Accueil > ... > Forum 680

Le deuxième procès de Socrate, celui de ses amis

31 juillet 2011, 08:20, par MOSHE

Phédon : Mes amis, je crains qu’en se contentant de reprocher aux Athéniens d’avoir eu peur de Socrate, en leur reprochant comme vient de le faire Platon de manquer de philosophie, on ne minimise la révolution que ce dernier leur proposait. Celui, à mon sens qui a le mieux compris Socrate est son meilleur ennemi : Aristophane. Il s’est placé de manière diamétralement opposée à Socrate, ce qui définit le mieux la philosophie de notre maître. L’auteur de Nuées, la pièce théâtrale qui a sans doute le plus contribué à faire condamner Socrate, s’est dit opposé à la propriété collective des moyens de production, opposé aussi à la liberté des femmes, opposé à la libération des esclaves, opposé à un régime politique qui ne soit pas, derrière une fausse démocratie, celui des grands propriétaires terriens et des maîtres d’un nombre de plus en plus grand d’esclaves. Même si Socrate s’est bien gardé d’affirmer en public et directement de tels objectifs, et qui s’est bien gardé de mettre ses buts par écrit, nous qui avons participé à ses réunions clandestines savons ce qu’il en est. Celui qui clamait « je ne suis le maître de personne » ne voulait pas seulement dire ainsi qu’il avait en horreur d’avoir un défilé de disciples qui le suivraient comme des moutons. Non, cela voulait dire que l’esclavage l’horrifiait. Rappelons que sa plus grande victoire pour Athènes, il l’a obtenu en proposant aux étrangers, non citoyens d’Athènes, et aux esclaves de participer en citoyens libres à la bataille. C’est ainsi que nous avons pu battre Callicratidas à la Bataille des îles Arginuses. Socrate a récusé toutes les propositions de ses amis de lui fournir des esclaves pour son entretien. Charmide peut le confirmer. Il a, plusieurs fois en public, décrié les recherches d’esclaves en fuite lancées par des citoyens d’Athènes. Au-delà même de la question de l’esclavage, Socrate remettait en question tout le système économique et social en train de triompher : l’accumulation de richesses à un pôle, de misère à l’autre, l’accroissement de la dictature sociale sous couvert de démocratie politique, l’oppression grandissante des cités autrefois libres et indépendantes, la part donnée au pillage des richesses de territoires de plus en plus grands alors que les richesses acquises par le travail diminuaient, la corruption grandissante et les vices qui sont liés devenant la nouvelle vertu d’Athènes. Non, mes amis, Socrate n’est pas mort par hasard ni par erreur ou par un aveuglement soudain de ses juges. C’est son système politique et social que la classe dirigeante a condamné en lui. Le questionnement permanent de Socrate qu’ils lui reprochent n’est pas celui des sophistes. C’est celui d’un homme capable de démonter en public un politicien, un financier, un grand propriétaire ou un démagogue. Je crois surtout que la classe dirigeante d’Athènes lui reprochait son projet politique qui la visait directement. Derrière l’université, il y avait et nous le savons bien, la tentative de gagner une partie des enfants des classes dirigeantes à son projet. Ce cercle clandestin que bâtissait Socrate était une menace directe pour les oppresseurs. Du moment qu’il a été dénoncé publiquement par Aristophane, il était clair que le coup allait être porté. Et si Socrate ne s’est pas défendu à son procès, c’est que sa défense ne pouvait être qu’une attaque directe, la condamnation d’Athènes et de son système social, ce qui nous aurait tous directement condamnés...

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.