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Société, religion et sexualité

17 novembre 2014, 11:24, par Robert Paris

Il faut tout d’abord remarquer qu’aux quatre coins de la planète, la place des femmes est passée d’une place très importante dans la vie sociale comme dans les conceptions mythiques à une place seconde, soumise, voire écrasée et exploitée. Le lignage ne souligne que le fait que la descendance soit considérée en ligne masculine ou féminine. Ce n’est pas le seul élément d’appréciation. Il existe des sociétés, comme celle des Hébreux de l’Ancien Testament, qui étaient patriarcaux et pourtant ne considéraient que le matrilignage, la reconnaissance de l’appartenance à l’ethnie n’étant considérée que par les femmes et c’est ce qui se produit chez les Juifs jusqu’à nos jours. Cependant cette société était oppressive et méprisante et même agressive à l’égard des femmes. C’était le patriarcat des éleveurs qui a prévalu, même quand cette société est passée des pasteurs nomades sémites à une sédentarisation.

Le matriarcat ne suppose pas, symétriquement au patriarcat, une oppression des hommes par les femmes. Les termes matrilignage et patrilignage (concernant la descendance) ou matrilocation et patrilocation (concernant le domicile où le couple se retrouve) sont symétriques mais pas ceux de matriarcat et de patriarcat. A l’époque du matriarcat, c’est-à-dire jusqu’au développement de l’agriculture, le développement économique ne permet pas encore d’accumuler des richesses abondantes, l’héritage n’existe pas, la propriété privée des moyens de production non plus, pas plus que les classes sociales et l’Etat. Du coup, il n’y a pas de notion d’oppression ni d’exploitation dans le matriarcat, pas d’enlèvement des hommes, comme il y a des enlèvements de femmes, pas de soumission des hommes comme il y a eu une soumission des femmes, et qu’il y en a toujours une.
L’importance des femmes était liée à son rôle dans la société des chasseurs-cueilleurs dans laquelle son activité n’était pas secondaire. Elle était liée également au fait que l’on ignorait, au début, le rôle de l’homme dans la procréation et que l’enfantement était considéré comme un mystère purement féminin et gardé par les femmes.
La première famille humaine consistait en une femme et ses enfants. “La famille patriarcale était totalement inconnue”, écrit Lewis Henry Morgan. “Ce ne fut qu’avec l’arrivée de la civilisation attestée qu’elle s’établit”. La paternité et l’idée d’un couple permanent apparurent très tard dans l’histoire humaine. Si tardive, en fait, fut l’idée de paternité que le mot père n’existait pas encore dans la langue indoeuropéenne originelle, comme le fait remarquer le philologue Roland Kent. Même aujourd’hui il y a des peuples qui pensent que le sexe et la grossesse n’ont rien à voir. Bronislaw Malinovski décrit des tribus qui croient qu’un homme doit ouvrir le vagin d’une vierge pour faciliter l’entrée dans l’utérus de l’esprit du futur enfant ; mais l’idée que l’homme ait quelque chose à voir avec la conception du bébé dépasse l’entendement des indigènes.
L’éducation de l’enfant par le père biologique (patriarcat) est une révolution relativement tardive dans l’histoire de l’humanité, qui semble avoir commencé au moyen-orient (Sumer-Mésopotamie) en 3000 avant Jésus-Christ (épopée de Gilgamesh), et qui s’est ensuite répandue à travers le monde (invasions aryennes) en écrasant, métissant et assimilant progressivement les civilisations matriarcales. La patriarcalisation des sociétés a commencé par les élites citadines, et faute de registres d’état civil, s’est donc maintenu plus longtemps dans les campagnes (païens), comme en témoigne les vestiges de cultes de déesses-mères : adoration de la Vierge Noire, »mère de Dieu », plus populaire que Jésus ; ou encore Hamsa, la main de »Fatima » ou plutôt de la déesse Allat, dans les pays arabes…

« Ce qu’on appelle la révolution patrilinéaire n’a pas été le résultat immédiat d’une prise de conscience de la paternité, car de nombreuses sociétés ont conservé les structures matrilinéaires avec des familles sans pères. C’est le déclenchement des guerres, à partir du IVe millénaire, qui a permis aux guerriers conquérants de disloquer les clans matrilinéaires et de fonder des familles patrilinéaires, dans lesquelles les femmes sont peu à peu soumises à la prépondérance masculine. »

L’importance des guerres et des armées n’existait pas encore dans des sociétés où on n’avait nullement les moyens de nourrir des hommes à faire la guerre. Pour survivre, une société avait besoin que tous ses individus soient sans cesse occupés à chercher de la nourriture. L’accumulation de richesses n’existant pas encore, le détachement d’un groupe d’hommes à la direction de la société était encore impossible.

Ce sont les chasseurs-éleveurs-guerriers qui ont mis l’Etat en place mais ils n’ont pu le faire que dans une société qui avait déjà réussi à produire une grande accumulation de richesses, soit bien après la naissance de l’agriculture.

En prenant le pouvoir politique, les hommes-guerriers ont en même temps imposé la domination masculine.

Avec le patriarcat, la femme appartient à l’homme comme l’homme n’avait jamais appartenu à la femme, puisque la notion de propriété privée n’existait pas auparavant, pas plus que celle d’héritage. Le pouvoir politique et social appartient aux hommes comme il n’a jamais appartenu aux femmes puisque ce pouvoir politique étatique de classe n’existait pas du temps du matriarcat.

La domination des femmes n’a pas seulement un caractère personnel, familial, local, mais social, politique, économique et historique, appuyé sur des coutumes, des idéologies, des religions, des habitudes, bien des choses dont nous n’avons même pas conscience et qui, tristement, ne nous étonnent même plus et qui ne choquent pas une majorité d’homme et parfois de femmes…

Dès l’enfance, cette domination est inoculée aux êtres humains et très difficile à extraire.

Seule la révolution sociale, dont les femmes (comme les prolétaires et les jeunes) seront nécessairement l’aile marchante, pourra déraciner le patriarcat comme les autres modes d’oppression sociale.

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