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Qu’est-ce que la philosophie et en quoi est-elle indispensable en Sciences

jeudi 29 novembre 2018, par Robert Paris

Qu’est-ce que la philosophie et en quoi est-elle indispensable en Sciences

Friedrich Hegel :

« Le nom de philosophie a été donné à tout ce savoir qui s’est occupé de la connaissance de la mesure fixe et de l’universel dans l’océan des singularités empiriques. »

La recherche de « ce qui est universel au sein des singularités empiriques », voilà une définition d’un problème qui pose un autre problème…

L’empirisme constate en effet des singularités. Deux objets sont toujours distinguables. Deux situations ne sont jamais identiques. Une expérience ne peut pas se répéter exactement. Ceux qui cherchent des lois veulent souligner que des propriétés universelles apparaissent malgré ces singularités… C’est de la science, mais c’est aussi de la philosophie. En effet, on n’a jamais la preuve que ce soit la bonne interprétation et c’est rarement démontré que ce soit la seule. C’est généralement seulement « une » description, une interprétation qui marche. Elle peut être conforme au reste de ce que nous pensons et croyons savoir et c’est déjà pas si mal…

Mais, répétons-le, c’est de la philosophie…

Ah bon, disent certains auteurs, alors ce n’est plus de la science puisque ce qui les intéresse en sciences, ce sont seulement les retombées pratiques, technologiques : lire ici

Certains affirment que « La science, ce sont seulement des faits » : voyons ce qu’il en est

Mais nombre de scientifiques on conscience qu’ils ne peuvent pas se passer de penser, de philosopher : voir ici

Il faut même, en sciences, penser de manière neuve, révolutionnaire même : lire ici

Mais « Qu’est-ce qu’une pensée révolutionnaire ? » nous rétorquera-t-on. Nous répondons ici

Par exemple, en quoi la dialectique de Hegel est révolutionnaire ? Lire ici

Mais la vieille philosophie allemande de Hegel est-elle compatible avec la science toute neuve actuelle ? Voici ce que nous en pensons

« Cette dialectique est-elle vraiment indispensable aux sciences », disent encore les sceptiques…
Les dialecticiens des sciences répondent : « La dialectique, c’est la vie. Penser le monde sans la dynamique des contradictions, c’est la mort... » : Lire ici

La science se passe-t-elle de théoriser et se limite-t-elle à constater les faits, comme l’affirment les empiristes ?

Certains croient que c’est de la Physique de dire que la matière est faite d’atomes, mais c’est aussi de la philosophie…

« Faut-il vraiment parler de dialectique de la matière ? », nous demandent-ils

Ils croient également que c’est de la Physique de dire que l’énergie est, elle aussi, discontinue comme la matière, mais c’est de la philosophie… Lire ici

Tout comme est philosophique toute discussion sur le Big Bang, sur les particules élémentaires, sur la dualité onde/corpuscule, sur le vide quantique, sur le temps en physique, sur l’entropie et on en passe des questions de sciences qui sont en fait des problèmes philosophiques….

Dire cela, ce n’est pas dire qu’on peut penser ce que l’on veut, que c’est juste une question d’opinion et chacun a la sienne. Non, le plus souvent en philosophie des sciences, le progrès des connaissances entraîne la nécessité, pour toute théorie scientifique, de répondre à des contraintes de plus en plus restrictives, au point que les progrès de la Physique amènent de moins en moins d’interprétations, d’hypothèses valables, tant les difficultés des contraintes posent aux fabricants d’hypothèses des difficultés quasiment insurmontables.

Deviner le fonctionnement de la nature est de moins en moins aisé. Les processus les plus simples ont été devinés. Il reste les fonctionnements les plus étonnants et complexes et ils résistent durement à l’effort de compréhension humaine.

Bien des philosophes et des scientifiques sont persuadés que ce qui manque aux sciences, ce seraient seulement de nouvelles expériences et observations, et de nouvelles équations mathématiques. Ils se trompent : le plus souvent, il manque des concepts philosophiques adéquats et des… idées. Eh oui, les scientifiques sont souvent en panne d’idées parce qu’il leur manque des bases à une étude philosophique et la recherche d’idées nouvelles est une question… philosophique et pas seulement scientifique. Il y faut de l’imagination, car la science est une vaste œuvre de devinette.

Einstein a, théoriquement et philosophiquement, deviné bien plus d’idées qu’il n’en a démontré, qu’il n’en a prouvé en concevant des expériences, qu’il n’en a justifié les résultats.

Ce qui permet à un théoricien de deviner est philosophique.

Les choix philosophiques peuvent s’avérer efficaces, légitimes, justifiés, ils n’en sont pas pour autant ni définitifs, ni assurés, ni indiscutables.

Par exemple, il peut encore y avoir des gens qui estiment qu’on remettra un jour en question la Relativité d’Einstein, la Quantique de Bohr et même le photon ou l’électron !!!

Rien n’interdit à la Science de changer fondamentalement d’avis et elle s’y est exercée suffisamment de fois pour qu’une telle possibilité ne soit pas exclue…

Ainsi, dans notre site M et R, nous défendons des points de vue philosophiques dans les sciences : point de vue de la discontinuité, point de vue du chaos déterministe, point de vue des sauts dans la nature, point de vue dialectique, point de vue non réductionniste, point de vue émergentiste, point de vue non linéaire, un ensemble de points de vue qui sont reliés entre eux et donnent une vision d’ensemble du fonctionnement naturel. Pour efficace que ce point de vue puisse apparaître, dans sa capacité à décrire ce que l’on observe, rien ne prouve que cette vision d’ensemble ne sera pas un jour radicalement transformée. Elle n’est qu’une philosophie…

Hegel écrit : « Le concept seul peut produire l’universalité du savoir »

Mais peut-être que la science de la matière n’exige pas l’universalité et que c’est seulement le choix philosophique et dialectique de Hegel qui le nécessite ?

Dans « Les atomes existent-ils », le physicien Bernard Diu précise :

« Il est crucial de comprendre dès le début que la théorie physique vise à l’universalité. »

Et un peu plus loin, il rajoute :

« La théorie physique obéit constamment à cette tendance qui la pousse ainsi vers l’universalité, c’est-à-dire à englober toujours plus de faits dans des énoncés toujours plus généraux. On peut même dire qu’elle est condamnée à y parvenir, sous peine d’être rejetée comme illégitime. »

La question philosophique de l’universalité de la science dépasse largement la question des religions et des conceptions métaphysiques. En sciences, la démarche consistant à vérifier si une remarque faite dans un secteur d’étude donné n’était pas généralisable à d’autres, et à pousser chacune de ces tentatives jusqu’au bout a donné, à plusieurs reprises, d’importants résultats. De là sont nées les conceptions ondulatoires comme corpusculaires, l’électromagnétisme de Maxwell, les quanta de matière et de lumière de Planck et Einstein, comme les ondes de Broglie de la matière. Parallélismes ou globalisations de phénomènes apparemment dissemblables ont permis la généralisation de méthodes d’analyse, de concepts, de types de lois et de moyens de traitement. Bien des progrès fondamentaux de la connaissance reposent sur ces généralisations non-évidentes, comme l’utilisation des concepts de « matière » (supposant que les divers corps naturels ont la même base et que le ciel contient la même matière que sur terre), de « rayonnement » (admettant que lumière, onde électrique, magnétique et ondes radio sont de même nature), de vaccin (supposant que la vaccination appliquée contre la rage pouvait être appliquée contre d’autres maladies complètement différentes), ou de « vivant » (affirmant que nous obéissons à des lois communes avec les vers, les arbres, les microbes et les bactéries). Les termes d’espèce, de molécule, d’homme font partie de ces généralisations, de ces abstractions, de ces conceptualisations qui ont ouvert un champ de découvertes. Ces révolutions scientifiques n’avaient rien d’évident. Dire que le nerf, le muscle et le sang sont tous constitués de quelque chose de commun, la cellule, était très difficile à admettre. Comme il est étonnant que la molécule ADN soit la même pour tous ces types de cellules. Il était peu évident de concevoir que le cuivre et l’hydrogène avaient les mêmes types de composants, l’atome, ou que tous les types d’atomes étaient composés des mêmes électrons, protons et neutrons. Tout cela repose bien entendu sur des faits. Mais, en même temps, ces abstractions nécessitent une philosophie, s’appuient sur elle. C’est un choix philosophique de parler d’ « homme » et d’isoler cette catégorie abstraitement du reste, de la nature, elle-même catégorie abstraite. On ne peut se passer de ces abstractions mais on doit être conscient des choix philosophiques que l’on fait. Par le concept, on connecte, on oppose ou on isole, des faits, des objets, des phénomènes. Le concept « matière » peut isoler du concept « vie » et « inerte » de « vivant ». Or, l’isolement des opposés n’est pas absolu. Il peut être contredit.

Des progrès récents des sciences mettent en valeur de nouveaux concepts universels, ceux du changement et de la dynamique, comme une époque précédente avait introduit ceux du mouvement : d’énergie, de trajectoire, de dimension d’espace, de vitesse, de périodicité et de stabilité, concepts qui avaient également été employés dans des domaines divers. Que le non spécialiste ne s’affole pas de ces terminologies parfois inconnues, nous citons quelques uns des nouveaux concepts universels des sciences, tels que « bifurcation », « quantification », « transition », « rétroaction », « diffusion », « ponctuation », « percolation », « structure dissipative de non équilibre », « émergence », « dynamique non linéaire », « attracteur étrange », « interaction d’échelle », « saut quantique », « ordre par fluctuations », « résonance », « renormalisation », « néguentropie », « bifurcation », « sensibilité aux conditions initiales », « inhibition de l’inhibition », « équilibre instable ponctué », « histoire arborescente », « cycles ordre-désordre et construction-destruction », « rupture de symétrie », « régulation par rétroactions positives et négatives », « structuration spontanée des itérations en boucle », « fractales », « rythmes interactifs », « criticalité auto-organisée » « structuration spontanée des rétroactions en cascade » ou encore « chaos déterministe ». Ces notions que nous expliciterons au fur et à mesure, loin de se cantonner au domaine où elles ont été découvertes, ont un large champ d’action et permettent de développer de nombreux parallèles entre des domaines très divers. Elles ont le même caractère d’universalité qu’autrefois les concepts d’atome, de particule, de cellule, de photon lumineux, mais elles ont un caractère qui les différencie des anciens concepts. Elles décrivent des processus et non des objets.

Stephen Jay Gould écrit dans "La structure de la théorie de l’évolution" :

"Les principes sont hors de la science. Ils participent à la science, car ils aident à construire la théorie. Ils relèvent d’une philosophie de la nature. Pour clarifier le propos, nous en relevons sept :

• Le monde est intelligible ; il doit pouvoir être décrit selon les exigences de la formalisation mathématique et selon une exigence de scientificité. Celle-ci suppose que l’on écrive des lois générales et universelles. Il ne saurait donc y avoir pur hasard - même si les phénomènes élémentaires peuvent être aléatoires. Le langage mathématique des statistiques convient donc pour représenter des phénomènes reconnus aléatoires au plan élémentaire.

• L’exigence de scientificité implique l’auto-suffisance des lois de la nature dans l’explication rationnelle. La science ne saurait reconnaître une intervention extérieure qui rompe avec le cours naturel des transformations et des échanges d’énergie.

• L’intelligibilité suppose l’universalité des lois et des règles qui président aux phénomènes de la nature. Les faits passés doivent donc être analysés en fonction des lois établies aujourd’hui et vérifiées dans les expériences présentes. Ce qui se passe dans les laboratoires peut servir à comprendre ce qui s’est passé il y a des millions d’années en arrière ou même en dehors du système solaire.

• L’universalité des lois qui régissent l’univers fait que le phénomène vital relève, non seulement de la biologie, mais des connaissances qui portent sur tout phénomène naturel - cosmique, quantique ou sociologique. Un point de vue holistique peut être envisagé en plaçant l’histoire générale des vivants dans l’histoire plus large de la biosphère et même au delà dans le système solaire et même la cosmogénèse.

• La diversité des formes de la vie vivants n’est pas irréductible. Les vivants doivent être étudiés en cherchant une explication générale. Celle-ci doit les mettre en continuité les uns avec les autres. Cette mise en continuité se fait selon une arborescence où les êtres se différencient à partir d’un ancêtre commun, dans une histoire des transformations.

• L’être humain ne doit pas être exclu de l’observation et de l’explication scientifique. L’étude de l’humanité relève de la compétence du biologiste.

• La théorie de l’évolution ne se contente pas de classer des faits du passé. Elle propose une recherche prédictive. Le tracé des arborescences laisse des intervalles ; mais la recherche est orientée vers leur exploration pour laquelle il est légitime de proposer des hypothèses. Ce principe est sans cesse validé par les découvertes tant paléontologiques que génétiques." (fin de la citation de Gould)

On peut en conclure que la recherche de l’universalité est une nécessité en sciences mais est déjà une philosophie.

Et elle a permis de grandes avancées : unification des phénomènes électriques, statiques et dynamiques, unification électricité et magnétisme, unification électromagnétisme et rayonnement lumineux, unification des forces électromagnétique et nucléaire, etc.

L’unification est une démarche constante des sciences, avec des succès marquants comme celui de Newton, de Maxwell, de Schrödinger, d’Einstein et on en passe…

Cependant, la conception unificatrice en sciences n’a rien d’évident et est le produit d’une conception philosophique appelée monisme alors que le dualisme est encore courant dans nos sociétés modernes, parmi les scientifiques et les philosophes et dans l’opinion courante. Nous défendons ici le point de vue selon lequel il y a un seul monde : lire ici

Mais le dualisme, ou les points de vue dichotomiques, est courant, notamment au sein du cartésianisme ou des points de vue religieux : voir ici

Il a donc bel et bien des nécessités de conceptions philosophiques en sciences : voir ici

Quelles sont les questions que la science pose à la philosophie ?

Albert Einstein répondait que ce n’était pas seulement telle ou telle question mais tout progrès important en sciences nécessitait de se reposer la question de la philosophie du monde : lire ici

Nous ne devons pas seulement nous demander comment l’homme doit philosopher sur la nature mais aussi et surtout quelle philosophie est pratiquée par la nature !!! Par exemple, voici cette manière de procéder chez Hegel : lire ici

Bien sûr, nombre d’auteurs sursautent en entendant ce type de propos : pour eux, c’est tout simplement de l’animisme : la nature ne pense pas et la philosophie n’est qu’une pensée humaine, disent-ils. Curieusement, les mêmes estiment que la science n’est pas qu’une pensée humaine !!!

D’autres demandent : « Pourquoi avons-nous besoin de philosopher et ne pouvons-nous simplement nous contenter d’observer le monde et d’agir ? » Lire ici

D’autres encore se demandent : « Dans notre monde scientifique, la Philosophie a encore de nombreuses questions à se poser ?!! » Lire ici

Ou encore, « La science ne peut-elle se passer aujourd’hui de l’ontologie ? » : lire ici

« Nous sommes censés désormais connaître mieux le fonctionnement de la matière et nous devrions nous passer de toute conception idéologique sur celle-ci ? » disent d’autres encore…

En réalité, des mondes restent à découvrir

La physique se pose encore de multiples questions fondamentales qu’elle n’a pas résolues : Voir ici

Prenons pour exemple, la physique quantique, l’une des plus récentes des avancées des sciences, elle a posé d’abord et avant tout des problèmes… philosophiques : voir ici

Pourquoi la physique quantique nous pose autant de problèmes philosophiques ?

Et elle en pose encore…
Lire ici

« Philosophie ou Sciences, chacun doit choisir le thème de son étude et non tout mêler de manière confuse », disent d’autres. Mais nous soulignons que Sciences et Philosophie sont dans une unité contradictoire :voir ici

Quelle philosophie des sciences peut répondre à nos besoins ? Lire ici

Mais est-ce que ce rôle de la philosophie n’est pas déjà occupé, en sciences, par les mathématiques ?

Pour notre part, nous ne le pensons pas : Lire ici

Lire encore

Et en anglais :

The Role of the Philosopher among the Scientists : Nuisance or Necessity ? JOSEPH AGASSI

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