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La dialectique des contradictions selon Socrate

jeudi 30 juillet 2020, par Robert Paris

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La dialectique des contradictions selon Socrate

Quant à Socrate, il se mit sur son séant dans son lit, puis, repliant sa jambe, il se la frotta avec sa main et, tout en frottant, nous dit : « Quelle chose étrange, mes amis, paraît être ce qu’on appelle le plaisir ! et quel singulier rapport il a naturellement avec ce qui passe pour être son contraire, la douleur ! Ils refusent de se rencontrer ensemble chez l’homme ; mais qu’on poursuive l’un et qu’on l’attrape, on est presque toujours contraint d’attraper l’autre aussi, comme si, en dépit de leur dualité, ils étaient attachés à une seule tête. Je crois, poursuivit-il, que si Ésope avait remarqué cela, il en aurait composé une fable, où il aurait dit que Dieu, voulant réconcilier ces deux ennemis et n’y pouvant réussir, leur attacha la tête au même point, et que c’est la raison pour laquelle, là où l’un se présente, l’autre y vient à sa suite. C’est, je crois, ce qui m’arrive à moi aussi, puisqu’après la douleur que la chaîne me causait à la jambe, je sens venir le plaisir qui la suit. »

(...)

« Maintenant, reprit Socrate, ne borne pas ton enquête aux hommes, si tu veux découvrir plus aisément la vérité ; étends-la à tous les animaux et aux plantes, bref à tout ce qui a naissance et voyons, en considérant tout cela, s’il est vrai qu’aucune chose ne saurait naître que de son contraire, quand elle a un contraire, comme par exemple le beau qui a pour contraire le laid, le juste, l’injuste, et ainsi de mille autres choses. Voyons donc si c’est une nécessité que tout ce qui a un contraire ne naisse d’aucune autre chose que de ce contraire, par exemple, s’il faut de toute nécessité, quand une chose devient plus grande, qu’elle ait été plus petite avant de devenir plus grande.

— Oui.
— Et si elle devient plus petite, qu’elle ait été plus grande pour devenir ensuite plus petite.
— C’est bien cela, dit-il.
— Et de même le plus faible vient du plus fort, et le plus vite du plus lent.
— Cela est certain.
— Et si une chose devient pire, n’est-ce pas de meilleure qu’elle était, et si elle devient plus juste, de plus injuste ?
— Sans doute.
— Alors, dit Socrate, nous tenons pour suffisamment
prouvé que toutes les choses naissent de cette manière, c’est-à-dire de leurs contraires ?
— Oui.
— Autre question : n’y a-t-il pas ici, entre tous ces couples de contraires, une double naissance, l’une qui tire l’un des deux contraires de l’autre, et l’autre qui tire celui-ci du premier ? Entre une chose plus grande et une plus petite il y a accroissement et diminution et nous disons que l’une croît et que l’autre décroît.
— Oui, dit-il.
— N’en est-il pas de même de ce que nous appelons se décomposer et se combiner, se refroidir et s’échauffer, et ainsi de tout ? Et si parfois les mots nous font défaut, en fait du moins, c’est toujours une nécessité qu’il en soit ainsi, que les contraires naissent les uns des autres et qu’il y ait génération de l’un des deux à l’autre.
— Certainement, dit-il.
XVI. — Et la vie, reprit Socrate, n’a-t-elle pas aussi un contraire, comme la veille a pour contraire le sommeil ?
— Certainement, dit-il.
— Quel est-il ?
— La mort, répondit-il.
— Alors ces deux choses naissent l’une de l’autre, si elles sont contraires, et, comme elles sont deux, il y a deux naissances entre elles ?
— Sans doute.
— Pour l’un des deux couples que je viens de mentionner, c’est moi, dit Socrate, qui vais parler de lui et de ses générations ; c’est toi qui parleras de l’autre. Je rappelle donc que l’un est le sommeil et l’autre la veille, et que du sommeil naît la veille, et de la veille le sommeil, et que leurs naissances aboutissent pour l’une à s’endormir, pour l’autre à s’éveiller. Trouves-tu cela suffisamment clair ?
— Très clair.
— A ton tour maintenant, reprit Socrate, d’en dire
autant de la vie et de la mort. N’admets-tu pas que le contraire de la vie, ce soit la mort ?
— Si.
— Et qu’elles naissent l’une de l’autre ?
— Si.
— Alors, de la vie, que naît-il ?
— La mort, répondit-il.
— Et de la mort ? reprit Socrate.
— Il faut, dit-il, avouer que c’est la vie.
— C’est donc des morts, Cébès, que naît ce qui a vie, choses et animaux ?
— Apparemment, dit-il.
— Dès lors, reprit Socrate, nos âmes existent dans l’Hadès ?
— Il semble.
— Or, des deux générations de ces contraires, il y en a une qui est facile à voir ; car il est certainement facile de voir que l’on meurt, n’est-ce pas ?
— Assurément, dit-il.
— Que ferons-nous donc ? reprit Socrate. A cette génération n’opposerons-nous pas la génération contraire, et la nature est-elle boiteuse de ce côté-là ? ou faut-il opposer à mourir une génération contraire ?
— Il le faut absolument, dit-il.
— Quelle est cette génération ?
— C’est revivre.
— Dès lors, reprit Socrate, si revivre existe, revivre, c’est une génération qui va des morts aux vivants ?
— Oui.
— Nous convenons donc par là aussi que les vivants naissent des morts, tout comme les morts des vivants. Cela étant, j’ai cru y trouver une preuve suffisante que les âmes des morts existent forcément quelque part, d’où elles reviennent à la vie.
— Il me semble, Socrate, repartit Cébès, que c’est une conséquence forcée des principes dont nous sommes tombés d’accord. »

Phédon

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(...)

SOCRATE.

Le laid est donc bien défini par les deux contraires, le douloureux et le mauvais ?

POLUS.

Nécessairement.

SOCRATE.

De deux belles choses, si l’une est plus belle que l’autre, n’est-ce point parce qu’elle la surpasse ou en agrément, ou en utilité, ou dans tous les deux ?

POLUS.

Sans doute.

SOCRATE.

Et de deux choses laides, [475b] si l’une est plus laide que l’autre, ce sera parce qu’elle cause ou plus de douleur, ou plus de mal, ou l’un et l’autre. N’est-ce pas une nécessité ?

POLUS.

Oui.

SOCRATE.

Voyons à présent. Que disions - nous tout-à-l’heure touchant l’injustice faite ou reçue ? Ne disais-tu pas qu’il est plus mauvais de souffrir l’injustice, et plus laid de la commettre ?

(...)

POLUS.

Cela est vrai.

SOCRATE.

Si donc il est plus laid de faire une injustice que de la recevoir, c’est ou parce que cela est plus fâcheux et plus douloureux, ou parce que c’est un plus grand mal, ou l’un et l’autre à-la-fois. N’est-ce pas là encore une nécessité ?

POLUS.

J’en conviens.

SOCRATE.

Examinons, [475c] en premier lieu, s’il est plus douloureux de commettre une injustice que de la souffrir, et si ceux qui la font ressentent plus de douleur que ceux qui la reçoivent.

POLUS.

Nullement, Socrate.

SOCRATE.

L’action de commettre une injustice né l’emporte donc pas du côté de la douleur.

POLUS.

Non.

SOCRATE.

Cela étant, elle ne l’emporte pas, par conséquent, pour la douleur et le mal tout à-la-fois.

Gorgias

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