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Quand l’Etat français sera mis en faillite...
samedi 12 avril 2025, par ,
Quand l’Etat français sera-t-il mis en faillite ? Quand les marchés financiers s’écrouleront-ils à une échelle encore plus grande que 2008 ? Ces questions sont essentielles.
Dans un récent rapport, la Cour des comptes rappelle :
« pour la deuxième année consécutive, le déficit public s’est aggravé en 2024 pour atteindre près de 175 Md€, soit 6,0 points de PIB après 5,5 points en 2023 et 4,7 points en 2022. La dette publique culmine désormais à près de 3 300 Md€ et les charges d’intérêt à 59 Md€. Il s’agit d’une dégradation exceptionnelle et inédite alors que la croissance économique est restée continûment positive pendant cette période. »
Le journal patronal « L’Usine Nouvelle » titrait : « France : le déficit budgétaire s’élève à 40,30 milliards d’euros à fin février ». Une règle de trois fait donc envisager un déficit public de 240 milliards.
La propagande de guerre, avant la guerre elle-même, est une aubaine pour les Etats bourgeois en faillite. A propos de la guerre de 1914, Lénine et Trotsky rappelaient en 1919 comment elle avait transformé le capitalisme : « Si l’absolue sujétion du pouvoir politique au capital financier a conduit l’humanité la boucherie impérialiste, cette boucherie a permis au capital financier non seulement de militariser jusqu’au bout l’Etat, mais de de se militariser lui-même, de sorte qu’il ne peut plus remplir ses fonctions économiques essentielles que par le fer et par le feu. »
Les banques ne demandent qu’à prêter à des taux d’intérêts de plus en plus élevés, le tout béni par les agences de notation et l’UE qui lèvera tous les plafonds de déficit et d’endettement.
L’invasion russe de la France n’est pas au programme, mais celle de l’Agence France Trésor par les huissiers du capital financier, des impérialisme européens rivaux. Pour l’Etat de la bourgeoisie française, la menace russe est une diversion, pour faire oublier que sa faillite est à l’ordre du jour, et qu’il s’autorise lui-même à s’endetter plus encore.
Les taxes douanières sont un impôt indirect. L’acheteur, voit le prix de la marchandise augmentée, et le surplus qu’il paye va dans les caisses de l’Etat. Si les travailleurs sont face à une marchandise devenue plus chère à cause de cette taxe, c’est leur salaire qui est amputé. La lutte contre ces droits de douane fait donc partie du chapitre de la lutte des classes économique. Prêcher l’indifférence des travailleurs face à ces questions est donc un programme du syndicalisme jaune. Mais les directions syndicales excluent les revendications salariales qui se mêlent de la politique fiscale de l’Etat. Elles soutiennent le capitalisme français dans sa guerre douanière contre les USA.
L’augmentation des taxes douanières provoque une hausse des prix. Les différentes classes sociales peuvent être touchées différemment. L’économiste bourgeois Keynes écrivait ainsi à propos de l’inflation et déflation liées à la première guerre mondiale : « Chacune a pour effet de modifier la distribution de la richesse entre les classes sociales. »
En particulier, les classes moyennes, piliers des républiques bourgeoises avaient une épargne que les Etats siphonnèrent, ce qu’ils rêvent de faire aujourd’hui : « C’est ainsi que se développa au cours du XIXème siècle une classe nombreuse, puissante et profondément respectée qui était formée de gens très aisés, pris individuellement, et fort riches, pris dans leur ensemble. Elle ne possédait ni bâtiments, ni terres, ni fonds de commerce, mais des droits à un revenu annuel fixé en monnaie à un cours légal. En particulier, invention spécifique et orgueil du XIXème siècle, l’épargne des classes moyennes avait été essentiellement placée de cette manière. (...) Avant la guerre déjà la hausse des prix et du taux de l’intérêt avait commencé à faire subir quelques pertes à ces fortunes moyennes, par comparaison avec l’apogée de leur prospérité vers le milieu des années 1890. Mais les événements monétaires qui ont accompagné et suivi la guerre leur ont enlevé la moitié de leur valeur réelle en Angleterre, les 7/8ème en France, les 11/12èmes en Italie, et la totalité en Autriche-Hongrie et en Russie. (...) D’un bout à l’autre du continent, l’épargne constituée avant la guerre par la classe moyenne a été largement ou totalement balayée dans tous les cas où elle était investie en obligation, hypothèque (...) ce qui était jugé le plus sûr dans le système s’est révélé au contraire l’être le moins. Ceux qui n’étaient ni dépensiers ni spéculateurs, qui pourvoyaient dignement à l’avenir de leur famille, qui chantaient des hymnes pour célébrer la sécurité et observaient le plus strictement la morale des gens édifiés ainsi que les respectables injonctions de la sagesse d’ici-bas, oui ceux-là mêmes qui donnèrent le moins de gages à la fortune versatile ont pourtant reçu d’elle les plus cruels fléaux. »
Cette ruine des classes moyennes fut un des combustibles des révolutions prolétariennes et contre révolutions fascistes qui suivirent la guerre.
Aujourd’hui, que les taux d’intérêts montent ou baissent, les valeurs boursières montent. Que la « croissance » soit forte ou faible, les bourses montent. Car depuis la crise de 2008, les Etats maintiennent à flot le capital financier « quoi qu’il en coûte ». Les cours des actions et obligations montent de façon irrationnelle, déconnectée de la valeur réelle des sociétés ou de la capacité des Etats de s’endetter (obligations d’Etat, bons du Trésor des USA etc).
Or le 4 avril dernier le président de la FED, de façon inhabituelle dans sa déclaration, en rupture avec chacune de ses interventions depuis sept années (janvier 2018), omis de rassurer les capitaux financiers en réaffirmant comme d’habitude son « quoi qu’il en coûte » à la moindre baisse de Wall Street. Il a prédit des malheurs, se désavouant implicitement la politique de D. Trump : « Il devient clair que les taxes sur les produits importés seront significativement plus étendues qu’anticipé. Les conséquences économiques vont probablement l’être aussi », évoquant les risques d’une « plus forte inflation et d’une croissance ralentie ». J. Powel refusait ainsi d’obéir aux injonctions diffusées quelques minutes auparavant par Donald Trump sur sa plate-forme Truth Social. « Ce serait le moment PARFAIT pour le président de la Fed, Jerome Powell, de réduire les taux d’intérêt. Il est toujours « en retard », mais il pourrait désormais changer d’image, et vite. Les prix de l’énergie sont en baisse, les taux d’intérêt sont en baisse, l’inflation est en baisse, même les œufs sont en baisse de 69 %, et les emplois sont en hausse, le tout en deux mois – UNE GRANDE VICTOIRE pour l’Amérique. RÉDUISEZ LES TAUX D’INTÉRÊT, JÉRÔME, ET ARRÊTEZ DE FAIRE DE LA POLITIQUE ! ». Ce n’est pas la politique de Trump en elle-même qui précipita la chute des bourses, mais la peur de l’arrêt de la planche à billet. C’est en tout cas ce conflit au sommet qui sembla avoir déclenché les baisses des indices boursier.
En moins de 3 ans, l’indice de la bourse de Francfort avait augmenté de 100 %, contre 5 % de croissance de l’économie. A quelle croissance économique cela correspond-il ? C’est le signe d’une hyper-inflation sur les marchés financiers, entretenue par les politiques des banques centrales, du capital fictif dont une chute de 10 ou 20 % est négligeable. C’est si la confiance dans les finances publiques des différents Etats disparait, qu’un grand chaos financier final pourrait saisir le système financier mondial. L’Etat français est un des maillons faibles à cet égard.
Ces futurs soubresauts des marchés financiers auront un impact sur la vie des classes ouvrières. Et pas seulement financier. Dès aujourd’hui c’est un bourrage de crâne de patriotisme économique qu’opère la propagande gouvernementale. On veut nous faire croire que des taxes sur des marchandises ont pour objectif de « nous » défendre contre « les américains ». Ainsi, pour nous défendre, l’Etat français va nous proposer de payer une marchandise de USA 20 % plus chère, se mettant ces 20 dans la poche. Et nous devrions dire merci à ce voleur, par patriotisme ! Pour la classe ouvrière, ces rivalités en puissances impérialistes transforment les questions de la lutte des classe économiques (niveau des salaires, des pensions) en questions de la lutte des classes politique. En conséquence, la politique des organisations syndicales qui prêchent aux travailleurs de limiter leurs revendications aux augmentations de salaires prend un caractère de plus en plus ouvertement réactionnaire, car rendant passifs les travailleurs sur le plan primordial de la politique économique internationale.
Dans le mouvement ouvrier, le patriotisme au service des intérêts de la bourgeoisie a pris depuis 1914 le nom de social-patriotisme, incarné par L. Blum (PS) et L. Jouhaux (secrétaire de la CGT), rejoints par le PCF en 1935 sur ordre de Staline. Aujourd’hui, Hollande, Glucksmann et S. Binet sont leurs successeurs.
N. Arthaud de Lutte Ouvrière dénonce, à juste titre, la politique de certains syndicats ... étrangers : « Les syndicats participent, à leur manière, à cette flambée nationaliste. Aux États-Unis, le syndicat de l’automobile UAW, dirigé depuis deux ans par l’équipe supposée combative du secrétaire Shawn Fain, approuve les droits de douane de Trump sur les véhicules et les pièces étrangères. Quant au syndicat canadien de l’automobile, historiquement issu de l’UAW, il s’oppose aux droits de douane américains et soutient les mesures de représailles de son Premier ministre. »
Mais cette dénonciation des nationalistes étrangers, est une spécialité des nationalistes français, un ersatz d’un véritable internationalisme. Car quelle coïncidence, comme pour les bourgeois, notre ennemi serait aux USA ! Dans le même numéro du 11 avril 2025 de l’hebdomadaire Lutte Ouvrière, à propos des travailleurs du secteur du Champagne où la CGT demande comme le patronat des taxes sur les alcools des USA, LO conclut : « Les travailleurs du champagne, eux, devront défendre leur emploi et leur salaire face aux capitalistes du secteur et non en s’alignant derrière eux. » Les travailleurs devront ... ! C’est tout. Les révolutionnaires, eux n’ont pour l’instant rien à faire ? Pour N. Arthaud, il n’y a pas d’appareil social-patriotes dans le mouvement ouvrier ! Ce terme est banni du vocabulaire de LO comme des NPAs, de RP. Dénoncer le nationalisme n’est pas difficile, dénoncer le patriotisme est plus difficile.
La raison de l’absence d’un véritable combat contre le social-patriotisme par les pseudo-révolutionnaires est simple : ces « révolutionnaires » ont accès à l’ « assiette au beurre », tout cet argent de l’Etat qui ruisselle dans le mouvement ouvrier largement, grâce justement à l’Union sacrée depuis 1914. Combattre le social-patriotisme est une des lignes à ne pas franchir pour les locataires de l’assiette au beurre, encore plus pour les nouveaux venus. Cela explique aussi la dénonciation très modérée que cette extrême-gauche pseudo-révolutionnaire a émise à l’occasion de la condamnation de Le Pen, qui aurait été une occasion de dénoncer la corruption généralisée du monde politique et syndical par cet argent public. Les organisations syndicales sont pourries de haut en bas par cet argent. Les révolutionnaires doivent imposer le contrôle ouvrier sur ce secteur des dépenses publiques. La CGT, Solidaires, en vient bien plus que de leurs cotisations. Cet argent public donné aux partis, celui des taxes douanières, ces aspects des finances publiques sont des questions politiques. La classe ouvrière ne s’érigera en classe dirigeante que si elle s’élève à ces questions. En 1789, la bourgeoisie a demandé des comptes à la monarchie qui était en faillite financière. Cette question de la dette de l’Etat français, de l’argent public qui achète les Le Pen et les S. Binet, sont de celles qui peuvent déstabiliser l’Etat bourgeois, comme aurait dû le faire le scandale de Panama en 1891.
Il n’y a même pas besoin que le monde soit déjà en guerre mondiale pour que les Etats, les banques et les capitalistes soient en faillite financière permanente (du moins s’ils devaient payer leurs dettes immédiatement). Les dettes folles des capitalistes datent du début des années 2000. Les dettes folles des Etats datent de la chute catastrophique de 2007. C’est seulement de cette époque que datent les efforts gigantesques des Etats et des banques centrales pour empêcher tout le grand capital de chuter. Le « quoi qu’il en coûte » qui déclare que les institutions capitalistes sont prêtes à tout pour empêcher le grand capital de chuter ne date nullement de la pandémie covid.
Cela ne provient pas seulement de la volonté des Etats et institutions capitalistes d’aider les capitalistes mais essentiellement de l’incapacité du système à survivre si on laisse un seul grand capitaliste chuter. Et cette incapacité a perduré de 2007 à aujourd’hui.
La situation historique du capitalisme n’est pas caractérisée par le fait que les Etats et les entreprises sont endettés (ce n’est qu’une conséquence) ! Ni même pas en faillite ! Mais par le fait que le capitalisme privé n’est plus capable de se passer du capitalisme d’Etat, c’est-à-dire de la pompe à finances publiques et le principal fabricant de fausse monnaie...
Le moteur de l’investissement productif par le capital privé ne fonctionne plus depuis 2007 et n’a aucune raison de se remettre à fonctionner... Les capitaux privés ne veulent plus se nourrir que des aides d’Etat et des investissements dans les dettes souveraines. La meilleure preuve en est la chute des bourses à peine annoncé le fait qu’un jour lointain la banque fédérale américaine devrait cesser ses aides massives...
Rappelons que le moteur du système, aujourd’hui décédé, était l’investissement dans le travail humain productif, investissement qui rapportait de la plus-value issue de ce même travail. Sans les aides d’Etat, il n’y aurait aucune usine de production qui tournerait aujourd’hui et, si les Etats ne tenaient pas à maintenir la fiction de la propriété privée des grands moyens de production, tous les trusts et toutes les banques seraient étatisées à l’heure actuelle.
Les déficits monstrueux correspondent donc à un effort complètement artificiel de pallier aux incapacités de l’ensemble du système capitaliste, et à faire durer ainsi un petit peu son existence. En restant solidaires du système partis de gauche, extrême gauche opportuniste et syndicats participent au sauvetage du grand capital, en faisant semblant de le faire pour défendre les travailleurs.
Les travailleurs révolutionnaires doivent clairement se désolidariser de ces opérations de défense du grand capital par les traitres au monde du travail et annoncer clairement leur programme : aucune reconnaissance des dettes des Etats et banques centrales, aucun soutien aux plans de sauvetage des trusts et des banques, aucun sacrifice pour payer les dettes, aucun soutien à l’impérialisme et pas plus à ses opérations financières qu’à celles sociales, politiques ou guerrières. Nous sommes pour que l’impérialisme soit battu, qu’il soit ruiné, qu’il s’effondre et que l’humanité puisse enfin respirer, vivre de son travail et profiter… de l’existence !
Messages
1. Quand l’Etat français sera mis en faillite..., 12 avril, 06:49, par alain
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Où va l’argent de nos impôts ?
https://actu.fr/economie/impots-2025-ou-vont-vraiment-les-milliards-d-euros-que-l-on-verse-au-fisc_62446469.html
Comment se fait-il que l’Etat engrange de plus en plus d’argent et soit de plus en plus ruiné ?!!
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article6230
https://www.matierevolution.fr/spip.php?article3771
2. Quand l’Etat français sera mis en faillite..., 13 avril, 05:52, par Florent
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La Banque de France a perdu presque 8 milliards d’euros !
https://theconversation.com/banque-de-france-comment-perdre-7-7-milliards-quand-on-imprime-largent-254093?utm_source=firefox-newtab-fr-fr
3. Quand l’Etat français sera mis en faillite..., 14 avril, 06:16, par Florent
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Le gouvernement prépare l’opinion à l’austérité sévère…
https://www.leparisien.fr/politique/budget-2026-le-gouvernement-prepare-les-esprits-a-une-potion-amere-13-04-2025-2UG3C7ZJFVHR5NS4SNR63ZCTL4.php
4. Quand l’Etat français sera mis en faillite..., 14 avril, 06:20, par Laurence
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Les agences de notation retardent la chute de la note de la France même si celle-ci est inévitable
https://www.leparisien.fr/economie/dette-publique-lagence-americaine-moodys-maintient-la-note-de-la-france-12-04-2025-74OWYGFFHFD7NH4XS2JXMZPASM.php