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Les Montagnards, Robespierre et les Jacobins étaient-ils l’aile marchante de la révolution française ?

mardi 3 décembre 2013, par Robert Paris

Friedrich Engels : « À chaque grand mouvement bourgeois surgissent aussi des mouvements de la classe qui est la devancière plus ou moins développée du prolétariat moderne. Ainsi, au temps de la Réforme et de la Guerre des paysans, la tendance de Thomas Münzer ; dans la grande révolution anglaise, les nivelers ; dans la révolution française, Babeuf. À ces leviers de boucliers révolutionnaires d’une classe encore embryonnaire correspondaient des manifestations théoriques : au XVI° et au XVII° siècles, c’étaient encore des descriptions utopiques d’une société idéale, au XVIII° siècle, des théories déjà franchement communistes. »

Les Montagnards, Robespierre et les Jacobins étaient-ils l’aile marchante de la révolution française ?

Pour certains historiens (républicains, sociaux-démocrates, staliniens et jusqu’à certains "trotskystes"), prenant le contrepied d’une bourgeoisie prompte à dénoncer la Terreur et le jacobinisme une fois qu’ils avaient réussi, les chefs Jacobins ne défendaient pas seulement la bourgeoisie mais les Lumières, l’idéal, le peuple, la révolution, la liberté, les droits de l’homme, les intérêts des masses… Du coup, toute tendance sociale ou politique allant plus loin que Robespierre, le dénonçant même, ne pouvait être que faite de « factieux » objectivement au service de l’ennemi ou des dangers objectifs, prenant leurs désirs pour des réalités et menaçant par leurs manifestations et leurs revendications explosives l’avancée de la révolution réelle, celle représentée par les Jacobins et leur chef Robespierre.

Cette thèse a été défendue par des historiens fameux comme Michelet, Jaurès, Lefebvre, Mathiez et Soboul, pour ne citer que les principaux. Ils ont combattu certes contre la bourgeoisie de droite qui, une fois les résultats de la révolution engrangés, voulait se démarquer de la phase la plus révolutionnaire de la Révolution en jetant à la poubelle les dirigeants bourgeois qui avaient été capables de conserver la direction de celle-ci aux moments les plus difficiles, en dénonçant la Terreur et ses chefs. Réhabiliter Robespierre (ou Danton) est le but de ces historiens. Les staliniens ont trouvé intérêt à appuyer ce courant d’historiens pour appuyer leur propre politique en URSS. Même si cela peut sembler aujourd’hui très lointain d’évoquer 1789 en 1917 ou en 1927, pour nombre d’acteurs de la révolution russe, cette dernière était la suite de la Révolution française de 1789-1793. Les arguments concernant la révolution française ont sans cesse accompagné la révolution russe, avant 1905, jusqu’en 1917, après la prise du pouvoir comme avec le stalinisme, même si les argumentations ont changé de but et de sens….

Des courants républicains radicaux, des courants sociaux-démocrates de gauche, des courants staliniens et même trotskyste avancent la thèse selon laquelle Robespierre serait le leader naturel de la partie la plus radicale de la révolution française.

Ces historiens défendent la terreur de Robespierre comme une manière de défendre le camp de la liberté alors que Marx disait : « La Terreur en France ne fut qu’une manière plébéienne d’en finir avec les ennemis de la bourgeoisie. »

Cette conception de la révolution française amène à considérer les forces populaires et même presque prolétariennes de la révolution, les non propriétaires, les salariés, les misérables, les bras nus, les sans culotte de milieux pauvres, les ouvriers et les domestiques, les femmes révolutionnaires et les courants politiques qu’ils ont soutenu comme les comités de pique, les sections parisiennes siégeant « en permanence », les comités révolutionnaires, les clubs populaires, le mouvement populaire sans culotte des déchristianiseurs, la Commune insurrectionnelle de Paris, les Enragés, les Hébertistes, les Babouvistes, les Egaux, les comités de femmes, la Société des citoyennes républicaines révolutionnaires, etc, objectivement et subjectivement, donc de manière inévitable, comme des forces supplétives de la bourgeoisie jacobine alors qu’elles étaient la locomotive de la révolution même si elles n’étaient pas représentées directement dans les instances parlementaires et gouvernementales. C’est Daniel Guérin, s’appuyant sur quelques remarques de Marx et de Trotsky, qui a combattu cette thèse progressiste de la révolution qui efface la lutte de classe interne au « camp révolutionnaire ».

Les leaders les plus révolutionnaires de la Révolution française ne se nomment pas Robespierre ou Danton, Saint-Just et encore moins Cambacérès, Carnot, Barère, Cambon, Fouché, Barras et les autres hommes de pouvoir, mais Marat, Jacques Roux, l’ouvrier Tiger, Théophile Leclerc, Varlet, Babeuf, Sylvain Maréchal, Anarcharsis Cloots, Claire Lacombe, Pauline Léon, Marie Anne Vilquin, Constance Evrard, Olympe de Gouges, etc…

En effaçant la contestation populaire, plus radicale que les dirigeants jacobins, les historiens sociaux-démocrates de gauche, progressistes ou staliniens ont simplifié la révolution, en la représentant comme un « simple » affrontement entre bourgeoisie et peuple d’un côté, féodalité de l’autre.

Marx avait toujours insisté sur le fait que, dans les révolutions bourgeoises, une aile représentant prématurément le prolétariat, avait marqué la révolution et était partie prenante de l’aile motrice des événements révolutionnaires.

Les clubs jacobins ont toujours été très élitistes, les sans culottes n’en étaient pas membres à part entière, les bras nus n’avaient pas voix au chapitre, les non propriétaires n’ont jamais été cultivés chez les jacobins et les lois votées par ceux-ci n’ont jamais envisagé de donner le droit de vote et la parole aux exploités. Les Jacobins ont toujours été très bourgeois, très modérés, même si Robespierre a su conserver la direction de la vague révolutionnaire, surfer sur la vague de déchristianisation avant de la détruire, surfer sur les comités populaires avant de les réprimer…

Les courants de gauche des partis politiques français cultivent le courant montagnard puis le jacobinisme, prenant la suite de Michelet, de Jaurès et du courant des historiens staliniens qui ont eu en France la mainmise sur la chaire d’Histoire de la Révolution française jusqu’aux années 70. Selon ce courant de pensée, Robespierre est le plus révolutionnaire des dirigeants et le jacobinisme sa direction naturelle, celle qui mène le plus loin la révolution et qui refuse toute compromission avec la noblesse, la royauté, le féodalisme et le clergé. La réalité est bien plus complexe et aussi très différente. Le jacobinisme est très loin d’être le courant le plus radical de la révolution française. Il va certes accompagner le courant révolutionnaire jusqu’à son plus haut sommet en 1793 mais il va aussi se charger de lui couper son élan, de casser son aile active, les comités de piques notamment, de briser le courant anticatholique, de détruire les contestations féministes, ouvrières et populaires, de décourager les milieux populaires. C’est seulement quand le jacobinisme aura cassé le ressort populaire que la réaction pourra relever la tête. On remarquera alors que la tête de la réaction est constituée des hommes d’Etat sur lesquels le jacobinisme s’est appuyé pour gouverner : les Cambacérès, Carnot, Barère, Cambon, Fouché, Barras....

On remarquera aussi que les jacobins ne dédaignaient pas de pactiser avec la grande bourgeoisie, y compris les esclavagistes des colonies.

On peut grandement se tromper sur le radicalisme social et politique de Robespierre qui doit tout aux circonstances, à la guerre contre les armées de la noblesse, à la résistance de la royauté, à la réaction nobilière et religieuse, etc. Ils ont contraint la direction de la révolution à saisir les biens, à décréter le maximum des prix, à prendre des mesures révolutionnaires, à lancer la terreur, à satisfaire les exigences des milieux populaires, etc. Ce n’est pas par radicalisme social que Robespierre et ses amis jacobins ont fait ce choix mais pour aller jusqu’au bout de la révolution bourgeoise.

Robespierre déclare contre les déchristianiseurs :

« Non, la Convention n’a point fait cette démarche téméraire ; la Convention ne le fera jamais. Son intention est de maintenir la liberté des culte qu’elle a proclamée, et de réprimer en même temps tous ceux qui en abuseraient pour troubler l’ordre public ; elle ne permettra pas qu’on persécute les ministres paisibles du culte, et elle les punira avec sévérité toutes les fois qu’ils oseront se prévaloir de leurs fonctions pour tromper les citoyens et pour armer les préjugés ou le royalisme contre la République… L’athéisme est aristocratique ; l’idée d’un grand être qui veille sur l’innocence opprimée, et qui punit le crime triomphant est toute populaire. Le peuple, les malheureux m’applaudissent : si je trouvais des censeurs ce serait parmi les riches et les coupables. »
Robespierre dénonce les Enragés comme des factieux :

Robespierre est l’auteur des déclarations politiquement et socialement les plus radicales proférées par un dirigeant de la bourgeoisie parvenu au pouvoir et pas par radicalisme, ni politique ni social, mais par conscience politique des nécessités de la révolution en lutte contre la féodalité et la royauté. Il a mis en place des mesures de réquisition des biens des propriétaires, qu’il soient nobles ou bourgeois, au service de la révolution, de la guerre ou du fonctionnement social. Il a assumé les avancées populaires spontanées de la révolution tant qu’il a estimé que la révolution bourgeoise en avait absolument besoin pour avancer et se maintenir. Il a lâché les masses populaires dès qu’il a estimé que la révolution sociale avait atteint le terme fixé, sachant parfaitement qu’il signait en même temps son propre arrêt de mort. Robespierre, en agissant ainsi, ne s’est pas révélé le pire trompeur du peuple, comme on pourrait le croire de prime abord, mais un révolutionnaire bourgeois conséquent, plus conséquent que sa classe, moins limité par des intérêts immédiats à défendre, plus conscient d’intérêts historiques de la bourgeoisie. On trouve chez lui la plus grande solidarité avec les exploités qui puisse exister chez un dirigeant bourgeois et en même temps la plus grande hostilité vis-à-vis des revendications de classe prolétariennes. Certaines déclarations de Robespierre sont même carrément anti-bourgeoises et presque communistes au plus haut de la vague révolutionnaire, à la grande époque où il arrive au pouvoir avec l’insurrection dite de la Commune de Paris. Mais jamais Robespierre ne perd la conscience que les sans culottes sont les plus grands dangers pour la classe bourgeoise qu’il représente.

Albert Mathiez, socialiste honnête, très brièvement communiste avant le stalinisme, est un enthousiaste de la révolution française dont il a fait toute sa vie l’historiographie. Alors que la bourgeoisie, venue au pouvoir, n’a pas voulu se solidariser de cette révolution au-delà des Girondins, lui a tenu à défendre la gloire des révolutionnaires de 1789-1793 et au premier rang desquels il place Robespierre. C’est en démocrate populaire qu’il intervient ainsi mais, ce faisant, il retire à Robespierre sa véritable capacité : une grande conscience de classe menant à une politique de classe au service des intérêts généraux et historiques de la bourgeoisie et pas seulement celle d’un leader des masses populaires.
C’est effacer le caractère d’une lutte de classe exacerbée qui est celui de la révolution française et c’est effacer que, dans cette lutte de classe, il n’y avait pas seulement le camp révolutionnaire (masses populaires et bourgeoisie petite, moyenne ou grande) et le camp contre-révolutionnaire (noblesse et une fraction de la bourgeoisie). Non, il y avait encore un fossé de classe entre bourgeoisie et masses populaires. Mathiez a envie d’imaginer que Robespierre est réellement dans le camp des masses populaires qui le suivent mais cela est faux. Il est entièrement dans le camp de la bourgeoisie révolutionnaire qui a seulement momentanément besoin des masses populaires.
Comme l’écrit Daniel Guérin dans « La lutte de classes sous la première république dans son chapitre « Le revers de la bourgeoisie révolutionnaire » :
« Les professeurs démocrates se sont efforcés d’effacer de la Révolution toute trace de la lutte de classes. Ils ont marié l’eau et le feu, réconcilié à posteriori sans culottes et grands spécialistes, les présentant comme associés dans la grande entreprise de défense nationale. Mais les plébéiens jacobins et les sans culottes comprirent fort bien, beaucoup mieux que ces historiens, qui détenait la réalité du pouvoir politique… Si les grands spécialistes avaient détenu seuls le pouvoir, le vrai visage, le visage de classe du Comité de Salut public fût apparu aux yeux de tous. Pendant la période où la bourgeoisie jugea indispensable de s’appuyer sur la sans-culotterie, d’acheter son concours par un certain nombre de concessions, il était nécessaire que d’autres hommes fussent associés au gouvernement. Ces hommes cautionnèrent les grands spécialistes (les Cambon, les Carnot, les Barère du Comité de Salut public) vis-à-vis de l’avant-garde populaire ; ils jouèrent le rôle de médiateurs entre bourgeois et bras nus. En même temps, ils endossèrent la responsabilité des décisions purement politiques et notamment celle des mesures de Terreur que les grands spécialistes jugeaient inévitables, mais dont ils préféraient ne pas se souiller trop visiblement les mains. Tel fut le rôle de Robespierre et de son équipe.
Robespierre appartenait à une catégorie intermédiaire entre les grands spécialistes et les plébéiens. Il tenait plutôt à la petite qu’à la grande bourgeoisie. Michelet note que la « médiocrité d’or était son idéal en politique, en fortune, en habitudes et en tout » et il précise que ses vêtements « donnaient l’idée d’un rentier d’une aisance médiocre, le type même que Robespierre avait en esprit : l’homme de trois mille livres de rente. »
Robespierre correspondait assez bien à la définition que Marx donne du petit bourgeois : « Le petit bourgeois se vante dans le for intérieur de sa conscience d’être impartial, d’avoir trouvé le juste équilibre. » Robespierre jouissait de la confiance de la bourgeoisie révolutionnaire qui avait reconnu en lui un homme de sa classe. Et il jouissait d’un immense prestige auprès des plébéiens et des sans culottes. Il était l’entremetteur né, le conciliateur par excellence. Donnant des gages à gauche et des gages à droite, penchant tantôt vers la gauche tantôt vers la droite, déconcertant ses propres partisans par les sautes imprévues de son opportunisme, mais suivant, à travers tous ces détours, une ligne relativement rectiligne, toujours sur la corde raide, mais ne perdant jamais l’équilibre, il fut le lien vivant entre la bourgeoisie et la plèbe. Cet homme unique, irremplaçable, sut éviter la scission latente au sein du tiers état. Il fut l’écran qui dissimula aux masses populaires le visage de classe du Comité de Salut public.
Ses origines, son passé politique le prédisposaient à ce jeu double. Robespierre était issu d’une « bonne famille ». Par son aspect extérieur, par son genre de vie, par le choix de son entourage, il était fort peu plébéien. A Arras, « son existence, écrit Gérard Walter, est celle d’un bourgeois moyen, rangé, très ordonné, vivant confortablement, en dehors de tout souci d’ordre matériel ». A Paris, il vécut, note Jaurès, « dans un large bien-être et dans une sorte de sécurité raffinée. » Il n’avait ni le langage ni les manières du peuple. « Jamais, observe Michelet, il ne se montra dans les foules. Sa correcte tenue de ci-devant l’eût fait paraître prodigieusement déplacé ». Une aversion physique l’éloignait de la foule dont il redoutait la violence élémentaire. Toute sa vie, il a craint d’être débordé par le torrent populaire. Un bref coup d’œil sur sa carrière avant 1793 suffit à nous renseigner. Chaque fois que le peuple était descendu dans la rue, il avait cherché à prévenir la crise, à amortir le choc. Au cours de la bagarre, il s’était éclipsé, était rentré sous terre, avait fait le mort. Puis, l’émeute passée, on l’avait vu réapparaître pour canaliser et apaiser le mouvement, pour en recueillir le bénéfice politique….
Incapable de parler le langage du peuple et d’emprunter à celui-ci ses manières, il avait cependant une intuition remarquable de ce que sentait et voulait la masse ; il trouvait avec une sureté rarement en défaut, les arguments, les formules qui la mettaient en confiance, qui l’apprivoisaient, qui la détournaient de l’action illégale et violente…
Son association avec les grands spécialistes répondait à une nécessité profonde. Il n’eût pu se passer de la science financière de Cambon, des talents militaires de Carnot. Et, réciproquement, les Cambon, les Carnot ne pouvaient rien s’ils n’avaient à leurs côtés un homme capable de maîtriser l’opinion, de capter, de mettre à leur disposition, de faire servir à la réussite de leurs combinaisons financières et militaires l’énergie primitive des bras nus ; un homme enfin qui sût les préserver de l’animosité des sans-culottes…. La bourgeoisie réussit d’autant plus aisément à se faire obéir que les conditions matérielles de l’époque ne permettaient plus à la Révolution d’aller plus loin. Sur tous les plans : politique, économique, religieux, la révolution bourgeoise avait atteint, et même un peu dépassé, ses limites. Le mouvement révolutionnaire ne pouvait plus que refluer. Il y avait correspondance entre la volonté subjective de la bourgeoisie d’arrêter le mouvement et l’incapacité objective de la Révolution de pousser davantage vers l’avant. Trotsky écrivait ainsi : « La bourgeoisie montagnarde, malgré sa peur des masses, put se permettre, pendant un certain temps, de leur lâcher la bride ; elle put laisser déferler le torrent, tout en tenant d’une main ferme le gouvernail. Finalement, elle dut, elle aussi, se retourner contre les masses, mais pas avant d’avoir assuré, grâce au concours de celles-ci, le triomphe de la révolution bourgeoise. » (Introduction à l’Histoire de la Révolution russe)

Membres du PCF ou compagnons de route ou proches de la social-démocratie et des républicains de gauche, d’une extrême gauche marxiste cultivée par le PCF, voici les historiens qui ont marqué la thèse pro-Robespierre dans l’Histoire de France : Albert Soboul, Georges Lefebvre, Albert Mathiez, Gérard Walter, Gustave Laurent, Jean-Clément Martin, Claude Manceron, George Rudé, Georges Labica, Claude Mazauric, Lucien Febvre, François Furet (stalinien qui vire ensuite de bord et, après une transition par le PSU, devient anticommuniste et réactionnaire notoire).
Les historiens jacobins ont rencontré ensuite le courant stalinien et cela pour de multiples raisons, sur de nombreux points communs : culte du nationalisme, de l’étatisme, du faux radicalisme, de la répression. Il faut se rappeler que la comparaison de la révolution russe avec la révolution française date de loin : elle était déjà le fait de Lénine, de Trotsky et des bolcheviks. Et cela même en 1905… Le but de Staline en comparant (ou en faisant comparer à ses portes-plumes) était tout autre.

Reprenons les points de vue des historiens qui ont fait de Robespierre un mythe, celui de la liberté en marche…

Jean Jaurès : « Ici, sous ce soleil de juin 1793 qui échauffa votre âpre bataille, je suis avec Robespierre et c’est à côté de lui que je vais m’asseoir aux Jacobins. »

Jules Michelet : « Peu de jours après Thermidor, un homme, qui vit encore et qui avait alors dix ans, fut mené par ses parents au théâtre, et à la sortie admira la longue file de voitures brillantes qui, pour la première fois, frappaient ses yeux. Des gens en veste, chapeau bas, disaient aux spectateurs sortants : « Faut-il une voiture, mon maître ? » L’enfant ne comprit pas trop ces termes nouveaux. Il se les fit expliquer, et on lui dit seulement qu’il y avait eu un grand changement par la mort de Robespierre. »

Mathiez : « Les discours de Robespierre, c’était les principes du Contrat social en voie de réalisation, en lutte avec les difficultés et les obstacles, c’était la théorie descendant du ciel sur la terre, c’était le combat épique de l’esprit contre les choses [...] »
Mathiez écrivait dans « Napoléon ou Robespierre ? » :

« La société historique que j’ai l’honneur de présider depuis quatorze ans s’est donné pour tâche de laver l’histoire des Robespierristes de toutes les légendes thermidoriennes qui l’ont dénaturée. La revue qu’elle édite, les publications qu’elle patronne ont fait bonne justice de la plupart. Nos démonstrations, toutes fondées sur l’érudition la plus solide, n’ont pas jusqu’ici trouvé de contradicteurs. Je puis dire que, devant les savants et devant les esprits impartiaux, nous avons gagné notre procès ».

En 1907, Mathiez se dirige vers Robespierre et fonde avec Charles Vellay (1876-1953), docteur ès lettres et éditeur des œuvres de Saint-Just, la Société des études robespierristes, dont il devient le président et qui regroupe des historiens et des hommes politiques. Cette société publie sous sa direction une revue, d’abord baptisée Les Annales révolutionnaires (1908-1923), avant de prendre le nom d’Annales historiques de la Révolution française ; celle-ci entre en concurrence avec La Révolution française, que dirige Aulard. La brouille s’installe dès lors entre les deux hommes, le premier prenant la défense de Danton, tandis que le second se fait le champion de Robespierre.

Devenu professeur à la faculté des lettres de Besançon en 1911, il est titulaire de la chaire d’Histoire moderne et contemporaine à Dijon de 1919 à 1926. En octobre 1926, il devient suppléant de Philippe Sagnac à la chaire d’histoire de la Révolution française de la Sorbonne.

Socialiste jusqu’en 1920, il s’enthousiasme pour la révolution d’Octobre et entre au Parti communiste français après le congrès de Tours en 1920. Mais lorsque Boris Souvarine est exclu en 1922, il en démissionne aussitôt. Il participe en décembre à la fondation de l’Union fédérative des travailleurs socialistes révolutionnaires, avant de s’associer, en 1923, à l’Union socialiste communiste, nouvelle formation politique constituée à Dijon. Puis il se rapproche de la SFIO et soutient le Cartel des gauches lors des élections législatives de 1924.

En 1937, Georges Lefebvre, premier directeur de l’ Institut d’histoire de la Révolution française, vient d’être nommé professeur d’histoire de la Révolution française à la Sorbonne.

Après la Libération, en 1944, Albert Soboul retrouve son poste de professeur au lycée de Montpellier, avant d’être nommé au lycée Marcelin-Berthelot, puis au lycée Henri-IV. Il se lie d’amitié avec l’éminent historien Georges Lefebvre et prépare sous sa direction, sa soutenance de thèse : « Les sans-culottes parisiens en l’an II. Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire, 2 juin 1793-9 thermidor an II ». Sa thèse de doctorat d’État ès-lettres le 29 novembre 1958, est un monument d’érudition incontestable et peu contesté. En 1959, il devient coprésident de la Société des études robespierristes et secrétaire général des Annales historiques de la Révolution française. Albert Soboul est nommé à l’université de Clermont-Ferrand, puis accède le 1er avril 1968, à la chaire d’Histoire de la Révolution française à la Sorbonne et devient directeur de l’Institut d’histoire de la Révolution française. Le professeur Albert Soboul multiplie les voyages à l’étranger et contribue à des missions universitaires, congrès, conférences et colloques. Les principaux congrès internationaux des sciences historiques auxquels Albert Soboul participe, sont : Stockholm en 1960, Vienne en 1965, Moscou en 1970, San Francisco en 1975 et Bucarest en 1980.

Au cours des années 1970, Albert Soboul doit faire face à l’opposition de l’école révisionniste, autour de François Furet et de Denis Richet ou des anglo-saxons comme William Doyle. Albert Soboul est l’historien par excellence des mouvements populaires, ceux des Sans-culottes de l’An II et publie de nombreux travaux historiques, dont le « Précis d’histoire de la Révolution française » ou « La Civilisation et la Révolution française » en trois volumes.

Tous les commentaires de Soboul tendent à montrer que les sans culottes ne représentaient aucune perspective sociale, contrairement à l’aile révolutionnaire la plus radicale de la bourgeoisie c’est-à-dire les Jacobins :

« 
Les
masses
populaires
urbaines,
qui
allaient
bientôt
être
désignées
sous
le
terme
sans
culotterie,
à
proprement
parler,
n’avaient
pas
de
conscience
de
classe.
 »

Soboul dans « La révolution française, 1789-1799 »

« 
Ils
pressentirent
la
direction
à
suivre,
mais
se
montrèrent
incapables
d’aller
jusqu’au
bout
de
leur
pensée.
Ils
ne
surent
pas
lier
les
revendications
économiques
à
un
objectif
final
dépassant
les
cadres
du
système
existant ;
ils
ne
surent
pas
davantage
orienter
le
mouvement
des
masses
vers
une
nouvelle
forme
de
pouvoir.
 »

Soboul dans « Mouvement populaire et gouvernement révolutionnaire en l’an II »

Quand Soboul s’aperçoit de contradictions au sein du camp révolutionnaire, entre bourgeois et sans culottes, il les ridiculise :

« 
À
la
limite,
les
sans-culottes
extrêmes
désignent
sous
le
terme
d’aristocrates
non
plus
J’ancienne
noblesse,
mais
la
bourgeoisie.
 »

Soboul dans « Les sans culottes parisiens de l’an II »

Ou alors, il récuse leurs aspirations élémentaires au communisme :

« 
Leur
unité
vient
de
l’égalitarisme
foncier
qui
caractérise
la
mentalité
et
le
comportement
populaire :
les
conditions
d’existence
doivent
être
les
mêmes
pour
tous.
 »

Soboul dans « Les sans culottes parisiens en l’an II »

Soboul n’a cessé de ferrailler contre Guérin, dont il estime qu’en faisant de Robespierre un « précurseur de la réaction thermidorienne, [il] dévoile des arrière-pensées politiques qui le disqualifient. »

Même la radicalité des Jacobins et de Robespierre n’a jamais débordé des intérêts bien conçus de la bourgeoisie. Cela a toujours été un moyen d’éviter que les masses populaires s’indépendantisent complètement du pouvoir d’Etat. La politique d’un Robespierre n’est pas caractérisée par la Terreur, ni par une politique violente vis-à-vis de la noblesse, ni vis-à-vis du roi. Robespierre n’avait pas favorisé la guerre en Europe, ni voté la mort du roi, ni voulu de la terreur révolutionnaire quand elle était décrétée par la commune révolutionnaire de Paris, mise en place par les comités de bras nus, les piques. Il les a pris en charge pour mieux empêcher le peuple travailleur d’agir de manière autonome du pouvoir bourgeois. Une fois que l’Etat a repris l’initiative de la terreur, de la réquisition, de la terreur ou de la déchristianisation, il les a fait arrêter et a cassé ensuite par la répression policière les reins de la commune insurrectionnelle et des comités populaires, ainsi que des compagnies de piques. Le jacobinisme n’est pas une avancée dans la révolution, mais seulement la tentative réussie d’empêcher la contre-révolution de l’emporter.

Robespierre a seulement représenté le point extrême où la politique de la bourgeoisie pouvait aller en s’appuyant en partie sur le mouvement populaire. Mais c’était pour mieux lui casser les reins ensuite. Ce sont les historiens staliniens qui ont fait de Robespierre un révolutionnaire pur, les historiens bourgeois pour leur part se démarquant ensuite de quiconque avait participé à la Terreur, afin de dénoncer à leur manière tout acte révolutionnaire du peuple… Dans « La révolution française et nous », Daniel Guérin écrit :
« Robespierre, en donnant, le 20 novembre 1793, un coup de frein à la déchristianisation, en insultant et en persécutant les "ultra-révolutionnaires", fit faire demi-tour à la Révolution, l’engagea sur une pente fatale où lui-même laissa sa tête, qui conduisit à la dictature militaire de Bonaparte et aux ordonnances de Charles X. (...)La bourgeoisie ne se trompa pas sur le caractère de classe que prirent ces manifestations. Sa réaction fut très vive et –le point mérite d’être souligné – elle fut unanime. Oubliant leurs querelles fratricides, l’aile droite girondine et l’aile gauche montagnarde se retrouvèrent d’accord contre l’avant-garde populaire. Les jacobins, plus directement en contact avec les sans-culottes, menacés, en outre, de perdre leur clientèle et d’être débordés par les extrémistes, ne se montrèrent pas les moins acharnés. (…)

A Paris, au début de février 1793, une délégation des 48 sections de Paris présenta à la barre de la Convention une pétition demandant une loi sur les subsistances et un prix maximum pour le blé. Une violente rumeur s’éleva dans toutes les parties de la salle. On réclama l’expulsion d’un des orateurs. Marat, l’« Ami du peuple », se fit, en cette occasion, le défenseur des possédants effrayés. (…) Au lendemain de cette journée, les députés du département de Paris éprouvèrent le besoin de désavouer par une « Lettre à leurs commettants » les auteurs de la pétition. Parmi les signataires de cette lettre, on retrouve les principaux chefs jacobins : Robespierre, Danton, Marat, Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Robespierre et le jeune David. (…) Le 25, les sans-culottes passèrent à l’action directe. A la stupeur indignée de la bourgeoisie qui parla de « pillages », ils envahirent les boutiques et obligèrent les commerçants à céder leurs marchandises à des prix qu’ils avaient eux-mêmes fixés ; parmi eux, de nombreuses femmes, des blanchisseuses notamment qui se plaignaient de la cherté du savon. Le soir même, aux Jacobins, Robespierre exhala sa colère : « Quand le peuple se lève, ne doit-il pas avoir un but digne de lui ? De chétives marchandises doivent-elles l’occuper ? » (…) En février-mars 1794, la lutte se raviva entre les deux pouvoirs. Celui issu des masses fut, alors, davantage représenté par les sociétés populaires, des sections, regroupées en un comité central, que par la Commune elle-même. Mais les dirigeants de cette dernière, sous la pression populaire, eurent à deux reprises, avant la chute des hébertitstes, avant celle de Robespierre, des velléités de coup d’état. Ce fut le chant du cygne de la dualité de pouvoirs. La bourgeoisie accusa les partisans de la Commune de vouloir « avilir la représentation nationale » et elle brisa le pouvoir populaire, donnant ainsi le coup de grâce à la Révolution. (…) Mais les bras-nus ne se laissèrent pas faire la leçon par les jacobins. (...) Le 1er mai, le ton monta encore. Les sections du faubourg Saint-Antoine envoyèrent une députation à la barre de l’Assemblée. (...) le peuple n’obtenant toujours pas satisfaction, passa à l’action directe. Les 26, 27 et 28 juin, il y eût à Paris de graves troubles. Les bras-nus, comme en février, obligèrent les commerçants à vendre leurs denrées, le savon notamment, à plus bas prix. (...) Pendant les mois de juillet et d’août, il y eu une fermentation permanente dans les faubourgs. Les sans-culottes ne s’indignaient pas seulement de la cherté des subsistances, ils souffraient aussi de leur rareté. Paris était mal ravitaillé, le pain manquait, les queues ne cessaient pas aux portes des boulangeries. A la fin de juillet, l’approvisionnement de la capitale en farine devenant de plus en plus précaire, une vive émotion s’empara des sections. (...) Le 6 août, il y eut une séance houleuse au Conseil général de la Commune. (...) Robespierre se plaignit que l’on fomentât des troubles. (...) Au cours de la seconde quinzaine d’août, à Paris, les attaques se firent de plus en plus vives contre la municipalité et son administration des subsistances. (...) Cette effervescence longtemps contenue devait aboutir au début de septembre à une explosion. (...) Le 4, dès l’aube, les ouvriers désertèrent leurs lieux de travail, se rassemblèrent au nombre de plusieurs milliers, place de l’Hôtel-de-ville. Il y avait là des ouvriers du bâtiment, maçons et serruriers notamment, des travailleurs des manufactures de guerre, des typographes, etc. Pour la première fois, le prolétariat se dégageait de la masse hétérogène des sans-culottes. (...)

Les enragés eurent le mérite incontestable, face aux montagnards enfermés dans le légalisme parlementaire, de proclamer la nécessité de l’action directe. Ils eurent aussi le courage de s’attaquer aux réputations établies, à la plus haute, à celle à laquelle il était le plus dangereux de toucher. Ils osèrent s’en prendre à l’idole populaire qu’était Robespierre. Théophile Leclerc rangeait ce dernier parmi les « quelques despotes insolents de l’opinion publique ». Jacques Roux dénonçait prophétiquement « les hommes mielleux en apparence, mais sanguinaires en réalité ». (…) La Société des Femmes Révolutionnaires de Claire Lacombe poussa la témérité jusqu’à appeler Robespierre : « Monsieur Robespierre », injure impardonnable à l’époque. »

Le 4 septembre 1793, Robespierre prononça aux Jacobins un discours particulièrement venimeux : « Ces scélérats ont voulu égorger la Convention nationale, les jacobins, les patriotes. » (…) Les sans-culottes de 1793 n’apercevaient encore que confusément la confiscation de la révolution au profit exclusif de la bourgeoisie. Et leur haine de la contre-révolution l’emportait sur la colère que leur inspirait la vie chère et la rareté des subsistances. La malfaisance du pouvoir bourgeois ne s’était pas encore suffisamment manifestée à leurs yeux, au contraire, il avait fait preuve d’une capacité relative dans la lutte contre les vestiges abhorrés de l’Ancien régime. (...) Mais, en même temps, les plus avancés des bras-nus invoquaient, sur un ton amer de reproche, les sacrifices consentis, les privations acceptées ; ils s’indignaient de la cherté croissante de la vie, de la disette chaque jour aggravée, de l’impunité dont jouissaient les accapareurs et les mercantis, de la carence des autorités incapables de faire respecter la loi. Ils s’apercevaient que la dictature de "salut public" n’était pas dirigée seulement contre les aristocrates, mais aussi contre l’avant-garde populaire.

Léon Trotsky dans « Bilan et perspectives » :

« La grande Révolution française fut vraiment une révolution nationale. Et, qui plus est, la lutte mondiale de la bourgeoisie pour la domination, pour le pouvoir, et pour une victoire totale trouvèrent dans ce cadre national leur expression classique. Le terme de "jacobinisme" est actuellement une expression péjorative dans la bouche de tous les sages libéraux. La haine de la bourgeoisie contre la révolution, sa haine des masses, sa haine de la force et de la grandeur de l’histoire qui se fait dans la rue se concentre dans ce cri de peur et d’indignation : "C’est du jacobinisme !" Nous, l’armée mondiale du communisme, avons depuis longtemps réglé nos comptes historiques avec le jacobinisme. Tout le mouvement prolétarien international actuel a été formé et s’est renforcé dans la lutte contre les traditions du jacobinisme. Nous l’avons soumis à une critique théorique, nous avons dénoncé ses limites historiques, son caractère socialement contradictoire et utopique, sa phraséologie, nous avons rompu avec ses traditions, qui, des décennies durant, ont été regardées comme l’héritage sacré de la Révolution. Mais nous défendons le jacobinisme contre les attaques, les calomnies, les injures stupides du libéralisme anémique. La bourgeoisie a honteusement trahi toutes les traditions de sa jeunesse historique, et ses mercenaires actuels déshonorent les tombeaux de ses ancêtres et narguent les cendres de leurs idéaux. Le prolétariat a pris sous sa protection l’honneur du passé révolutionnaire de la bourgeoisie. Le prolétariat, si radicalement qu’il puisse avoir rompu dans sa pratique avec les traditions révolutionnaires de la bourgeoisie, les préserve néanmoins comme un héritage sacré de grandes passions, d’héroïsme et d’initiative, et son cœur bat à l’unisson des paroles et des actes de la Convention jacobine.

Qu’est-ce donc qui a fait l’attrait du libéralisme, sinon les traditions de la grande Révolution française ? Quand donc la démocratie bourgeoise a-t-elle atteint un tel sommet et allumé une telle flamme dans le cœur du peuple, sinon durant la période de la démocratie jacobine, sans-culotte, terroriste, robespierriste de 1793 ?
Qu’est-ce donc, sinon le jacobinisme, qui a rendu et rend encore possible, aux diverses nuances du radicalisme bourgeois français, de tenir sous son charme l’écrasante majorité du peuple et même du prolétariat, à une époque où, en Allemagne et en Autriche, le radicalisme bourgeois a terminé sa brève histoire dans la mesquinerie et la honte ?

Qu’est-ce donc, sinon le charme du jacobinisme, avec son idéologie politique abstraite, son culte de la république sacrée, ses déclarations triomphantes, qui, encore aujourd’hui, nourrit les radicaux et radicaux-socialistes français comme Clemenceau, Millerand, Briand et Bourgeois, et tous ces politiciens qui savent, aussi bien que les pesants junkers de Guillaume II, empereur par la grâce de Dieu, défendre les fondements de la société bourgeoise ? Ils sont désespérément enviés par les démocrates bourgeois des autres pays et ne se privent pourtant pas de déverser des tombereaux de calomnies sur la source de leurs avantages politiques : l’héroïque jacobinisme.

Même après tant d’espoirs déçus, le jacobinisme demeure, en tant que tradition, dans la mémoire du peuple. Le prolétariat a longtemps exprimé son avenir dans le langage du passé. En 1840, près d’un demi-siècle après le gouvernement de la Montagne, huit ans avant les journées de juin 1848, Heine visita plusieurs ateliers du faubourg Saint Marceau, et regarda ce que lisaient les ouvriers, "la section la plus saine des classes inférieures". "J’ai trouvé là, écrivit-il à un journal allemand, dans des éditions à deux sous, plusieurs nouveaux discours de Robespierre ainsi que des brochures de, Marat ; l’Histoire de la Révolution de Cabet, les virulents brocards de Cormenin, et le livre de Buonarotti, Babeuf et la Conspiration des Égaux, toutes productions dégageant une odeur de sang... L’un des fruits de cette semence, prophétise le poète, c’est que, tôt ou tard, une république risque d’apparaître en France". »

Sur le point de vue de Mathiez

Le bolchevisme et le jacobinisme de Mathiez

Robespierre terroriste de Mathiez

Mythes, erreurs, mensonges et propagande sur la « grande » révolution française

Les "Enragés" dans la Révolution française

Qui étaient les sans-culottes ?

A qui profita la révolution française

La révolution française et nous, Daniel Guérin

La Révolution "française" de 1789-1795

Babeuf et la naissance du communisme ouvrier

Maximilien Robespierre, dirigeant de la révolution bourgeoise française

Lire "La lutte des classes sous la première république" (cliquer et lire la fin du texte

L’aile marchante de la révolution, sa locomotive, était la sans culotterie révolutionnaire

Lire encore sur la révolution française

Messages

  • « La Révolution française a fait éclore des idées qui mènent au-delà des idées de l’ancien état des choses. Le mouvement révolutionnaire qui commença en 1789 au Cercle Social, qui eut comme représentants principaux, au milieu de son évolution, Leclerc et Roux, et finit par succomber un instant avec la conspiration de Babeuf, avait fait éclore l’idée communiste que Buonarotti, l’ami de Babeuf, réintroduisit en France après la révolution de 1830. Cette idée, haussée dans ses conséquences logiques, c’est l’idée du nouvel état de choses. »

    Karl Marx, « La Sainte Famille »

  • Pour Soboul, l’explication de la défaite de la sans-culotterie parisienne réside dans les contradictions internes de celle-ci : elle « ne constituait pas une classe, ni le mouvement sectionnaire un partie de classe » . Dans leurs rangs se mêlaient artisans et boutiquiers, compagnons et journaliers, tous d’accord dans leur hostilité à l’aristocratie et à la bourgeoisie. « Mais à l’intérieur même de cette coalition, l’opposition n’en était pas moins nette entre artisans et commerçants propriétaires de leurs moyens de production et vivant du profit, et compagnons et journaliers ne disposant que d’un salaire. »

    Cela lui suffisait pour disqualifier la sans culotterie politiquement et socialement alors que, sans cette dernière, il n’y aurait jamais eu de révolution française telle qu

  • Bien entendu, notre critique de Robespierre ne nous place pas du côté des historiens réactionnaires comme Taine qui déclare :

    « Robespierre, à la tribune , excuse les jacqueries, refuse d’appeler brigands les incendiaires des châteaux, justifie les insurgés de Soissons, de Nancy, d’Avignon, des colonies. À propos des deux pendus de Douai, Desmoulins remarque qu’ils l’ont été par le peuple et par les soldats réunis : « Dès lors, je le dis sans crainte de me tromper, ils avaient légitimé l’insurrection » ; ils étaient coupables, et l’on a bien fait de les pendre . — Non seulement les meneurs du parti excusent les assassinats, mais encore ils les provoquent. Desmoulins, « en sa qualité de procureur général de la Lanterne, réclame, dans chacun des quatre-vingt-trois départements, la descente comminatoire d’une lanterne au moins », et Marat, dans son journal, au nom des principes, sonne incessamment le tocsin. « Lorsque le salut public est en danger, c’est au peuple à retirer le pouvoir des mains auxquelles il l’a confié... Renfermez l’Autrichienne et son beau-frère.... Saisissez-vous de tous les ministres et de leurs commis, mettez-les aux fers, assurez-vous du chef de la municipalité et des lieutenants du maire ; gardez à vue le général, arrêtez l’état-major.... L’héritier du trône n’a pas le droit de dîner lorsque vous manquez de pain. Rassemblez-vous en corps d’armée ; présentez-vous à l’Assemblée nationale, et demandez qu’à l’instant on vous assigne de quoi subsister sur les biens nationaux.... Demandez que la contribution patriotique soit appliquée à faire un sort aux indigents du royaume. Si l’on vous refuse, joignez-vous à l’armée, partagez-vous les terres et les richesses des scélérats qui ont enfoui leur or, pour vous réduire par la faim à rentrer sous le joug.... Voici le moment de faire tomber les têtes des ministres et de leurs subalternes, de La Fayette, de tous les scélérats de l’état-major, de tous les commandants antipatriotes des bataillons, de Bailly, de tous les municipaux contre-révolutionnaires, de tous les traîtres de l’Assemblée nationale. » – À la vérité, parmi les gens un peu éclairés, Marat passe encore pour un exagéré, pour un furieux. Pourtant, tel est le dernier mot de la théorie : dans la maison politique, au-dessus des pouvoirs délégués, réguliers et légaux, elle installe un pouvoir anonyme, imbécile et terrible, dont l’arbitraire est absolu, dont l’initiative est continue, dont l’intervention est meurtrière : c’est le peuple, sultan soupçonneux et féroce, qui, après avoir nommé ses vizirs, garde toujours ses mains libres pour les conduire, et son sabre tout affilé pour leur couper le cou. »

  • Soboul à propos de Babeuf : « Les temps n’étaient point mûrs pour une nation d’impropriétéaires. »

  • “Le gouvernement de la révolution est le despotisme de la liberté contre la tyrannie.”

    Robespierre

  • « Citoyen, vouliez-vous une révolution sans révolution ? »

    Discours à l’Assemblée nationale, 5 novembre 1792.

    Maximilien de Robespierre

  • « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple le plus sacré et le plus indispensable des devoirs. »

    A la Convention nationale, 10 juillet 1794

    Maximilien de Robespierre

  • Est-ce qu’il n’est pas clair cependant que Marx et Engels avaient fait de Robespierre et Saint-Just des exemples de révolutionnaires intègres et sans concession, allant jusqu’au bout de leur combat pour la liberté ?

  • Ce n’est qu’un mythe.

    Ce sont les historiens staliniens et leurs compagnons de route nationalistes français qui ont dessiné cette fausse image.

    Voici par exemple ce qu’en disent Marx et Engels dans « La Sainte Famille » :

    « Quel est le principe fondamental du gouvernement démocratique ou populaire ? » demande Robespierre dans son discours sur les principes de la morale publique (séance de la Convention du 5 février 1794). « La vertu. J’entends la vertu publique qui a fait de si grandes merveilles en Grèce et à Rome et qui en accomplirait encore de plus admirables dans la France républicaine ; de la vertu, qui n’est autre que l’amour de la patrie et des lois. » (paroles adressées à Lafayette et citées dans le journal de Bauer dont Marx entreprend la critique dans « La Sainte famille ») Et il désigne alors formellement les Athéniens et les Spartiates comme des « peuples libres ». Il évoque à tout moment le « peuple » au sens de l’Antiquité, et cite ses héros et ses corrupteurs : Lycurgue, Démosthène, Miltiade, Aristide, Brutus et Catilina, César, Clodius, Pison.

    Dans son rapport sur l’arrestation de Danton – à quoi la Critique (de Bauer) renvoie -, Saint-Just dit textuellement : « Le monde est vide depuis les Romains ; et leur mémoire l’emplit et prophétise encore la liberté. » (Saint-Just, Au nom des comités de salut public) Son réquisitoire sur le code antique est dirigé contre Danton, traité de Catilina.

    Dans l’autre rapport de Saint-Just, touchant la police générale, le républicain est peint entièrement dans le style antique : inflexible, frugal, simple, etc. La police doit être par essence une institution analogue à la censure romaine : Codrus, Lycurgue, César, Caton, Catilina, Brutus, Antoine, Cassius ne manquent pas au tableau. Efin Saint-Just caractérise d’un seul mot la trinité « Liberté, Justice, Vertu » qu’il réclame quand il dit : « Que les hommes révolutionnaires soient des Romains ! » (Saint-Just, « Rapport sur la police générale »)

    Robespierre, Saint-Just et leur parti ont succombé parce qu’ils ont confondu l’antique république, réaliste et démocratique, qui reposait sur les fondements de l’esclavage réel, avec l’Etat représentatif moderne, spiritualiste et démocratique, qui repose sur l’esclavage émancipé, la société bourgeoise. Quelle énorme illusion : être obligé de reconnaître et de sanctionner dans les « droits de l’homme » la société bourgeoise moderne, la société de l’industrie, de la concurrence générale, des intérêts privés poursuivant librement leurs fins, la société de l’anarchie, de l’individualisme naturel et spirituel aliéné de lui-même, et vouloir, en même temps, anéantir après coup dans certains individus les manifestations vitales de cette société, tout en prétendant modeler « à l’antique » la tête politique de cette société !

    Le tragique de cette illusion éclate quand Saint-Just, le jour de son exécution, montrant du doigt le grand tableau des « Droits de l’homme » accroché dans la salle de la Conciergerie, s’écrie d’un air de fierté : « C’est pourtant moi qui ai fait cela ! » C’est précisément ce tableau qui proclamait le droit d’un homme qui ne peut pas être l’homme de la communauté antique, pas plus que ses conditions d’existence économiques et industrielles ne sont antiques.

    Il n’y a pas lieu ici de justifier historiquement l’illusion des « Terroristes ». (…)

    C’est seulement après la chute de Robespierre que les lumières politiques, qui voulaient se surpasser elles-mêmes dans leur enthousiasme débordant, commencent à se réaliser « prosaïquement ». Délivrée sous le gouvernement du Directoire, des entraves féodales et reconnue officiellement par la Révolution elle-même – bien que la « Terreur » voulût la sacrifier à un mode antique de vie politique -, la société bourgeoise jaillit en torrents de vie. Course tumultueuse aux entreprises commerciales, soif d’enrichissement, vertige de la nouvelle vie bourgeoise dont les première jouissances sont encore hardies, insouciantes, frivoles, grisantes ; « lumières » faites de réalité, lumières des « terres » françaises, dont la structure féodale avait été brisée par le marteau de la Révolution, et que la première fièvre des nombreux propriétaires nouveaux soumet à toutes les modes de culture ; premiers mouvements de l’industrie libérée – voilà quelques-uns des signes de vie de la société bourgeoise nouveau-née. La « société bourgeoise » est positivement représentée par la bourgeoisie. La bourgeoisie commence donc son règne. C’en est fini, pour les droits de l’homme, d’exister en théorie seulement. »

  • La Révolution française avait-elle besoin d’assassiner le roi ? Les historiens semblent en douter. Et ils affirment souvent que c’est ça qui aurait poussé la révolution dans la terreur, assassinant y compris les révolutionnaires. Bien sûr, je comprends qu’il s’agit pour eux de coller le même schéma à la révolution russe ou plus généralement à la révolution prolétarienne.

  • La bourgeoisie reproche aujourd’hui à la révolution d’avoir assassiné le roi d’Angleterre, le roi de France ou celui de Russie, mais elle-même, à l’époque moderne, assassine le dictateur de Libye comme elle a assassiné celui d’Irak, d’Afghanistan ou de Roumanie. Elle reproche aussi que la terreur ait fait tuer nombre de gens innocents mais elle-même a massacré tant qu’elle a pu toutes les révolutions, toutes les révoltes, sans s’occuper des gens innocents. Bande d’assassins hypocrites, couverts par beaucoup d’historiens. Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’Histoire !!! En fait, toutes les terreurs révolutionnaires ont été produites par la terreur contre-révolutionnaire. Les révolutions elles-mêmes ont été peu gourmandes en vies humaines. Ce sont les guerres civiles provoquées par les classes dirigeantes pour contrer ou éviter les révolutions qui ont entraîné des bains de sang.

  • Robespierre et Danton n’étaient pas les plus ardents défenseurs de la révolution !
    Mais plutôt tous les Leclerc, lui qui écrivait :

    “Citoiens

    je datte de 89 ; comme guerrier républicain ou comme écrivain patriote, je n’ai cessé de payer ma dette à la patrie.

    J’ai été employé dans les hopitaux ambulants de l’armée du nord ; je l’ai été à la commission d’instruction publique, dans l’un et l’autre de ces postes, j’ai mérité l’estime de mes chefs.

    J’ai été emprisonné cinq mois sous Robespierre, j’ai pris les armes le 11 vendémiaire et j’ai passé les 12, 13, 14, 15 et 16 du même mois, auprès de la représentation nationale ; dans le moment du danger, mon poste fut aux thermopiles, c’est à dire dans la rue de la Convention.

    La révolution par sa durée m’a éloigné de la culture des lettres, pour lesquelles mon gout fut naturel et très prononcé ; le terme de la révolution approche, il est tems que je rentre dans le sentier de mes inclinations favorites.

    Mon honorable pauvreté atteste ma probité et mon désintéressement, deux sœurs, une femme et un enfant qui ne subsistent que des rapports de mon industrie, sont les aiguillons qui me pressent de demander un emploi malgré ma répugnance pour des sollicitations de ce genre.

    Je demande à être employé aux bibliothèques ; c’est là que brulant d’être utile, en nourrissant ma passion pour les sciences et les arts, je pourrai devenir peut-être un jour, un homme intéressant pour la patrie."

    Leclerc

  • Les Chalier, les Jacques Roux, les Pierre Dolivier, les Leclerc, les Babeuf, les Varlet, les Claire Lacombe, les Pauline Léon, les voilà nos révolutionnaires prolétariens de la Révolution française !

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