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Qui était Rosa Luxemburg ? Ecoutons son premier discours public (8 août 1893) à travers deux textes de ses Oeuvres complètes, inédits en français.

vendredi 10 janvier 2025, par Alex

Rosa Luxemburg était une militante communiste dont tous les écrits ou discours publiés de 1892 à 1919 étaient inspirés par le socialisme scientifique, fondé et développé par Marx et Engels. Pour comprendre Rosa Luxemburg à 99%, la première étape est donc avant tout de lire et relire le Manifeste du Parti Communiste, qui l’inspira pendant toute sa vie militante.

Pas grand-chose ne l’opposait donc à Lénine et Trotsky, à propos des principes fondamentaux du communisme, et ceux qui cherchent à opposer entre eux ces trois géants du XXème siècle sont souvent dans la lignée de Paul Lévi (1922), puis Staline (1931) qui créèrent le "luxemburgisme" de même que Zinoviev et Staline créèrent en 1924 le "trotskisme". Nous n’appartenons pas à cette ligne anti-marxiste.

Pour comprendre le 1 % restant qui l’a distinguée de Lénine et Trotksy (question nationale, organisation du parti etc) c’est naturellement en lisant Rosa Luxemburg, en tentant de comprendre le contexte dans lequel elle a écrit ses textes, que l’on peut commencer.

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Nous donnons la traduction en français (les premières publiées en ligne en libre accès à notre connaissance) de deux textes de Rosa Luxemburg, datés de 1893, mentionnés dans ses oeuvres complètes.

Le premier lest présent dans les Oeuvres complètes en allemand, Tome 6, le second est la référence 9+ du catalogue de Kaczanowska (voir plus loin).

Premier texte : « Plaidoyer pour les mandats de la Social-démocratie du Royaume de Pologne (SDKP) au Congrès international des travailleurs socialistes à Zurich le 8 août 1893 »

Ce texte est disponible en en version originale dans le Tome 6 des oeuvres complètes. Nous en donnons la traduction avec les notes des éditeurs, qui expliquent bien le contexte. Cependant, il peut sembler curieux que ce texte soit un article du journal Arbeiter Stimmer de Zürich, qui n’est que le résumé d’un deuxième article qui lui même ne rapportait qu’indirectement le discours de Rosa Luxemburg au Congrès de Zürich.
Nous ajoutons donc en toute fin de notre article l’extrait d’un ouvrage de G. Haupt, qui explique cette situation.

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Version française de Verteidigung der Mandate der Sozialdemokratie des Königreichs Polen (SDKP) ...

Rosa Luxemburg (1893) Plaidoyer pour les mandats de la Social-démocratie du Royaume de Pologne (SDKP) au Congrès international des travailleurs socialistes à Zurich le 8 août 1893

La voix des travailleurs (Zürich) - Numéro 66 du 12 août 1893.

D’après un article de presse [1]

[note de M&R : Rosa Luxemburg parle :] En Pologne, une nouvelle tendance socialiste s’est formée [2], qui existe maintenant depuis environ cinq ans, mais qui se déclare solidaire de la vieille social-démocratie. C’est à cette tendance qu’appartient le délégué éconduit [3]. Sa feuille ne porte pas de signature, sinon nous ne pourrions plus retourner en Pologne russe. (Approbation.) Les ouvriers de Pologne nous connaissent ; il ne faut pas juger une feuille à sa signature, mais à son contenu. De plus, nous avons dit aux messieurs du bureau : nous voulons vous donner notre signature. (Applaudissements) .[4]

Notes des Oeuvres complètes :

[1] Titre de la rédaction [du journal « La voix des travailleurs », M&R]
On lisait dans l’article « Une Polonaise demande la parole. On veut la lui refuser, mais l’assemblée [411 délégués de 20 pays] demande à l’entendre et accueille par de vifs applaudissements cette frêle demoiselle à l’attitude énergique. La Polonaise parle avec aisance et mouvement ».

[2] Il s’agit de la social-démocratie du Royaume de Pologne (Socjaldemokracja Królestwo Polskiego - SDKP), fondée en juillet 1893 à Zurich par Rosa Luxemburg, Leo Jogiches, Julian Marchlewski et Adolf Warski. Outre le petit groupe de jeunes émigrés en Suisse, le nouveau parti comprenait l’Union des travailleurs polonais (Zwiazek Robotników Polskich), créée en 1889 à Varsovie par Julian Marchlewski et Jan Leder, et une partie du IIe ou « petit Prolétariat », fondé par Marcin Kasprzak. Le SDKP se considérait comme un parti internationaliste, fidèle aux idées de Marx et Engels. Il s’opposa dès le début au programme du PPS visant à restaurer la Pologne (en 1892, différents cercles socialistes avaient créé à Paris le Parti socialiste polonais. (Polska Partia Socjalistyzna) - PPS) . Le programme du PPS contenait, avec les revendications socialistes, l’objectif de l’indépendance de la Pologne, pour lequel ils s’appuyaient sur Marx et Engels). La SDKP s’orientait vers le renversement révolutionnaire du tsarisme par la classe ouvrière de Russie, l’objectif commun devant faire passer les différences de nationalités à l’arrière-plan. Leur journal était « Sprawa Robotnicza » (La cause ouvrière).

[3] Il s’agit de J. Karski, pseudonyme de Julian Balthasar Marchlewski, membre de la rédaction de « Sprawa Robotnicza » (Cause ouvrière), dont faisait partie Rosa Luxemburg et qui devait également être exclue du Congrès. - Pour son rapport sur l’état et le déroulement du mouvement social-démocrate dans le royaume de Pologne, voir GW, vol. 1, 1ère moitié, p. 5 et suivantes.

[4] Le vote qui suivit donna les résultats suivants : sept nations pour l’admission (dont la Suisse), neuf contre (dont l’Allemagne et la Russie), trois abstentions. - Dans le procès-verbal du Congrès international des ouvriers socialistes à la Tonhalle de Zurich du 6 au 12 août 1893, édité par le comité d’organisation, Zurich 1894, p. 15, on peut lire : « Mlle Luxemburg explique ce fait [mandat sans signature] par les conditions particulières de la Pologne russe. Le journal est édité par une association littéraire social-démocrate, il doit être considéré comme l’expression du prolétariat socialiste polonais ». Le Vorwärts (Berlin), n° 186, 201 et 213 des 10 et 27 août et du 10 septembre 1893, donnait également de brèves informations sur l’histoire du mandat.

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Deuxième texte : « Discours sur les mandats du SDKP et de la « Cause ouvrière » au troisième congrès de l’Internationale à Zurich. 8 VIII 1893. »

Avant des explications, donnons la version originale et la traduction de ce texte très court, mais qui a le mérite de compléter les oeuvres complètes de Rosa Luxemburg :

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Catalogue de Kaczanowska, référence :

Version originale : Frl. Luxemburg erklärt diese Tatsache mit den eigentümlichen Verhältnissen in Russisch-Polen. Die Zeitung werde von einem sozialdemokratischen literarischen Vereine herausgegeben, müsse als Ausdruck des polnischen sozialistischen Proletariats betrachtet werden.

Traduction : Mlle Luxembourg explique ce fait par les conditions particulières qui règnent en Pologne russe. Le journal est édité par une association littéraire social-démocrate et doit être considéré comme l’expression du prolétariat socialiste polonais.

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Le titre que nous attribuons à ce texte de Rosa Luxemburg est donc la traduction de celui attribué, en polonais, par Kaczanowska.

Rappelons la signification du + dans ce catalogue :

La bibliographie comprend non seulement des articles, mais aussi des discours et des déclarations orales. Ceux qui ne sont pas donnés en sténogramme, mais dans un résumé ou un sommaire sont marqués d’une croix (+).

La version originale est disponible seulement dans les Protokoll des Internationalen sozialistischen Arbeiterkongresses in der Tonhalle, Zürich, vom 6. bis 12. august 1893, dont nous allons retranscrire les paragraphes précédant et suivant le discours de Luxemburg, qui expliquent la raison ce discours, qui ne convainquit pas les participants.

Plongeons-nous donc dans la lecture du compte-rendu du Congrès de 1893 à Zurich, le dernier auquel Engels participa. Rappelons que Rosa Luxemburg et ses camarades, polonais, viennent de fonder un journal et un parti, en concurrence avec le Parti Socialiste Polonais de Daszynski, qui est trop patriotique à leur goût. Mais les délégués du PPS sont bien connus de tout le monde, dont l’influent Plekahnov, alors que Rosa Luxemburg est plutôt inconnue, et de plus met depuis un an des claques (c’est une image) ... à Plekhanov ! Daszynski, du PPS, va donc en profiter pour contester les mandats polonais liés à ce parti et ce journal inconnus de Rosa Luxemburg.

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V. Sitzung.
Dienstag den 8. August, nachmittags 2 Uhr.

Traduction : Cinquième Séance. Mardi 8 août, à 2 heures de l’après-midi.

Vandervelde erstattet Bericht über die Mandatsprüfung. Beanstandet sind zwei italienische, ein polnisches, ein ungarisches und elf deutsche Mandate. Die zwei italienischen Mandate sind von Anarchisten ausgestellt und daher abzulehnen ; das polnische Mandat wird bestritten, weil es von einer Zeitung ausgestellt ist, deren Redaktion ganz unbekannt sei ; das Bureau ist für Gültigerklärung sowohl dieses als des ungarischen Mandates. Bezüglich der beanstandeten deutschen Mandate ist das Bureau geteilter Meinung. Die Majorität beantragt Zurückweisung von Werner und Landauer und der übrigen „unabhängigen“ Delegirten der Schweiz, die sich nach ihrer Zurückweisung durch die Schweizer an die deutsche Delegation gewandt ; ein Mandat muss für ungültig erklärt werden, weil sämtliche 15 Unterschriften von einer Hand herrühren.

Traduction : Vandervelde présente un rapport sur la vérification des mandats. Deux mandats italiens, un polonais, un hongrois et onze allemands sont contestés. Les deux mandats italiens sont émis par des anarchistes et doivent donc être rejetés ; le mandat polonais est contesté parce qu’il est émis par un journal dont la rédaction est totalement inconnue ; le Bureau est favorable à la validation de ce mandat comme du mandat hongrois. En ce qui concerne les mandats allemands contestés, le Bureau est divisé. La majorité demande le rejet de Werner et Landauer et des autres délégués « indépendants » de la Suisse, qui se sont adressés à la délégation allemande après avoir été rejetés par les Suisses ; un mandat doit être invalidé parce que les 15 signatures proviennent d’une seule main.

Daszynski bittet, das beanstandete polnische Mandat zurück zu weisen. Die Zeitung sei nur einer Nummer erschienen, über die Richtung seil also kein Urteil möglich ; das Mandat sei ohne Unterschrift ; niemand wisse, wer der Redakteur der Zeitung sei, die hier eine Delegirtin entsende.

Traduction :Daszynski demande que le mandat polonais soit rejeté. Le journal n’a paru que dans un numéro, il n’est donc pas possible de juger de sa direction ; le mandat n’est pas signé ; personne ne sait qui est le rédacteur du journal qui envoie ici une déléguée.

Frl. Luxemburg erklärt diese Tatsache mit den eigentümlichen Verhältnissen in Russisch-Polen. Die Zeitung werde von einem sozialdemokratischen literarischen Vereine herausgegeben, müsse als Ausdruck des polnischen sozialistischen Proletariats betrachtet werden.

Traduction : Mlle Luxembourg explique ce fait par les conditions particulières qui règnent en Pologne russe. Le journal est édité par une association littéraire social-démocrate et doit être considéré comme l’expression du prolétariat socialiste polonais.

Nach längerer Diskussion beschliesst der Kongress mit Stimmenmehrheit Zurückweisung der Delegirtin. Das Bureau bezweifelt die Abstimmung ; Polen beantragt Nationalitäten-Abstimmung. Sieben Nationen sind für Anerkennung, neun für Verwerfung des Mandates, drei enthalten sich.

Traduction : Après une longue discussion, le Congrès décide à la majorité de rejeter la déléguée. Le Bureau conteste le vote ; la Pologne demande un vote par nationalité. Sept nations sont pour la reconnaissance, neuf pour le rejet du mandat, trois s’abstiennent.

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Et maintenant le commentaire de G. Haupt (1964) sur ces Protokol :

Texte officiel établi d’après les notes sténographiques (...) de H. Castelman, rédacteur de la « Volkstimme » de Magdebourg (...) L’analyse du texte confirme qu la version officielle du procès-verbal n’est ni complète, ni toujours exacte. (...) Ce compte rendu ne fait écho ni aux travaux des commissions, ni aux violentes discussions sur la validité des mandats de certains délégués, par exemple celui du représentant polonais, Rosa Luxemburg.

La presse socialiste, autant par ses envoyés spéciaux que par certains délégués qui leurs servaient de correspondants, fait état de nombreuses interventions et de répliques dont on ne trouve pas trace dans le protocole officiel. A cet égard, on peut indiquer en premier lieu les comptes-rendus détaillés publiés quotidiennement dans « Arbeiterstimme », organe social-démocrate qui paraît à Zürich.

A noter également les comptes-rendu de l’envoyé spécial du « Vorwärtz » publiés dans les six suppléments (Beilage) du journal consacrés aux travaux du Congrès (du n° 184 au n°190)

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