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Qu’est-ce que la pensée réductionniste et quel problème pose-t-elle ?

jeudi 6 août 2020, par Robert Paris

Qu’est-ce que la pensée réductionniste et quel problème pose-t-elle ?

Un exemple me vient à l’esprit, découvert lors d’une visite à l’exposition « Cartes et figures de la Terre » du centre Pompidou à Paris : celle d’une tentative du roi d’Espagne au Moyen-Age de construire une carte du pays en demandant à tous les curés de chaque ville et village d’édifier une carte de leur localité et ensuite de regrouper ces informations pour construire la cartographie nationale.

Un autre exemple très actuel consiste en l’idéologie selon laquelle chacun peut faire du bien à la Terre en agissant dans son coin, pour lui-même pour améliorer le comportement écologique global et ainsi s’attaquer aux menaces pour l’ensemble de la planète.

Qu’y a-t-il de commun entre ces deux démarches et celle qui consiste à comprendre l’homme en analysant les molécules du génome humain. Quel rapport encore avec la démarche qui consiste à comprendre la matière en tentant de comprendre une par une les particules, ou un par un les atomes, ou une par une les molécules ?

Dans un cas, le pays est la somme de ses villes et villages ; dans un autre, la société est la somme des individus qui la composent ; dans le troisième, le fonctionnement physiologique est la somme des gènes ; dans le quatième, la matière est la somme des particules et atomes…

Dans chacune de ces démarches, on suppose qu’en connaissant les éléments dits « de base », on saura comment fonctionne le niveau plus global et on pourra agir dessus.

C’est faire comme si plusieurs affirmations douteuses étaient des évidences :

1°) le tout est la somme des parties.

2°) les lois globales découlent directement des lois des éléments.

3°) les éléments transforment le global sans que l’inverse soit à prendre en compte.

4°) il n’est pas nécessaire de prendre en compte les interactions entre éléments.

5°) on suppose aussi que le « grand » est l’agrandissement du « petit ».

6°) on suppose encore que la linéarité et la continuité du passage entre « petit » et « grand ».

7°) on suppose enfin que l’on ne perd aucune information au saut d’échelle et qu’on n’en introduit aucune.

8°) la synthèse est considérée comme une somme sans modification des éléments.

Dans les cas précédemment cités et dans bien d’autres, les présupposés qui viennent d’être énoncés s’avèrent faux et source de multiples erreurs de conception, d’analyse, d’intervention et d’action.

On peut citer d’autres erreurs du même type :

L’homme est la somme de ses organes, le cerveau est la somme de ses neurones, la ville est la somme de ses habitants ou de ses maisons, la vie est la somme des êtres vivants, l’article est la somme de ses chapitres ou de ses paragraphes, la molécule est la somme de ses atomes, la vague est la somme des vaguelettes, la connaissance est la somme des connaissances, le langage est la somme des mots, l’Univers matériel est la somme de ses matières particulières, l’histoire est la somme des événements, la société est la somme des individus, l’Etat est la somme des institutions, l’économie est la somme des entreprises ou des acteurs économiques.

On peut imaginer des réductionnismes plus intelligents : un ensemble est l’addition de ses éléments et de leurs interactions. Ainsi, certains déclarent que la physique de la matière est la somme des particules de matière, plus les particules d’interaction (lumière, énergie, bosons, particules de liaison…).

L’addition signifie que l’on ne prend pas en compte des effets non-linéaires comme des effets du chaos déterministe, des effets exponentiels, des effets en boucle, des effets multiplicatifs.

Cela signifie qu’on admet l’agrandissement et pas l’agraindissement.

Cela signifie qu’on omet l’existence de passages d’un niveau à un autre par émergence.

Cela signifie surtout qu’on efface le caractère dialectique des contradictions grand/petit, local/global, continu/discontinu, préexistant/émergent, onde/corpuscule, matière/énergie, positif/négatif, inhibiteur/activateur et on en passe…

Ces contradictions ne peuvent pas simplement être dénouées en décidant d’un de la validté dans une situation d’un seul de ses éléments.

Résoudre le problème du réductionnisme ne peut consister simplement à choisir une vision globale. On ne peut pas nier ni les particules, ni les atomes, ni les molécules en étudiant la matière, sous prétexte de l’étudier en termes globaux. On doit connaître les deux. Et on doit admettre cependant que le global n’est pas décrit en énonçant un à un ses éléments.

Le réductionnisme a eu ses grands succès et ses grands méfaits.

Bien des avancées scientifiques se sont faites sous l’égide d’un réductionnisme incontesté mais aussi bien des impasses de la science n’ont pas d’autre cause que l’engouement immodéré pour un réductionnisme inconsidéré et indiscuté.

« Réduire » l’homme à des organes, à des éléments matériels, « réduire » la société à des individus, « réduire » l’économie à des acteurs, « réduire » la ville à des habitants, « réduire » les classes sociales à des nombre d’individus ou à des sommes de richesses, « réduire » le fonctionnement du vivant à une obéissance passive aux gènes hérités, « réduire » le cerveau humain à la somme de ses neurones, tout cela est effectivement bel et bien « réducteur » et source de graves erreurs !!!

Le pire est qu’il est aisé de prétendre abandonner, et même dénoncer le réductionnisme, pour fabriquer un nouveau réductionnisme, soi-disant plus « global ».

Sans philosophie dialectique qui admet que le tout n’est pas la somme des parties, que le négatif peut se transformer en positif, que le local peut se tranformer en global et inversement, on ne peut pas quitter durablement le réductionnisme et ses défauts.

Il faut dire aussi que le réductionnisme va beaucoup plus loin que d’assimiler le tout à la somme des parties, à étudier seulement des éléments soi-disant pour retrouver les lois de la globalité.

En effet, « réduire » est une démarche beaucoup plus fréquente que cela :

 réduire un cerveau à un ordinateur

 réduire un être humain à sa race, son ethnie, sa religion, sa région, son genre, sa couleur de peau

 réduire le fonctionnement naturel de la matière à une mathématique

 réduire la pensée humaine à une logique pure

 réduire le fonctionnement social au choix de l’opinion publique

 réduire le mouvement de l’histoire aux grands hommes

 réduire les exploités à des machines à revendications purement économiques

 réduire les opprimés à des misérables victimes

 réduire l’homme à un individu

La suite

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