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Révolte au Malawi

jeudi 28 juillet 2011

Révolte au Malawi

L’armée malawite poursuit ses patrouilles ce vendredi dans les rues de la capitale Lilongwe au lendemain des manifestations inédites contre le régime du président Bingu wa Mutharika. Au moins dix-huit personnes ont péri dans des affrontements avec les forces de l’ordre.
Mettre un terme à la contestation. C’est dans cet objectif que l’armée a été déployée dans les rues de la capitale par le président malawite Bingu wa Mutharika, suite aux violentes manifestations de mercredi et jeudi contre son régime. Au moins 275 personnes ont été interpellées durant ces deux derniers jours, a indiqué ce vendredi à l’AFP un porte-parole de la police. Dix-huit personnes ont péri et 22 ont été blessées dans des affrontements avec les forces de l’ordre, selon le bilan officiel établi par un porte-parole du ministère de la santé, Henry Chimbal. « Selon nos informations, la plupart des victimes sont mortes de graves hémorragies. Nous allons devoir maintenant établir la cause des décès après l’autopsie des corps », a-t-il affirmé. Neuf morts ont été recensés à Mzuzu, six dans la capitale Lilongwe, deux à Blantyre, la capitale économique du pays, et un autre à Karonga, à la frontière avec la Tanzanie. Selon un militant des droits de l’homme à Mzuzu, les victimes ont été tuées lorsque la police a tiré sur une foule qui s’attaquait à des magasins appartenant à des Chinois et à des bureaux du Parti progressiste démocratique, le parti du président Bingu wa Mutharika.

Ce mouvement de révolte vise directement le dirigeant malawite, ancien économiste de la Banque mondiale, élu pour la première fois président en 2004. Le Malawi, l’un des pays les plus pauvres au monde, est en proie à une pénurie de carburant depuis que le gouvernement a utilisé les réserves de change pour payer des importations, en juin. Mais le chef d’Etat est également critiqué pour son autoritarisme. Il a exclu de démissionner dans une allocution à la radio après les émeutes. « Comme la Constitution le prévoit, l’autorité pour diriger le gouvernement est entre mes mains et entre celles de personne d’autre », a-t-il déclaré. Il estime que « le Malawi est bien gouverné ». Selon lui, « le manque de réserves de change ou la pénurie de carburant ne peut pas être considéré comme le signe d’une mauvaise gouvernance ou d’un échec de l’Etat ». « Je suis prêt à rencontrer l’opposition et la société civile. Mais vous ne devriez pas laisser les gens piller et saccager les magasins », a-t-il lancé à l’adresse de l’opposition. Le chef de l’Etat n’a pas confirmé le nombre de morts, se contentant de déclarer : « J’ai entendu dire que des gens avaient perdu la vie ».

Face à la situation, les Etats-Unis ont condamné le recours à la force et la répression. « Au vu des émeutes et des rumeurs de représailles, nous appelons les deux parties à la retenue », a indiqué l’ambassade américaine à Pretoria dans un communiqué. La chef de la diplomatie de l’Union européenne Catherine Ashton a également « fermement condamné le recours à la force et aux munitions réelles par les autorités du Malawi pour empêcher leurs propres citoyens d’exercer leur droit constitutionnel de manifester pacifiquement ». De même, selon son porte-parole, Martin Nesirky, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon s’est déclaré « inquiet et attristé par les pertes en vies humaines et réitère son appel pour que tous les antagonismes soient résolus par des moyens pacifiques ».
Le Malawi est l’un des pays les plus pauvres du monde. Les ¾ des habitants ont moins d’un dollar par jour pour vivre. Près de 40% des recettes du pays proviennent de l’aide internationale. Ce petit pays d’Afrique australe traverse sa pire crise économique depuis une cinquantaine d’années. Il fait face à des pénuries de carburant, d’électricité... sa réserve de devises s’épuise. Et surtout, les prix des aliments ont explosé. C’est le premier motif des manifestations qui ont tourné en émeutes, la semaine dernière, dans plusieurs villes. Les rassemblements avaient été interdits. La police et l’armée sont intervenues. Au moins 18 personnes ont été tuées. Il y a eu des dizaines de blessés et quelques 500 arrestations. Les liaisons internet, et même GSM, ont été quelques temps coupées. Les radios privées, qui tentaient de faire état des violences, ont été suspendues… Plusieurs journalistes ont été pris pour cible. Une répression qui a fait voler en éclat la vitrine démocratique que représentait le Malawi. Un pays souvent cité en exemple après qu’il se soit débarrassé, il y a 18 ans, d’une dictature sévère qui aura duré 30 longues années. "Les Malawites se rappellent ce qu’ils ont enduré à l’époque", dit le président de la Commission des droits de l’homme, "ils ne veulent pas d’un retour vers un pouvoir dictatorial". Accusant le régime d’intimider l’opposition et d’empêcher les manifestations, la Grande Bretagne avait décidé mi-juillet, de suspendre sont aide. 550 millions de dollars annuels. Et hier, ce sont les Etats-Unis, qui ont annulé 350 millions d’aide destinées en particulier à enrayer les pénuries d’énergie. L’opposition rend le président responsable de cet isolement. Mais c’est en partie la population qui en paiera le prix. Les pénuries de carburants, très sérieuses ces deux derniers mois, ont déjà paralysé une partie de l’activité économique. Le Malawi cumule en outre les difficultés. Il est notamment l’un des pays les plus touché par le sida. Le président estime qu’il peut réduire la dépendance du pays à l’aide internationale. Pour cela, le gouvernement a adopté un budget d’austérité et il prévoit une augmentation des impôts. Ce qui risque d’aggraver la tension sociale.

Jeudi à la mi-journée, alors que des milliers de personnes étaient à nouveau rassemblées à Lilongwe et à Blantyre, le président Bingu wa Mutharika a affirmé sur les ondes nationales qu’il ne quitterait pas le pouvoir. Dans son discours, il a accusé les organisateurs du mouvement d’avoir employer des gens pour piller : "Saccager les banques et les boutiques nous aidera-t-il à avoir plus de carburant ?".

Au pouvoir depuis 2004, Bingu wa MutharikaMalawib a été réélu en 2009 pour un second mandat de cinq ans. Mais l’opposition lui reproche de devenir de plus en plus autoritaire et de "se transformer en dictateur". Ce qui inquiètent les Malawites, c’est la pénurie de carburant qui menace le pays car le gouvernement a pioché dans les réserves de change pour payer les importations. Ce vent de révolte inédit souffle sur le Malawi alors que le président est engagé dans un bras de fer avec la Grande-Bretagne, l’ancienne puissance coloniale. En avril dernier, la publication d’un câble diplomatique britannique qualifiant Bingu wa Mutharika de dirigeant "autocratique qui n’accepte pas les critiques" a tendu les relations entre les deux pays. L’ambassadeur britannique a été expulsé du Malawi et la Grande-Bretagne a suspendu son aide économique de 385 millions d’euros [550 millions de dollars] pour les quatre prochaines années.

Dix-huit personnes ont été tuées mercredi 20 juillet sous les balles de la police. Les manifestants enterrent leurs morts ce vendredi 22 juillet dans un pays encore sous tension.

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