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Les élections présidentielles en Egypte ou la manière « démocratique » d’étouffer la révolution

mercredi 30 mai 2012, par Robert Paris

Les élections présidentielles en Egypte ou la manière « démocratique » d’étouffer la révolution contre les classes dirigeantes et d’imposer au peuple égyptien d’être pris en étau entre les réactionnaires islamistes et la dictature militaire bourgeoise

La révolte sociale qui ne s’est pas éteinte depuis la chute de Moubarak a fini par convaincre les chefs militaires et les classes dirigeantes qu’elles n’allaient pas pouvoir conserver l’essentiel de leurs richesses et de leur pouvoir sans l’aide des politiciens islamistes et sans leur participation au gouvernement. Ils ont organisé du coup des élections présidentielles en présentant le choix entre l’ancien régime de Moubarak et la révolution comme un choix entre l’ancien premier ministre de Moubarak et le parti des Frères Musulmans. Voir ici

L’essentiel de cette élection est un chantage : ou bien vous votez pour les Frères Musulmans ou bien vous votez pour Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de Hosni Moubarak...

Cette élection présidentielle qu’ils se sont arrangé pour qu’elle débouche sur un face face entre le candidat islamiste bourgeois et celui des chefs militaires est du genre : pile je gagne, face je gagne encore, pour les classes dirigeantes. Elles n’ont rien à perdre à la venue au gouvernement du parti réactionnaire islamiste et rien bien entendu si c’est l’ancien bras droit de Moubarak qui revient au pouvoir. Rien sauf la reprise des grèves et des manifestations. Car le piège consiste justement à tâcher de faire croire que la démocratie a tranché sur l’avenir de l’Egypte alors qu’aucun des candidats ne représentait vraiment les intérêts du peuple travailleur qui a fait la révolution.

Peut-on dire que le piège a fonctionné ? Est-ce que la venue au gouvernement de ce parti peut calmer la révolte sociale ? Rien ne permet encore de le dire. D’autant que cela ne signifie nullement que le peuple égyptien pourra accéder davantage au bien-être, loin de là. Cela ne veut même pas dire que la répression violente que l’on a connu lors des dernières manifestations va cesser ni la répression des groupes qui dénoncent le régime militaire.

Ce sont les chefs militaires, les classes dirigeantes égyptiennes et internationales qui ont tout fait pour que la révolution égyptienne soit enfermée dans une impasse et prise en étau entre le pouvoir dictatorial militaire et les fascistes islamistes. Leur premier souci a été d’éviter que la classe ouvrière ne prenne pas conscience du rôle fondamental qui avait été le sien dans la chute de Moubarak, qu’elle ne prenne pas conscience de la crainte que son intervention brutalement massive avait engendré dans les classes dirigeantes locales et mondiales. Tout au long du bras de fer entre le peuple et le régime, les Frères Musulmans ont toujours fait en sorte que la classe ouvrière ne soit pas un trop grand danger pour les classes dirigeantes. Le fait que leur exemple soit celui de la Turquie est bien significatif de leurs choix sociaux qui n’ont rien de favorables à la révolte sociale. Voir ici

Rappelons que le peuple travailleur est bel et bien celui qui a renversé Moubarak même si bien des travailleurs pensent que l’armée les a sauvés du bain de sang en écartant Moubarak. voir ici

C’est la multiplication des grèves ouvrières qui a chevé de convaincre les classes dirigeantes liées aux militaires qu’il fallait se débarrasser de l’encombrant Moubarak. voir ici

Il est d’autant moins possible que la démocratie bourgeoise et ses élections dites démocratiques soient une issue à la révolution égyptienne que les classes dirigeantes égyptiennes sont complètement interpénétrées avec l’appareil militaire de l’Etat. Voir ici

Le haut conseil de l’armée qui a dirigé le pouvoir après la démission forcée de Moubarak le jeu du nouveau pouvoir militaire n’a eu qu’un souci : dissocier les forces qui ont fait tomber Moubarak en discréditant les grèves et en poussant les forces bourgeoises à se solidariser avec lui. Voir ici

Maintenant que ce haut conseil s’est avéré complètement discrédité et contraint de se tenir en arrière du pouvoir civil, il a mis en place une alternance au gouvernement. Cela ne veut nullement dire qu’il renonce à tenir les rênes de l’appareil militaire et économique, laissant les islamistes se discréditer au pouvoir en attendant….

Alors que la révolution continue en Egypte où aucun problème n’est réglé, alors qu’elle continue partout dans le monde arabe et au Maghreb, il importe de savoir où peut mener cette révolution ?

A une bourgeoisie démocratique donnant une relative prospérité à la population ? Non !

A une société dirigée par la même bourgeoisie mais permettant au peuple de s’exprimer ? Non !

L’alternative, c’est dictature de la bourgeoisie ou pouvoir aux travailleurs !!!!

En effet, jamais la bourgeoisie rapace n’acceptera de céder un centime au peuple, jamais elle ne cessera sa surexploitation qui mène à la misère de l’immense majorité !!!

Jamais la hiérarchie militaire ne renoncera aux profits qu’elle tire de l’exploitation des travailleurs !!!

Jamais la bourgeoisie égyptienne ne rompra avec l’impérialisme !

Dans ces conditions, les politiciens comme El Baradei, les partis islamistes comme les Frères musulmans sont incapables de soutenir jusqu’au bout la révolution.

Alors que les travailleurs continuent de se mobiliser et n’ont pas confiance dans la dictature militaire, les Frères musulmans, principale force d’opposition, ont dit "avoir confiance dans l’armée pour entamer le processus démocratique" !!!

Il est à remarquer que les Frères musulmans ambitionnent officiellement reproduire l’exemple turc où c’est l’armée qui leur donne le pouvoir politique pacifiquement et où le parti islamiste au pouvoir développe l’économie dans l’intérêt de la bourgeoisie !

Cela n’a rien d’étonnant malgré la tentation pendant de longues années de faire croire que les Frères étaient contre le système, contre le capitalisme, contre l’impérialisme. Rien de tout cela n’est vrai...

Depuis que la classe ouvrière est entrée dans la danse en Egypte, les Frères se sont modérés de plus en plus au point de combattre contre les grèves... Ils ont même failli ne pas participer du tout à la révolution et ont mis quatre jours sous la pression de leur base jeune pour se décider...

Maintenant ils appellent au calme, à laisser Tantaoui mettre en place la démocratie... comme si c’était possible !

Seule la classe ouvrière est la force capable d’aller jusqu’au bout de cette révolution et il est indispensable que, prenant conscience de ce rôle politique, elle s’organise de manière autonome dans des conseils ouvriers révolutionnaires, qu’elle adopte un programme politique et pas seulement des revendications pour elle-même, qu’elle s’adresse ainsi aux paysans et à toutes les couches de la société et postule au pouvoir !

Les deux sources du pouvoir sont la propriété des moyens de production et le contrôle des armes. Tant que ces deux sources sont entre les mains d’une minorité, elles s’en serviront pour soumettre et exploiter la majorité. C’est cette vérité fondamentale qui doit trouver une expression politique et organisationnelle en Egypte et en Tunisie, qui doit former le programme des travailleurs. Le sort de ces deux révolutions – et de toutes celles qui les suivront – en dépend. Dans les mois et les années à venir, la révolution devra aboutir à la réalisation de ce programme, le programme du socialisme révolutionnaire, ou alors elle sombrera, cédant la place à de nouvelles dictatures au service de vieilles oppressions.

Une Egypte socialiste ne restera pas isolée. La victoire de la révolution égyptienne aurait de profondes répercussions en Afrique et au Moyen Orient. Elle ouvrirait la perspective d’en finir avec la domination et les crimes impérialistes dans toute la région.

L’Egypte est un pays où l’immense majorité de la population vit dans une pauvreté écrasante. Les réformes introduites à l’époque de Nasser et les mesures favorisant une plus grande indépendance économique du pays – notamment la nationalisation du canal de Suez et d’autres secteurs de l’économie – ont été annulées ou détournées au profit d’une minorité capitaliste mafieuse, une minorité qui engrange d’immenses fortunes grâce aux salaires de misère et au chômage de masse.

Cette exploitation et cette misère seront-elles moins accablantes sous le « nouveau » gouvernement ? Pas du tout. Les mêmes intérêts capitalistes domineront le pays. Et sur la base du capitalisme, en Egypte, le contexte international et les réalités sociales du pays entrent en contradiction avec la perspective d’un régime démocratique qui tolérerait durablement la libre expression, des élections libres et le développement de syndicats et de partis ouvriers indépendants. Le gouffre entre les riches et les pauvres, entre les exploiteurs et les exploités, est trop grand pour cela. A terme, le capitalisme égyptien ne pourrait fonctionner qu’au moyen d’une dictature. Les masses égyptiennes n’auront jamais que les droits qu’elles prendront et conserveront par la lutte.

Le prolétariat d’Egypte a donc une importante tâche qui dépasse le cadre syndical, associatif ou réformiste, qui dépasse l’opposition dite démocratique et celle des Frères musulmans, et qui dépasse encore plus les capacités de la bourgeoisie et de la petite bourgeoisie à transformer la société. Ces gens-là sont trop liés à l’ordre ancien...

Cela nécessite que le prolétariat d’Egypte s’organise politiquement en comités des quartiers et conseils ouvriers permanents, siégeant pour prendre des décisions, les imposant aux pouvoirs locaux ou nationaux, allant dans un premier temps vers un double pouvoir.

Il est nécessaire que les comités, conseils, coordinations du peuple travailleur d’Egypte adoptent un programme de transition qui fasse passer dans les faits les aspirations portées par la révolution.

Voici un premier embryon de ce qui pourrait devenir le programme politique et social du prolétariat révolutionnaire d’Egypte :

 démission de Tantaoui et suppression de tout pouvoir militaire

 mise sous contrôle de comités de soldats toute activité de la hiérarchie militaire et de toute tentative de maintien du pouvoir militaire

 élections dans toutes les entreprises, les quartiers, les milieux populaires de délégués de comités populaires révolutionnaires avec la participation des ouvriers, des paysans, des jeunes, des femmes

 élections de délégués des soldats sans participation des officiers et de la hiérarchie

 coordinations et assemblées des comités populaires

 contrôle des entreprises et de l’Etat par les comités populaires révolutionnaires

 contrôle des comptes des grands financiers nationaux et étrangers en Egypte par les comités populaires, notamment les conseils d’employés de banque

 limogeage immédiat des PDG, chefs de la police, gouverneurs, chefs des grandes administrations et responsables liés au pouvoir de Moubarak qui ont participé à la répression et à l’oppression

 libération immédiate de tous les emprisonnés et suppression de toutes les poursuites policières

 reconnaissance de toutes les victimes de la répression et de toutes les victimes précédentes de la dictature et indemnisation aux victimes et à leur famille

 réintégration de tous les licenciés suite aux grèves et manifestations de 2011 et des années précédentes
 droit au logement pour tous

 droit à l’emploi payé de manière décente pour tous

 hausse générale et conséquente des salaires portant sur le salaire minimum et sur le salaire moyen

 échelle mobile des salaires permettant de suivre les hausses de prix

 interdiction des hausses de prix des produits de première nécessité

 interdiction des licenciements

 droit à la santé pour tous

 droit à la terre pour tous les paysans

 droits et libertés des femmes

 droit des jeunes à l’emploi, aux études, à la santé, au logement, à la vie... avec aide immédiate à tous ceux qui sont dans le besoin

 aide immédiate et massive aux régions défavorisées

 saisie de tous les biens de toute la bande Moubarak et remise au peuple travailleur

 aide immédiate aux plus démunis

 aide immédiate aux familles en difficulté

 aide immédiate aux plus démunis des petits commerçants et petits artisans

 contrôle de toute mesure prise par l’Etat par les comités populaires
A BAS LES DICTATURES DES PROFITEURS !!!!

ASSEZ DE LA DICTATURE MILITAIRE !!!

LES SOLDATS AVEC LE PEUPLE !!!!

PLUS D’OBÉISSANCE A LA HIÉRARCHIE !!!

TOUT LE POUVOIR AUX COMITÉS DE TRAVAILLEURS, DE CHÔMEURS, DE FEMMES, DE SOLDATS ET DE JEUNES !!!!!

Egypte : qui sont les Frères musulmans ?

Messages

  • Les Frères musulmans ont revendiqué lundi la victoire de leur candidat à l’élection présidentielle en Egypte, où les généraux ont publié un nouveau décret transférant le pouvoir législatif à l’armée quelques jours après la dissolution du parlement dominé par la confrérie islamiste.

    Rendu public alors même que le dépouillement du scrutin présidentiel était en cours, ce texte élaboré par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) n’accorde en outre que des prérogatives limitées au futur chef de l’Etat. Cette "déclaration constitutionnelle" pourrait aussi permettre aux généraux de confier la rédaction de la future Constitution à une commission formée par leurs soins.

    Révolutionnaires, libéraux et islamistes ont immédiatement dénoncé un "coup d’Etat".

    Aucun résultat officiel n’a encore été communiqué après les deux jours de vote de l’élection présidentielle samedi et dimanche.

    Les Frères musulmans, qui disposent d’un vaste réseau d’observateurs, assurent cependant que leur candidat Mohamed Morsi arrive en tête avec 52,5% des suffrages après dépouillement de la quasi totalité des bulletins. Il sortirait ainsi vainqueur de son duel avec Ahmed Chafik, dernier chef de gouvernement d’Hosni Moubarak présenté par ses détracteurs comme le candidat de l’ancien régime et de l’armée.

    "Mohamed Morsi est le premier président d’Egypte élu par le peuple", affirme sur son site internet le parti Liberté et Justice fondé par la confrérie islamiste.

    Au siège d’Ahmed Chafik, certains refusaient de reconnaître la défaite mais d’autres la jugeaient probable.

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