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Besancenot au pays des soviets (4)

lundi 3 septembre 2018, par Alex

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L’article précédent s’achevait sur le récit-témoin de Besancenot décrivant la première des journées révolutionnaires de février 1917, le jeudi 23.

Le militant bolchévique Kaiourov est catastrophé car les ouvrier(e)s ne suivent pas les consignes de son parti et rentrent en révolution. Kaiourov est passif, spectateur, totalement inactif.

Or la réalité est différente. Bien que Kaiourov comme tous les révolutionnaires ait été surpris par l’arrivée de la révolution—mais qui ne l’aurais pas été ?—il a pris le jour même la tête du mouvement. Besancenot qui se dit révolutionnaire, solidaire de la révolution, ne met pas en valeur Kaiourov. Citons-don un historien qui n’est pas révolutionnaire, mais respecte un minimum de sérieux académique, bien qu’il rebaptise, à tort, Benjamin :

(...) les instances des partis de gauche s’en tenaient à un programme très prudent (...) Dans le cadre de ce programme, la journée internationale des femmes, qui devait être célébrée le jeudi 23 février, offrait une excellente occasion de mettre sur pied des manifestations d’envergure limitée. Au congrès international des femmes socialistes à Copenhague,
en 1910, il avait en effet été décidé que chaque année, à cette date,
l’ouvrière serait mise à l’honneur. Il s’agissait d’organiser des meeting,
d’affirmer que la femme ouvrière est l’égale de l’homme et d’inciter les militantes à la lutte des classes. (...) C’est dans cet état d’esprit que benjamin Nikolaevitch Kaiourov, membre du comité bolchévique du quartier de Vyborg, alla transmettre les instructions du parti aux ouvrières des industries textiles de Lesnoï, dans la banlieue de Petrograd. Il était lui-même ouvrier et travaillait chez Erikson, la fabrique suédoise d’appareils téléphoniques.

On le retrouvera les jours suivants, dirigeant le mouvement révolutionnaire dans la rue. Militant de base, il n’accéda jamais aux postes les plus élevés de la hiérarchie communiste. Sa vie se termina d’ailleurs tragiquement en 1936.

Refusant d’avouer les crimes et trahisons qui lui étaient imputés, il fut abattu par les agents du NKVD.

Dans la soirée du 22 février, il se trouvait donc à Lesnoï. Il commença par expliquer à ses auditrices la signification de la journée internationale des femmes. Passant ensuite à la situation politique du moment, il exposa que le comité du quartier de Vyborg déconseillait formellement toute grève. Pour justifier cette position, il insista sur le fait que l’heure n’était pas propice aux affrontements avec les forces de police. Il exhorta par conséquent les militantes à s’en tenir aux décisions prises par le comité et s’abstenir d’actions partielles et isolées, vouées par avance à l’échec.

Au matin du jeudi 23 février, il ne fut donc certainement pas enchanté en apprenant que les ouvrières, auxquelles il avait apporté la veille la bonne parole du parti, ne tenaient aucun compte de ses consignes et se mettaient en grève. Plus inquiétant encore était le fait qu’elles étaient descendues dans la rue et appelaient les ouvriers métallurgistes à se joindre à elles. Or, il était facile de prévoir que les ouvriers des usines Poutilov n’allaient pas se faire prier pour manifester dans les rues aux côtés de leurs camarades de l’industrie textile. En effet, ils négligèrent eux aussi complètement les prudentes consignes du parti. Ils avaient d’ailleurs tout intérêt à profiter du concours qui s’offrait à eux car la présence de femmes et d’enfants dans les démonstrations ouvrières de masse incitait traditionnellement les forces de l’ordre à ne pas se livrer à des brutalités trop voyantes et à faire preuve d’une certaine retenue dans leur besogne répressive. privés de travail et de salaire, il était donc bien naturel qu’ils saisissent cette possibilité de manifester publiquement leur mécontentement et d’exprimer leurs revendications.

En militant discipliné qu’il était, Kaiourov fut surpris et indigné par cette initiative qui constituait à ses yeux une méconnaissance flagrante de la décision prise par le comité de district du parti. Il éprouva également un peu d’humeur en en constatant l’inutilité de ses propres appels au calme et à la discipline. Il se trouvait aux usines Erikson lorsqu’il apprit la tournure imprévue que prenait la célébration de la journée internationale des femmes. Ce fut l’un de ses camarades, Nikifor Ilyn, qui apporta la nouvelle et qui annonça en même temps l’arrivée imminente d’un groupe de déléguées représentant les ouvrières de Lesnoï. Peu après , celles-ci vinrent en effet annocer officiellement leur décision de se mettre en grève et firent état du soutien que les ouvriers métallurgistes leur apportaient.

Aussitôt, Kaiourov avisa quatre de ses camarades et se retira avec eux dans un couloir de l’usine pour tenir une conférence improvisée. Il s’agissait de décider quelle attitude il convenait d’adopter face à ce mouvement de grèves qui venaient d’être qui venait d’être déclenché spontanément. (...) Il appela donc tous les ouvriers, hommes et femmes, à descendre dans la rue et à manifester Les dirigeants bolchéviques de Vyborg, placés devant le fait accompli, ne purent que donner après coup leur approbation. Kaiourov constitua avec ses camarades un comité de grève et descendit lui aussi dans la rue pour prendre la tête de la manifestation et la canaliser vers le centre de Petrograd.

1917 à Petrograd, F. Antoniazzi (2017)

Cette dernière phrase balaye le portrait que Besancenot à fait de Kaïourov

Besancenot prétend exalter le rôle des masses, mais il rabaisse ce que les masses ont produit de plus conscient : leurs organisations. Un résumé simple de ce qu’ont apporté de plus précieux ces organisations est résumé par Trotsky :

Prolétaires du monde entier :
La Ière Internationale vous a donné un programme et un drapeau. La IIe Internationale a dressé sur leurs pieds de grandes masse. La IIIe Internationale a donné un exemple d’action révolutionnaire hardie. La IVe Internationale vous donnera la victoire mondiale !

C’est au tour de la France ! Pour la quatrième Internationale Trotsky, mars 1934.

suite à venir...

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