Il ajoute que des propriétaires d’usines ont récemment obligé des ouvriers bénéficiant de contrats permanents à signer des contrats de travail de 3 mois. Une mesure permettant aux patrons de limoger ceux qui osent hausser le ton ou contestent les décisions de la direction.

C’est sur le plan politique que les ouvriers doivent marquer la situation, en devenant le pôle politique et social autour duquel tous les milieux populaires peuvent se regrouper, à la fois face aux Frères Musulmans et à la hiérarchie militaire et pour cela il convient qu’ils dépassent le cadre étriqué des seules revendications économiques et mettent en avant des aspirations sociales et politiques des exploités…. Ils auront besoin pour cela de dépasser aussi le cadre des organisations syndicales pour constituer leurs comités de salariés et appeler les couches populaires, la jeunesse et la base de l’armée à s’organiser aussi en comités…

Alors que les Frères musulmans ont déçu les travailleurs et les milieux populaires, y compris la petite bourgeoisie qui a participé au renversement de Moubarak, que les militaires se heurtent eux aussi aux difficultés économiques, incapables de redresser l’activité et de répondre aux besoins urgents de la population, la deuxième étape de la révolution égyptienne doit, de manière vitale, proposer une alternative ouvrière au pouvoir de la bourgeoisie militaire. Celle-ci organise une fuit en avant en basculant dans le camp Russie-Chine qui semble lui offrir plus d’argent dans l’immédiat pour faire face à la situation que le camp USA-Europe. Cependant, la révolution peut repartir en avant du jour au lendemain, vu l’effondrement de la confiance des classes moyennes et le mécontentement populaire. Seule la classe ouvrière propose une alternative au pouvoir de la bourgeoisie militaire et elle doit le faire de manière claire et politique.

Messages

  • Durant quinze jours, aucun bulldozer n’a franchi le portail de cette entreprise située dans la banlieue nord du Caire. La demande des ouvriers est claire : l’instauration du salaire minimum fixé par les autorités à 1 200 livres (135 euros). « Nos conditions de travail sont très dures et nos heures supplémentaires restent impayées », détaille Ahmed Qotb, 31 ans, porte-parole du mouvement. « Même le salaire minimum, c’est encore trop peu ! Il faudrait 2 000 livres au moins pour vivre décemment. » Jeudi 27 février, les ouvriers de Nile ont obtenu une revalorisation de 35 % de leur salaire de base, sachant que celui-ci ne dépasse pas 300 livres, le reste étant constitué de primes.

    Présentée comme la mesure sociale phare du gouvernement intérimaire, issu du coup d’Etat militaire de juillet 2013 contre les Frères musulmans, la loi sur le salaire minimum devait entrer en vigueur le 1er janvier 2014. Ironie du sort, le premier ministre Hazem Al-Beblawi a annoncé sa démission lundi 24 février, geste politique en partie imputé à la crise sociale qui traverse le pays.

    « Contrairement à ce qui était annoncé à l’automne, le salaire minimum ne concerne pas l’ensemble des acteurs du public, mais les fonctionnaires seulement », précise Dalia Moussa, chercheuse du Centre pour les droits économiques et sociaux au Caire. « La loi a été élaborée dans l’opacité la plus totale, avec les chefs d’entreprise et le Syndicat national, acquis au gouvernement. Du coup, elle a été vidée de sa substance. » A la demande du patronat, la mesure ne s’applique pas non plus au secteur privé.

    Selon les dispositions finales du texte, un employé du secteur public sur cinq est concerné par le salaire minimum. La demande ne date pas d’hier : elle était l’une des revendications des 22 000 ouvriers de l’usine nationale de textile de Mahalla, située dans le Delta, qui exigeaient, en 2007, un revenu plancher à 1 200 livres.

    Les révolutionnaires du 25 janvier 2011, qui demandaient du pain et de la justice sociale, se sont heurtés à un mur. Trois ans et trois régimes plus tard, le montant du salaire minimum est dérisoire dans un contexte d’inflation galopante où les loyers atteignent facilement les 600 livres dans les quartiers les plus populaires de la capitale.

    La grogne sociale a gagné de nombreux acteurs du public, tous d’accord sur l’urgence d’une revalorisation des salaires. Médecins, postiers, éboueurs, ouvriers : ils sont plusieurs dizaines de milliers à avoir rejoint la mobilisation ces deux dernières semaines. Récemment, ce sont les chauffeurs de bus du Caire qui ont débrayé. Un mouvement de grève que le ministère de la défense s’est employé à briser. Mardi, l’armée a affrété des dizaines de bus, assurant vouloir faciliter le quotidien des usagers et désengorger la capitale.

    Malgré un contexte social explosif, il n’est pas sûr que les grévistes soient entendus. Le nouveau premier ministre, Ibrahim Mahlab, les a appelés à « contribuer à la construction et non à la démolition du pays ». Partisan de réformes ultralibérales, issu des milieux d’affaires qui tenaient l’Egypte sous Hosni Moubarak, cet ancien PDG d’Arab Contractors, première entreprise publique de construction, ne semble pas vouloir se démarquer de ses prédécesseurs.

  • La vague de grève a démarré avec plus de 20.000 travailleurs du textile à Mahalla, qui ont entamé une grève le 10 février et ont été rapidement rejoints par des milliers de travailleurs du textile dans 16 filiales des principaux centres industriels du delta du Nil.

    Samedi, les travailleurs des transports publics ont fait grève. Le ministre de l’emploi Kamal Abu Eita a désespérément demandé aux travailleurs de négocier leurs demandes au lieu de faire grève, mais dimanche les 28 garages du Caire et de Guizeh étaient fermés. Dimanche également, les travailleurs des postes ont entamé une grève graduelle dans des dizaines de bureaux de postes dans toute l’Égypte. Les employés du cadastre sont déjà en grève depuis une semaine.

    Vendredi, les docteurs en grève ont demandé la démission du ministre de la santé Maha Rabat lors de l’assemblée générale du syndicat des médecins et ont réaffirmé leurs demandes pour des salaires plus élevés et une réforme du système de santé égyptien qui est en déliquescence. Les docteurs ont organisé des grèves et des manifestations les lundis, mercredis et vendredis depuis le début de l’année pour forcer le gouvernement à réagir à leurs demandes.

  • Mettant en avant les intérêts des citoyens, la haute cour administrative égyptienne vient de décider d’une nouvelle législation interdisant aux fonctionnaires de décréter une grève sur leur lieu de travail.

    Selon cette cour, cette mesure est conforme à la constitution, étant donné qu’elle se fonde sur la Charia. Selon les explications avancées par ce législateur, la Charia refuse toutes grèves portant des revendications dont l’importance reste en deçà des conséquences désastreuses subies par le pays et les citoyens. Elle rejette les grèves qui perturbent le bon fonctionnement des infrastructures de l’Etat et mettent en péril les intérêts de la communauté.

    L’Union des syndicats ouvriers égyptiens a vivement réagi à cette décision, en rappelant, que dans l’article 15 de la constitution, la grève pacifique « est un droit règlementé par la loi ».

    Premières victimes , trois fonctionnaires viennent d’être mis en retraite anticipée ainsi que quatorze décisions de promotions bloquées, pour une durée de deux ans, après l’organisation d’une grève dans un conseil local au niveau du gouvernorat de Menufeya (dans le Nord du pays).

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