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La démocratie de... la terreur

mercredi 8 août 2018, par Robert Paris

“Finir les fers au pied, c’eût été le but d’une vie. Mais c’est une volière à barreaux. Indifférent, autoritaire, sans gêne, le bruit du monde fluait et refluait à travers le grillage ; le captif, au fond, était libre : il pouvait prendre part à tout, rien ne lui échappait au dehors ; il eût pu même déserter la cage ; les barreaux se distendaient sur la largeur d’un mètre ; il n’était même pas pris.” (Franz Kafka)

Georges Henein – Prestige de la terreur (1945)

Le 8 août 1945

Ceci n’est pas une thèse. Car une thèse non seulement s’écrit de sang froid et avec toutes les précautions littéraires d’usage, mais encore nécessite une accumulation de références et de données plus ou moins statistiques à quoi je m’en voudrais de sacrifier le mouvement de révolte et de fureur qui me dicte ce texte. De plus, l’ancien public des thèses, désertant toute réflexion prolongée, se complait aujourd’hui dans la lecture des multiples « Digest » en circulation et dans le récit des intrigues sentimentales, diplomatiques et policières qu’une presse rompue à toutes les ignominies lui sert, chaque matin, avec le déjeuner.

Ceci n’est pas une thèse et ne se satisfait pas de n’être qu’une protestation. Ceci est ambitieux. Ceci demande à provoquer les hommes couchés dans le mensonge ; à donner un sens et une cible et une portée durable au dégoût d’une heure, à la nausée d’un instant. Les valeurs qui présidaient à notre conception de la vie et qui nous ménageaient, ça et là, des îlots d’espoir et des intervalles de dignité, sont très méthodiquement saccagées par des événements où, pour comble, l’on nous invite à voir notre victoire, à saluer l’éternelle destruction d’un dragon toujours renaissant. Mais à mesure que se répète la scène, n’êtes vous pas saisi du changement qui s’opère dans les traits du héros ? Il vous est pourtant facile d’observer qu’à chaque nouveau tournoi, Saint-Georges s’apparente sans cesse de plus près au dragon. Bientôt Saint-Georges ne sera plus qu’une variante hideuse du dragon. Bientôt encore, un dragon camouflé, expert à nous faire croire, d’un coup de lance, que l’Empire du Mal est terrassé !

Le 8 Août 1945, restera pour quelques uns, une date intolérable. Un des grands rendez-vous de l’infâmie fixés par l’Histoire. Les journaux rapportent avec délices les effets de la bombe atomique, futur instrument de polémique, de peuple à peuple. Les émissions radiophoniques de la soirée annoncent l’entrée en guerre de l’Union Soviétique contre les cendres et les ruines du Japon. Deux événements, d’ampleur inégale sans doute, mais qui participent de la même horreur.

L’opinion mondiale s’était, il y a dix ans, dressée frémissante pour protester contre l’usage de l’ypérite par les aviateurs fascistes lâchés sur l’Éthiopie. Le bombardement du village de Guernica, rasé au sol par les escadrilles allemandes en Espagne, a suffi à mobiliser – dans un monde encore fier de sa liberté – des millions de consciences justes. Quand Londres, à son tour, fut mutilée par les bombes fascistes, on sut de quel côté de l’incendie se situaient les valeurs à défendre. Puis l’on nous apprit que Hambourg brûlait du même feu que Londres, l’on nous instruisit des bienfaits d’une nouvelle technique de bombardement appelée « bombardement par saturation » à la faveur de laquelle d’immenses zones urbaines étaient promises à un nivellement inéluctable. Ces pratiques perfectionnées, ces suprêmes raffinements dans le meurtre n’avaient rien qui pût rehausser la cause de la liberté, le parti de l’homme. Nous étions plus que quelques uns, ici, en Grande Bretagne, en Amérique, à les tenir pour aussi détestables que les diverses formes de supplice mises au point par les Nazis. Un jour, c’était une ville entière qui était « nettoyée » par un raid de terreur. Le lendemain, une gare où s’entassaient des milliers de réfugiés, est, grâce à un super-viseur scientifique, criblée à mort. Ces jeux inhumains apparaissent soudain dérisoires, maintenant que la bombe atomique a pris service et que des bombardiers démocratiques en essaient les vertus à même le peuple japonais ! Qu’importe en effet l’assassinat prémédité de quelques dizaines, de quelques centaines de milliers de civils japonais. Chacun sait que les japonais sont des jaunes et, par surcroît d’impudence, de méchants jaunes, – les chinois représentant les jaunes « gentils ». Un personnage qui n’est pas un « criminel de guerre » mais l’Amiral William Halsey, n’a-t-il pas déclaré : « Nous sommes en train de brûler et de noyer ces singes bestiaux de Japonais à travers tout le Pacifique, et nous éprouvons exactement autant de plaisir à les brûler qu’à les noyer ». Ces mots exaltants et rassurants quant à l’idée que les chefs militaires veulent bien se faire de la dignité humaine, ces mots ont été prononcés devant un opérateur d’actualités...

Saint-Georges exagère. Il commence à nous paraître plus répugnant que le dragon.

Au point auquel nous ont portés les derniers développements de la politique et de la guerre, il est indispensable d’affirmer que le bien-fondé d’une cause doit se juger, essentiellement et d’abord, sur les moyens qu’elle met en œuvre. Il est indispensable d’établir, au profit des causes qui risquent encore d’en appeler au meilleur de l’homme, un inventaire des moyens non-susceptibles d’obscurcir le but poursuivi. Le recours à la délation face à une nécessité passagère, se traduit, en peu de temps, par une administration de la délation. Il se forme aussitôt chez une partie des citoyens, un pli de la délation, – chez l’autre partie, une hantise de la délation. Voulez-vous aiguiller le débat vers les fins ultimes desquelles chacun se réclame, on se lèvera, en inspectera le pilier et l’aspect de l’escalier, on fermera ensuite la porte à double tour et l’on ne s’exprimera qu’en termes mesurés et selon un mode d’esprit devenu subitement académique. Le moyen est passé à l’état d’institution. Il coupe en deux la vie d’une nation, la vie de chaque homme. Et il en va de même des autres moyens volés à l’ennemi pour mieux le dominer et le détruire, mais dont on découvre – à victoire remportée – qu’ils ont été élevés au rang de difformités nationales, de tares intellectuelles soigneusement protégées contre les révoltes possibles de la raison. C’est ainsi que le culte de l’infaillibilité du chef, le renforcement délirant des fausses hiérarchies, la mainmise sur toutes les sources d’information et tous les instruments de diffusion, l’organisation frénétique du mensonge d’État à toutes les heures de la journée, la terreur policière croissante à l’égard des citoyens attachés à leur relative lucidité, – sont devenus des formes communément admises du progrès politique et social ! Et c’est précisément contre un si puissant concours d’aberrations qu’il faut nous répéter, sans répit, l’évidence suivante :

Que le prolétariat ne saurait songer a s’élever en recourant aux moyens par lesquels ses ennemis s’abaissent. Qu’une sorte de socialisme qui devrait son avènement à des prodiges d’intrigue, de délation, de chantage politique et d’escroquerie idéologique, serait vicié à l’origine par les instruments mêmes de sa victoire, et l’homme et les peuples pécheraient par excès de candeur s’ils en attendaient autre chose qu’un changement de ténèbres.

Le 8 Août 1945, alors que fume encore la plaie béante d’Hiroshima, ville-martyre choisie pour l’essai de la première bombe atomique, la Russie de Staline assène au Japon le fameux coup-de-poignard-dans-le-dos breveté par Mussolini. Cependant celui-ci aurait tort de se retourner dans sa tombe, en rêvant de droits d’auteur. Car on ne s’est pas contenté de plagier ses beaux gestes ; on a voulu ajouter à son apport historique. Le texte de la déclaration de guerre soviétique nous informe en effet que cette entrée en guerre de l’URSS n’a d’autre but que « d’abréger la guerre » et « d’épargner des vies humaines » ! Trêve de petits moyens, – voilà donc une fin en elle-même, une fin dont nul ne contestera qu’il soit difficile d’égaler la noblesse. Et pendant des siècles à venir, les trouvères staliniens de la Mongolie extérieure auront loisir d’épiloguer sur le caractère pacifiste et humanitaire de la décision du Maître.

Le 8 Août 1945 est une des dates les plus basses dans la carrière de l’humanité.

Des Guerres justes et du danger de les gagner

Plusieurs années avant que le monde ne soit précipité dans la guerre contre le fascisme, d’âpres discussions firent rage dans les mouvements de gauche entre adeptes du pacifisme intégral et militants de la lutte à mort contre la tyrannie. Un des thèmes qui revenaient le plus souvent dans ce long échange d’idées et d’arguments, était celui des « guerres justes ». Avec une habileté qui n’était pas toujours à toute épreuve, les pacifistes intégraux s’employaient à démontrer qu’il n’existait pas de guerres justes. Que prétendre combattre la tyrannie par la guerre c’était se livrer soi-même à la tyrannie d’un appareil militaire sans frein, de lois d’exception sans pitié, de politiciens investis des pouvoirs les plus arbitraires et plus ou moins dispensés d’en rendre compte. La guerre en elle-même et à elle seule, constitue une tyrannie qui ne le cède en rien à celle que vous vous proposez d’abattre, nous disaient sans nous convaincre les théoriciens du pacifisme intégral.

Ils se trompaient. Il existe des guerres justes. Mais le propre des guerres justes est de ne pas le demeurer longtemps.

N’oublions pas que les guerres « justes », si elles produisent des Hoche et des Marceau, produisent par ailleurs des Bonaparte, ce qui est, pour elles, une façon particulièrement démoniaque de cesser d’être justes. Mais d’autre part – et en l’absence de tout Bonaparte à l’horizon – une guerre “ juste “ se distingue des ordinaires expéditions de brigandage, en ce qu’elle impose à ceux qui en prennent charge, un rythme et des exigences qui leur sont difficilement tolérables. Pour tenir en éveil une entreprise fondée sur la ferveur populaire, il faut que les équipes responsables de la conduite de la guerre aient la claire audace de laisser aux forces mouvantes sur lesquelles elles s’appuient, leur caractère de masses en combustion, – de masses en plein devenir et conscientes du sens de leur élan. Mais la règle persistante chez les meneurs de peuples – souvent même chez ceux qui semblent venir tout droit de la ligne de feu ou du meeting d’usine est d’user de leur poids hiérarchique pour ramener les forces motivantes qui leur sont confiées, dans les cadres traditionnels d’un pays en guerre. Et quand je dis « cadres traditionnels », j’entends rationnement de la vérité, rationnement de l’enthousiasme, rationnement de l’idéal. J’entends raidissement arbitraire des forces mouvantes d’une nation, sur l’ordre de ceux qui redoutent dans le « mouvement » d’aujourd’hui, le “ bouleversement “ de demain. Ces cadres traditionnels – simples masques à poser sur le visage de telle ou telle guerre pour en effacer l’expression originale et la rendre semblable à toutes les autres – on peut les emprunter tantôt des archives du Musée de la Guerre, tantôt des pratiques de l’ennemi. Cela s’appelle : dans un cas, « s’inspirer des leçons du passé », dans l’autre, « profiter de ce que votre adversaire vous apprend ».

Ce ternissement des valeurs vives du présent que l’on est toujours prêt à envelopper dans de vieilles formules sacramentelles comme dans un linceul, ce transfert dans le camp de la justice des procédés et des routines mentales de l’ennemi, le déroulement de la guerre contre le fascisme ne nous en offre que trop d’exemples. Il me souvient nettement que le premier communiqué de guerre soviétique s’achevait par la mention d’un soldat allemand, cité nommément, qui s’était dirigé vers un poste russe en déclarant ne pas vouloir prendre les armes contre un État prolétarien. Cette seule phrase du communiqué rendait, devant l’histoire, un son plus éclatant que les exploits motorisés qui la précédaient ou qui l’ont suivie. Elle attestait, par-dessus le fracas du combat, que la fraternité des travailleurs gardait et devait garder le pas sur la division des hommes en groupes ethniques et nationaux. Là était le bien à préserver entre tous, – la vertu susceptible de faire craquer les cadres vermoulus de la guerre entre nations. Et pourtant c’est, encore une fois, vers ces cadres traditionnels, que les travailleurs furent reconduits, furent égarés. Au lieu d’exalter les héros populaires russes et allemands qui s’étaient jadis tendu la main en de mêmes luttes libératrices, les services de propagande soviétiques se complurent très vite dans un pathos effroyable d’où n’émergèrent que des figures parmi les plus sinistres de l’histoire de Russie. Le prince Alexandre Nevsky connut à nouveau toutes les enflures de la gloire parce qu’en l’an 1242 il eut la bonne fortune de mettre en déroute les Chevaliers de l’Ordre Teutonique. Par contre le souvenir d’un Pougachev et d’un Stenka Razin – champions légendaires de la cause paysanne – fut mis en veilleuse car il était jugé que ces personnages avaient par trop malmené les autorités de leur temps. Le 7 Novembre 1941, s’adressant aux combattants de l’Armée Rouge, Staline offrit à leur vaillance d’étranges antécédents : « Puissiez-vous, leur dit-il, être inspirés par les courageuses figures de vos ancêtres : Alexandre Nevsky, Dimitri Donskoy, Kuzma Minin, Dimitri Pozharsky, Alexander Suvorov, Mikhail Kutuzov ». [1]

L’héroïsme ancestral n’a, dans aucune armée, eu beaucoup de prise sur le moral des soldats. Mais quant aux ancêtres taillés en icônes par Staline et présentés au pieux baiser des masses, il n’en est pas un seul qui n’ait eu, par rapport aux luttes du peuple russe pour s’arracher à son grabat de misère, une fonction réactionnaire et haïssable. Que l’on ait tenu à détourner vers de tels noms l’imagination héroïque des défenseurs de l’URSS, il y avait déjà là de quoi frapper de sénilité une guerre dont certains attendaient qu’elle améliorât le monde. La suite lut à la hauteur de ce début. L’exhumation d’Alexandre Nevsky entraîna la révision de huit siècles d’histoire européenne. Empruntant non plus du passé mais de l’ennemi, Staline opposa à la théorie hitlérienne de la mobilisation de l’Europe contre l’assaut asiate, un retour pur et simple au panslavisme le plus borné. Les débats des différents Congrès Panslaves organisés au cours de cette guerre, sur l’initiative de Moscou, ont fait reculer l’intelligence au même titre que les émissions de Radio-Berlin. Le long développement de l’Europe n’apparut plus que comme prétexte à divisions raciales, – sujet à un conflit ans cesse renaissant entre Slaves et Germains. Le dernier Congrès Panslave (Sofia, février 1945) a consacré l’existence d’un bloc slave héritier d’une union scellée à travers des siècles de batailles et remontant à la victoire de Grunewald (1410) remportée par les armées slaves unies contre les Germains. Ainsi l’on a fini par se battre bloc contre bloc, race contre race, insanité contre insanité ! Ainsi les guerres “ justes’’ ne résistent-elles pas longtemps à l’infamante contagion des idées qu’il leur était demandé d’anéantir. [2]

Je dis que nous assistons actuellement à une pénétration du comportement politique hitlérien dans les rangs de la démocratie. Cette pénétration ne scandalise presque personne ; trop de gens y trouvent leur convenance matérielle et leur confort moral. Cette pénétration s’étale dans tous les journaux, dans toutes les nouvelles qui nous parviennent sur le sort que l’on se prépare à faire au monde. Par exemple, l’annexion de territoires sans l’agrément préalable des populations était communément considérée comme un outrage au droit, relevant de la frénésie impérialiste d’un Hitler. Or aujourd’hui, voilà que la chose se présente tout différemment et sous le seul rapport de l’utilité nationale ; tel port m’est tout à fait utile et j’aimerai qu’il me fût octroyé, déclare une puissance, – et si on lui objecte que ce port a toujours fait partie d’une autre unité nationale, elle répondra que c’est possible, mais qu’elle en a fort besoin et que sa victoire lui donne droit à ce petit larcin. Ainsi en va-t-il désormais non pis d’un port ou d’une ville isolée, mais de vastes ensembles de territoires devenus parfaitement mobiles et aptes à changer de propriétaire en l’espace d’une nuit. Le transfert de populations passait également pour une opération cruelle à laquelle seuls les régimes de force se permettaient de recourir. Ces transferts sont cependant envisagés aujourd’hui sur une échelle non inférieure à celle des rafles sombres du nazisme. Ici, je laisse la parole à Louis Clair, un des principaux collaborateurs de la revue américaine « Politics » dont la capacité d’indignation nous aide à respirer encore : Les peuples sont déplacés comme du bétail ; si vous me donnez 500.000 allemands-sudètes, je m’arrangerais pour vous remettre une certaine quantité de tyroliens ; peut-être pourrions-nous, échanger quelques allemands contre des machines-outils. Hitler, ici aussi, a mis en marche un mécanisme qui est en train de prendre d’inquiétantes proportions... La précipitation avec laquelle les puissances victorieuses se disputent la seule marchandise qui, en dépit des perfectionnements de la technique, reste plus demandée que jamais – le labeur d’esclave – est quelque chose de véritablement obscène.[3]

Une guerre a été gagnée. Mais est-on tellement sûr que Hitler ait perdu la sienne ?

« Faute de mieux... »

Lorsque l’on s’interroge sur les raisons qui tendent à convertir une guerre « juste » en une guerre ordinaire, en une guerre tout court, et plus généralement lorsque l’on s’interroge sur les raisons qui enlèvent aux masses le contrôle des causes élevées auxquelles elles se dédient, l’on se trouve vite enfermé dans un circuit hallucinant. D’une part en effet, l’ampleur et la concentration de la vie économique moderne ont fait de chaque parti, de chaque syndicat, de chaque administration, des organismes quasi-totalitaires qui poursuivent leur route en s’abandonnant à leur propre poids spécifique et nullement en se référant aux cellules individuelles qui les composent. Ces partis, ces syndicats, ces administrations étatiques modernes sont protégés contre les démarches de la raison critique (aussi bien d’ailleurs que contre les sursauts affectifs et les révoltes du cœur) par leur seule et souveraine pesanteur. Ces édifices déconcertants fonctionnent par la grâce d’une humanité toute spéciale, d’une humanité d’initiés. Pour être admis à présenter une motion au terme du Congrès d’un parti de gauche tolérant quelque échange d’opinion, il faut une année de manœuvres extrêmement délicates à travers un dédale de secrétariats et de comités qui rappellent à s’y méprendre les mystères de l’inaccessible Tribunal où Kafka laisse trembler dans « Le Procès » – l’image indéfiniment réfléchie de notre angoisse. Et si ces épreuves initiatrices sont favorablement surmontées, si nul faux-pas n’est venu contrarier l’avance de la motion, alors sans doute son objet se sera suffisamment estompé pour ne plus susciter qu’un intérêt rétrospectif et presque de la pitié pour qui se hasarderait à lui accorder son soutien. D’autre part, les citoyens clairvoyants et énergiques, mieux encore, les individus disposant d’un certain prestige intellectuel, qui seraient tentés d’intervenir afin de rectifier l’orientation d’un parti, d’un syndicat ou d’un gouvernement, savent trop bien que ces différents organismes ont les moyens de tisser autour d’eux une toile mortelle, – une toile de silence qui ne tarderait pas à les retrancher de toute vie publique. Cette toile de silence s’est refermée à jamais sur quelques uns des plus brillants esprits de la société soviétique, – écrivains, savants, journalistes, militants ; elle serre de plus en plus près, en Europe et en Amérique, d’autres esprits, résistants et purs, exagérément épris de liberté ... Il est quelque chose de pire pour l’être civilisé que sa perte de pouvoir sur les organismes qui le représentent et agissent en son nom. C’est la résignation à cette perte. Résignation dont nous informent des signes innombrables et flagrants. Résignation que nous reconnaissons – en guerre comme en paix – à l’attitude-standard de personnes douées, cultivées et portées à l’action, – et cependant confites dans leur propre défaite. Cette résignation tient en trois mots : « Faute de mieux.. » Si on adhère au Parti Communiste (ou à tout autre...) sans être le moins du monde rassuré sur sa politique présente et future, c’est « faute de mieux »... Si l’on finit par s’accommoder d’une redistribution de territoires dont on s’avoue qu’elle ne rendra aux peuples ni le sourire, ni l’abondance, c’est « faute de mieux ». Si l’on vote pour un candidat dont l’aspect moral vous répugne et dont la fermeté politique s’annonce douteuse, c’est « faute de mieux ». Si l’on s’abonne à un journal qui sacrifie volontiers son souci de la vérité à des considérations publicitaires ou commerciales, c’est « faute de mieux »... Cette femme que l’on embrasse fébrilement en bafouillant des serments éternels : « faute de mieux ». Ce cinéma où l’on s’enfonce, tête baissée, pour s’épargner une heure de présence sur terre : « faute de mieux ». Ce livre auquel l’on s’attarde parce qu’il a été couronné, alors que tout vous invite à en vomir le contenu : « faute de mieux ». Ce chef sublime au culte duquel l’on se rallie en soupirant, imprégné que l’on est du répertoire de sa grandeur : « faute de mieux »... « Faute de mieux » devient un placement, une philosophie, un état civil, un maître, une boutade, un alibi, une prière, une arme, une putain, un sanglot, une salle d’attente, une pirouette, l’art de se faire l’aumône, une boussole pour piétiner sur place, une épitaphe, un 8 Août 1945 ... Deux hommes, voisins par la pensée, sont cependant capables de s’entredétruire parce qu’ayant la même conception du « mieux » et ce « mieux » leur faisant défaut, ils se rabattent sur deux modes concurrents d’existence compensatoire, sur deux systèmes de convictions et de gestes tangents du « mieux » commun, mais non tangents du même côté. Alors, d’approximations en approximations, de substitutions en substitutions, l’on se trouve refoulé, insensiblement, poliment, vers on ne sait quel coin abject où mûrissent des cloportes... On s’effare, mais à tort. Cela n’est pas un cachot ; c’est une demeure... Il fait plus que nuit ... Au loin, des trains sifflent avec un air de partir ... On voudrait hurler, ameuter des gardiens imaginaires ... Demain matin, où en sera-t-on de soi-même ? Vous laissera-t-on seulement passer ? Oui, sans doute, l’on vous permettra de fuir, d’aller vous bâtir au Congo une seconde vie ... Une vie sur pilotis avec, dans l’ombre, le même cancer triomphant où pactisent les forces de l’ennui et l’horreur panique de la liberté.

Le droit à la terreur

Tout se passe, depuis deux siècles, comme si chaque invocation de la liberté, chaque soulèvement marqué de son nom, devaient se traduire – à travers les appareils politiques et étatiques surgis au plus fort de ces soubresauts – par un surcroît de règles oppressives auxquelles l’homme est redevable d’un graduel rétrécissement de la vie. Une nouvelle génération d’Encyclopédistes qui procéderait de la même impertinence que l’autre, serait, aujourd’hui, mise hors la loi ou, tout au moins, rapidement réduite à la mendicité.

Tout se passe comme si l’homme ne recherchait, dans cette longue série d’ambitions malheureuses, qu’une certaine forme de sécurité dans la terreur. L’âpres et sévère ouvrage d’Erich Fromm – « The fear of Freedom » – nous enseigne à quel point l’homme redoute le tête-à-tête avec la liberté, à quel point il lui tarde de se dérober aux responsabilités qu’elle lui assigne, à quel point – dans les conditions actuelles de chaos – la grisaille, l’opacité et l’anonymat lui sont des refuges désirables contre le vertige de la liberté.

A cette disposition individuelle de l’être affolé par la complexité du monde qui le sollicite, les grands organismes collectifs sont venus apporter une contribution décisive. Ils ont fixé, avec la rigueur voulue, ce pauvre minimum d’attitudes humaines qui ne se laisse transgresser qu’aux risques et dépens du contrevenant. Le bon citoyen peut se payer un sommeil de plomb, maintenant que la bombe atomique le protège...

Les signes de la terreur montante ne trompent pas. Le premier en gravité est l’effacement progressif du droit d’asile. Mauvaise idée que de s’installer réfugié politique, par ces temps qui tuent... ! Depuis 1930 déjà, Léon Trotsky avait été pourchassé comme un sanglier à travers tout le continent européen, de Turquie en Norvège via Paris. Puis vint Vichy qui, d’une main sans remords, livra Pietro Nenni à l’Italie, Breitscheid à l’Allemagne et Companys à l’Espagne. Vichy a disparu mais non cette indéracinable aversion des autorités – démocratiques ou pas – envers le réfugié politique, dernier et beau vestige de la sédition humaine.

Signe de terreur aussi, la déportation organisée des travailleurs, dont il n’est pas question qu’elle prenne fin avec la défaite du Nazisme. Les économistes sont là pour veiller au rendement croissant du bétail qui leur est imparti en matériel expérimental. Les conférences internationales ont besoin de graphiques ascendants ! Signe de terreur l’engloutissement de milliers d’êtres dans une nuit d’où rien ne transparaît. Partis sans laisser d’adresse. Car il y a du bois à couper sur les rivages de la Mer Blanche. Avis aux amateurs !

Dernière tristesse, dans le domaine qui a toujours su se soustraire aux pressions des régimes arbitraires du passé, dans le domaine de la pensée attaquante, de la pensée politique, hier encore porteuse d’espoir, on assiste à une étrange adaptation à l’ordre cruel et vain qui se précise sous nos yeux. En témoigne la timidité embarrassée d’une revue comme « La Pensée » qui, avant la guerre, manifestait une curiosité agitante envers toutes les formes du devenir scientifique et social, et ranimait d’un souffle inquisiteur des problèmes essentiels déjà gagnés par le vieillissement général d’une société qui ne tolère point que l’on ne vieillisse pas avec elle. Les grands noms qui patronnent « La Pensée » ne couvrent plus, en 1945, qu’un concert de formules statiques et de raisonnements débilitants. On se trouve en présence d’une revue qui semble avoir pour tâche de nous avertir que la pensée marxiste a atteint le point mort. Il en va d’elle aujourd’hui comme d’une force qui, au lieu de dominer le cauchemar contemporain et d’y tracer ses avenues conductrices de lumière, le laisse déposer dans une éprouvette de sûreté où nulle séparation explosive du viable et du non-viable, de l’entraînant et de l’accablant, de l’actuel et du périmé, n’est à craindre pour l’heure présente. Par ailleurs, ne voyons-nous pas Aragon insister, dans un article retentissant, pour que l’on retire des librairies de France, les ouvrages de M. Charles Maurras. L’auteur d’une pareille demande ne se rend apparemment pas compte qu’il fait là acte de défaitisme à l’égard de ce qui devrait être le pouvoir d’attraction de son propre message politique. Il nous faut croire que Maurras et lui-même occupent des positions symétriques l’une de l’autre, et qu’ayant renoncé à se départager par les voies de la raison, ils s’en remettent, l’un après l’autre, à l’arbitrage peu recommandable des policiers. Ainsi quand elle ne travaille pas à visage découvert, la terreur reste toujours latente, à fleur de débat, prête à accueillir le premier vœu, le premier appel d’un de ses loyaux sujets.

Quant aux individus hors série – particulièrement certaines catégories d’intellectuels et d’écrivains qui n’acceptent pas encore de vivre selon la trajectoire commune – ils sont, eux aussi, happés par le vent de terreur. Leur seul espoir est de renverser le vent ; c’est-à-dire d’exercer, eux, la terreur. Ils sont fascinés non par un Gide ou un Breton ; mais par Lawrence d’Arabie et le Malraux de la période chinoise. Pour la plupart, ils ont aimé cette guerre car elle leur a permis de se mettre en règle avec eux-mêmes en faisant sauter un train, en démolissant un viaduc avant de retourner à leur appartement, à leurs maîtresses émoussées et à leur fidèle routine quotidienne de récits saisissants. Incarner, ne serait-ce que l’espace d’un chapitre, un rôle d’aventurier en marge de tout, récupérer par cet artifice de vocation une partie des élans dont la vie sociale l’a amputé, l’intellectuel moderne rie demande pas, au fond, d’autre pourboire à un monde qu’il n’a plus l’honnêteté de récuser.

Le cran d’arrêt

Dans ce glissement collectif vers une condition sécurité dans la terreur, qui déclenchera le cran d’arrêt ? Qui fera justice de ce que les hommes vont s’habituer à prendre pour leur droit à la terreur et presque pour l’aboutissement normal de leurs anciennes aspirations à la liberté ?

Pas un parti certes, ni aucune des organisations totalitaires préposées à la garde de l’homme. Pas un parti, mais peut-être des partisans d’un genre nouveau qui abandonneraient les modes classiques de l’agitation pour des gestes de perturbation hautement exemplaires. Beaucoup avaient espéré que le mouvement de la résistance en Europe occupée ménagerait enfin une ouverture dans l’impasse politique et sociale de notre temps. Les grands partis de masses ont été les premiers à flairer ce danger. Eh quoi, on s’apprêtait donc à se dispenser de leurs services ? La volonté populaire se targuait maintenant de se passer d’intermédiaire ? L’alerte fut de courte durée. De même que les forces militaires de la résistance furent rapidement intégrées aux cadres permanents de l’armée, – de même ses forces politiques ne tardèrent pas, la flatterie se mêlant à l’intrigue, à regagner la souricière des grands Partis. L’épisode – j’ai failli dire l’incident – est clos. Mais quelque chose d’autre devient possible, devient même la seule chose possible. L’ère de la guérilla politique commence et c’est à elle que doivent aller nos réserves de confiance et d’enthousiasme.

Sans doute n’est-il pas facile d’annoncer l’allure que prendra cette guérilla et les exploits qui ne manqueront pas de la distinguer. On pourrait cependant considérer l’attitude vaillamment indépendante d’un Camus – et, sur d’autres plans, d’un Breton, d’un Calas, d’un Rougemont – comme une indication pour l’avenir. L’appareil de la terreur est encore loin d’être sans hésitations et sans fissures. C’est donc au point où cet appareil se fait le plus menaçant – et au fur et à mesure de ses menaces renouvelées – que doivent se porter tout notre esprit de refus, tout ce qu’il y a dans le monde, à un moment donné, d’êtres en état de refus. Et que cela se fasse avec éclat ! Et que cela s’inscrive en exemples troublants dans la conscience des multitudes ! Et que cela se transmette et s’amplifie à travers la vaste prairie humaine, par contagieux sillons de grandeur !

A ce point, j’entends fuser les sarcasmes meurtriers : « Eh, quoi ! vous cherchez à discréditer les Partis politiques, à en ruiner le prestige, à en compromettre l’action ; – vous poursuivez donc l’œuvre insidieuse de ces fascistes d’avant et d’après le fascisme, qui jettent le doute sur tous les instruments de délivrance et de progrès ! ». En réalité, je ne poursuis rien, je désire ne rien poursuivre qu’une certaine logique de la liberté. Le phénomène fasciste, vu en fonction de l’évolution des partis, n’a servi qu’à précipiter de façon décisive le développement de l’éléphantiasis morale et matérielle qui afflige les puissantes institutions de « gauche » où la voix des masses se perd presque aussi aisément que celle des individus. Le but dernier de la guérilla qui s’engage maintenant n’est pas d’éliminer les partis au profit (le quelque nouveau système d’exercice de la vie politique. Il est d’arracher aux partis le monopole de la pensée sociale qui se rouille dans leurs comités d’étude ; il est de leur enlever, dans le domaine idéologique, un droit d’initiative auquel ils s’accrochent d’autant plus qu’ils sont bien décidés à n’en faire que l’usage le plus masquant le plus retors. Il s’agit, pour serrer le problème d’aussi près qu’il se peut, de réduire les partis à une condition purement réceptive quant à la maturation et au mouvement général des idées, et purement administrative quant à l’exécution de ces idées. En un mot, il s’agit d’amener les partis à reconnaître les foyers idéologiques qui prendraient naissance en dehors d’eux et à drainer vers l’action pratique tout ce qui se dégagera de valable de l’effervescence ainsi entretenue. Que l’on y prenne garde : la situation objective des partis a considérablement changé depuis vingt ans. Ils tendent tous à devenir des organismes para-étatiques, des appendices de l’États La notion même – et la fonction – de parti d’opposition est mortellement affectée par ce changement. En Angleterre, aux États-Unis, en France, en Belgique, l’opposition est plus souvent solidaire des pouvoirs, qu’elle n’en est l’ennemie. A cette règle nouvelle des partis doivent correspondre des obligations toujours plus nettes pour les francs-tireurs de la pensée. La première de ces obligations est le transfert des activités idéologiques à des foyers étrangers aux vicissitudes des partis et à leur enlisement progressif dans les cadres de l’États Mais surtout, cette guérilla n’aura d’effet durable que dans la mesure où elle saura favoriser, dans sa lutte contre le pragmatisme bureaucratique des partis, une plongée dans les frais courants de l’utopie, une renaissance de la spéculation utopique avec tout ce qu’elle comporte d’édifiant et de joyeux.

Il y a une dizaine d’années de cela, nous pouvions prendre comme thème de ralliement des paroles telles que celles de Nicolas Boukharine, l’avant-dernier des grands théoriciens du socialisme :

Une analyse de l’état réel des choses nous fait entrevoir non pas la mort de la société, mais la mort de sa forme historique concrète et un passage inévitable à la société socialiste, passage “ déjà commencé, passage vers une structure sociale supérieure. Et il ne s’agit pas seulement de passer à un style supérieur de. la vie, mais précisément supérieur à celui qui est aujourd’hui le sien.

Peut-on parler de cette forme sociale supérieure en général ? Ceci ne nous entraîne-t-il pas vers le subjectivisme ? Peut-on parler de critiques objectives quelconques dans ce domaine ? Nous le pensons. Dans le domaine matériel, un tel critérium est représenté par la puissance du rendement du travail social et par l’évolution de ce rendement, car ceci détermine la somme de travail superflu dont dépend toute la culture spirituelle. Dans le domaine des relations inter-humaines immédiates, un tel critérium est donné par l’amplitude du champ de sélection des talents – créateurs. C’est justement lorsque le rendement du travail est très élevé et le champ de sélection très large, qu’on verra s’effectuer le maximum d’enrichissement intérieur de la vie chez le nombre maximum d’hommes, pris non pas comme une somme arithmétique, mais comme un en semble vivant, comme collectivité sociale.[4]

Aujourd’hui nous ne pouvons faire à moins de nous demander où en est cet « enrichissement intérieur de la vie chez le nombre maximum d’hommes ». Il n’est pas douteux hélas, que le chemin parcouru depuis Avril 1936, c’est-à-dire depuis que nous furent jetés ces mots d’espoir, n’a fait que nous éloigner des perspectives Boukhariniennes, n’a fait que sceller, d’étape en étape, l’avènement d’un conformisme intraitable qui réduit la « vie intérieure » à son expression la plus humble et la plus craintive.

Il n’est pas douteux qu’à ce critère de « l’enrichissement intérieur » se soit substitué le critère inverse, et n’en voudrions-nous qu’une preuve entre des milliers, la plus éloquente n’est autre que la « liquidation » de Boukharine lui-même et le peu de cas qui a été fait de cette « liquidation » dans le camp du socialisme et dans le camp de l’intelligence.

A ce conformisme qui sévit dans tous les domaines, sauf dans celui des raffinements terroristes où ces messieurs prennent toujours plaisir à innover, il n’est possible d’opposer avec succès que les forces précisément les plus décriées par lui : la rêverie d’Icare, l’esprit d’anticipation délirant de Léonard, les coups de sonde aventureux des socialistes utopiques, la vision généreuse et tamisée d’humour d’un Paul Lafargue ! Le socialisme scientifique s’est dégradé jusqu’à n’être plus pour ses disciples qu’un pompeux exercice de récitation. Une large aération de l’ambiance et de l’idée sociales s’impose, si l’on veut ménager à l’homme un avenir qui ne soit pas desséché d’avance et qui ne rompe pas à d’injustifiables disciplines, sa faculté de toujours entreprendre.

Contre l’odieux accouplement du conformisme et de la terreur, contre la dictature des “ moyens “ oublieux des fins dont ils se recommandent, la Joconde de l’utopie peut, non pas l’emporter, mais faire planer à nouveau son sourire et rendre aux hommes l’étincelle prométhéenne à quoi se reconnaîtra leur liberté recouvrée.

IL N’EST QUE TEMPS DE REDORER LE BLASON DES CHIMÈRES...

Georges Henein

Le Caire, le 17 Août 1945

Notes

[1] Stalin and Eternel Russia by Walter Kolarz (Lindsay and Drummond London).

[2] « Entraînés par nécessité, à contrecœur, à accomplir au jour le jour, une série d’actes en tous points semblables à ceux de l’ennemi, comment éviterons-nous de tendre avec lui à une limite commune, s’inquiète André Breton ? Prenons-y garde : du fait même que nous sommes contraints d’adopter ses moyens, nous risquons d’être contaminés par ce dont nous croirons que nous triomphons ». In Lumière Noire par André Breton, cf. « L’Arche » n°7.

[3] European Newsreel by Louis Clair. Cf. « Politics » June 1945.

[4] Les problèmes fondamentaux de la culture contemporaine, par Nicolas J. Boukharine (« Les documents de la Russie neuve » Paris, 1936).

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