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Grèves en chaînes en Iran

lundi 16 avril 2012

Pancartes "Nous contestons", rassemblement des ouvriers de l’usine Shahhab Khodro, 7 avril 2012, Téhéran

Des ouvriers ont manifesté dans différentes villes d’Iran la semaine dernière. Tandis qu’Ahmadinejad affirmait : "Le pays se portera bien même s’il ne vend pas un seul baril de pétrole les deux ou trois prochaines années", dans un discours à Bandar Abbas (ville au sud du pays), le mardi 10 avril, des milliers d’ouvriers faisaient la grève pour réclamer le paiement de leur salaire.

Salaires non versés et licenciements massifs dans les usines

Deux mille ouvriers de l’entreprise Kesht-o Sanat-é Karoon, dans le secteur de l’industrie agro-alimentaire, n’ont pas travaillé mardi 10 avril pour se rassembler devant leur usine de la ville de Shoushtar (sud-ouest du pays) et contester l’absence de rémunération de leur travail. D’autres grèves ont déjà été organisées ces derniers temps pour la même raison, rapporte le site d’informations Radio Farda.

Deux jours plus tôt, huit cent ouvriers du secteur de l’acier, qui ne touchent plus de salaire depuis près de huit mois de leur usine Sanayé Félézi-yé Iran, ont manifesté devant le Bureau du président de la République à Téhéran pour dénoncer ces abus, selon l’agence officielle Ilna.

L’industrie iranienne connaît des jours difficiles. Depuis les congés du Nouvel an iranien (20 mars), 30% des ouvriers du secteur industriel se seraient retrouvés mis à la porte de leur usine selon la BBC Persian.

Six cent ouvriers de l’usine Shahhab Khodro (industrie automobile) ont protesté contre leur licenciement devant le ministère du Travail, samedi 7 avril. Ils ont défilé dans la capitale, de leur usine au ministère, en passant par une artère centrale de la ville, l’avenue Azadi. Un rassemblement devant le Bureau du président avait déjà été organisé mercredi 4 avril, rapporte l’agence officielle Ilna.

Pourtant, les revendications salariales et ouvrières ne sont pas coutumes en Iran où "les syndicats sont souvent interdits" explique l’activiste Behrooz Ghabaz en exil à Stockolm. Les syndicalistes peuvent être condamnés à de lourdes peines de prison, à l’instar de Reza Shahabi, membre du comité de direction du syndicat de l’entreprise gérant le réseau d’autobus de Téhéran et sa banlieue, qui a reçu une peine de six ans de prison le 14 avril.

Crise de l’industrie iranienne

La situation de l’Iran "ressemble à celle de l’Argentine ou du Mexique qui ont vu leur économie s’effondrer à la fin des années 1990", explique Mehrdad Emadi, conseiller économique de l’Union européenne, dans un entretien avec la BBC Persian, le 11 avril.

Pour Mehrdad Emadi, la dégradation du secteur industriel s’explique par "une politique gouvernementale favorisant les importations plutôt que la production nationale. (...) Depuis 2008, L’Iran augmente les importations depuis la Chine, la Malaisie et la Turquie si bien que presque trois millions d’emplois dans l’industrie ont été perdus."

Les investissement dans la production industrielle nationale sont faibles et la politique de subventions de l’Etat ne les encourage pas, précise le conseiller pour l’Union européenne. "L’Iran a vendu 10 milliards de dollars de voitures l’an passé. Seul 7% ont été réinvestis dans la production, alors qu’un tiers aurait dû servir à l’investissement selon les moyennes internationales."

La situation des ouvriers est inquiétante. "85% des ouvriers sont sous le seuil de pauvreté et, d’ici deux mois, un tiers n’aura plus de revenus suffisants pour subvenir à ses besoins nutritionnels", ajoute Emadi pour conclure ce sombre tableau.

Pour la nouvelle année iranienne, le régime de Téhéran s’est donné la devise : "Production nationale et soutien au travail et au capital iraniens". L’investissement dans l’industrie nationale s’avère être un enjeu prioritaire pour les autorités à l’heure d’un durcissement des sanctions économiques internationales.

Messages

  • Iran : la crise s’intensifie

    jeudi 5 avril 2012

    Publié dans : Hebdo Tout est à nous ! 143 (05/04/12)

    Marasme économique, crise sociale et intensification de la répression sur fond d’une crise de régime qui n’en finit pas, la République islamique d’Iran perd de jour en jour sa légitimité aux yeux de la population. Les indicateurs sociaux et économiques présentent une situation de décrochage.

    Le 14 mars dernier, lors d’un discours devant le Parlement pour défendre son bilan, Mahmoud Ahmadinejad a prétendu que l’inflation était de 30 % au lieu des 21 % annoncés officiellement.

    En réalité, l’inflation annuelle se situe autour de 60 %. La hausse des prix est le résultat de la politique menée par le gouvernement et de la « réforme » des subventions aux produits de première nécessité. Une politique qui s’inspire des recommandations du FMI et qui dégrade considérablement les conditions de vie de la population. Le pouvoir a tenté de juguler la montée du mécontentement populaire en étalant sur cinq ans les suppressions de subventions sur le sucre, le blé, le riz, le lait, l’eau, l’électricité, l’essence et le gazole. Il a même mis en place des aides compensatoires versées aux plus pauvres, censées couvrir 50 à 70 % des augmentations sur les produits de bases mais qui ont été largement absorbées par l’inflation.

    Le chômage a explosé et se situe officiellement à 14, 5 % mais la réalité, selon les économistes indépendants, est plus proche des 25 %. Le rial, la monnaie iranienne, a perdu 55 % de sa valeur par rapport au dollar depuis un an. Et la perspective n’est guère reluisante, car les sanctions internationales décidées pour peser sur le programme nucléaire de l’Iran commencent à peser sévèrement. Les mesures prises par les grandes puissances impérialistes réduisent fortement les possibilités d’emprunts sur le marché du crédit et empêchent le secteur industriel de se procurer les pièces nécessaires à son bon fonctionnement. Du coup, les licenciements et les arriérés de salaires explosent.

    Seule l’industrie de l’armement sous contrôle direct du corps des Gardiens de la Révolution échappe au délabrement généralisé. Ce secteur bénéficie d’ailleurs de toutes les largesses du pouvoir, et son budget représente plus du quart du budget national. Il faut se rappeler que le pays détient 10 % des réserves pétrolières mondiales prouvées (ce qui le place au 3e rang mondial) et que, faute d’investissement, l’Iran importe plus de 50 % de l’essence et du gazole utilisés.

    Pire, le régime de Téhéran se prépare à passer un été pour le moins difficile. Dès le 1er juillet prochain, les pays européens n’achèteront plus de pétrole à l’Iran. Une manne financière non négligeable dont va devoir se passer Téhéran, qui tire 80 % de ses rentrées en devises de ses exportations d’or noir... sauf s’il consent à mettre un terme à son enrichissement d’uranium. Le pouvoir prévoit pour l’été une hausse de 30 % des prix de l’essence, du gazole et du fioul.

    Dans ce contexte de crise généralisée et malgré une répression féroce, les luttes de résistance et les grèves se développent. À chaque fois, les meneurs et les militants syndicaux sont arrêtés, subissent des conditions de détention des plus humiliantes et sont lourdement sanctionnés. Le régime accentue la répression afin de contenir la contestation sociale qui pourrait dans les prochains mois prendre la forme d’émeutes de la faim. La crainte du pouvoir est de voir les revendications sociales rallumer les braises du mouvement démocratique qui avait secoué le pays après les élections truquées de 2009. La République islamique vient de signer un nouveau contrat de 120 millions de dollars avec la Chine pour l’achat d’un système de contrôle des flux téléphoniques et du réseau Internet. La coopération internationale en ce domaine est riche et les entreprises françaises y participent sans ménagement. Le guide Ali Khameneï a ordonné la mise en place d’un intranet à l’échelle du pays. D’ailleurs, le corps des Gardiens de la Révolution est actionnaire majoritaire de la compagnie de télécommunications depuis l’été 2009...

    Face à la dictature des mollahs et à la répression toujours plus violente, de nombreuses campagnes de solidarité internationale existent. Nous devons les amplifier

  • Mardi 22 mai, un nombre important de routiers se sont mis en grève dans une dizaine de villes à travers l’Iran suite à un appel qui avait été lancé via le réseau social Telegram et s’est très vite propagé. Les chauffeurs protestent contre les bas tarifs des locations (la rémunération qu’ils touchent pour réaliser une livraison), la diminution du poids total autorisé de la cargaison et l’augmentation des coûts de maintenance de leur unique outil de travail : leur camion.

    En Iran, les routiers ne sont pas employés par des sociétés de transport. Ils sont dans la majorité des cas indépendants, c’est à dire qu’ils possèdent leur propre et unique camion, qu’ils ont acheté à crédit, et louent leurs services en échange d’une rémunération à la tâche. C’est l’État qui fixe la rémunération minimale, qui dépend du tonnage et du contenu de la cargaison (présence ou non de produits dangereux par exemple). La situation économique des routiers est extrêmement précaire, c’est pourquoi ils demandent actuellement une augmentation de 40% de leur rémunération.

    Difficile de dire quel pourcentage des 360.000 chauffeurs sont actuellement en grève, mais ce qui est sûr, c’est que le mouvement est suivi à l’échelle nationale. Les chauffeurs grévistes ont stationné leurs camions le long des routes et ont invité l’ensemble des camionneurs qui n’étaient pas encore en grève à stopper leur camion et rejoindre le mouvement. Le gouvernement tente bien entendu de casser le mouvement en envoyant les forces de répression escorter des convois, mais la détermination des grévistes est forte et leur nombre ne cesse d’augmenter malgré les tentatives de sabotage de la part du gouvernement.

    Cette grève ouvrière n’est pas isolée et s’inscrit dans un processus de recrudescence de la contestation qui se généralise depuis plus d’un an, et dont les événements de janvier 2018 ont été l’expression la plus avancée. Il y a quelques mois en effet, de nombreu.se.s manifestant.e.s sont descendu.e.s dans la rue pour protester contre la vie chère.
    La situation économique, à l’origine du mécontentement, est toujours aussi dégradée, et l’annonce récente de Trump de retirer les États-Unis de l’accord nucléaire iranien risque d’aggraver encore plus la situation économique des classes populaires. Washington vient de surcroit d’énoncer 12 conditions drastiques pour conclure un nouvel accord avec l’Iran et menace ainsi le pays avec les sanctions les plus sévères depuis 40 ans.

    Mais l’agitation qui anime l’Iran depuis de nombreux mois à travers des grèves emblématiques de la classe ouvrière et des manifestations importantes n’a sûrement pas dit son dernier mot. Les routiers l’ont d’ailleurs bien compris : "Les droits ne sont pas donnés, il doivent être pris".

  • Les travailleurs du pétrole iraniens organisent une vague de grèves alors que COVID-19 se répands dans le pays

    Dans un contexte de résurgence de la pandémie de coronavirus, des milliers de travailleurs des provinces du sud de l’Iran ont mené des grèves sauvages ces derniers jours dans les secteurs essentiels du pétrole et de la pétrochimie.

    La campagne de « pression maximale » menée par Washington sur l’Iran — comprenant des sanctions économiques punitives, un embargo de facto sur les équipements médicaux et les médicaments, et des menaces militaires — a exacerbé la crise sociale et économique dans le pays. La réponse désastreuse de la République islamique à la pandémie de COVID-19 a aussi aggravé cette même crise.

    Selon les reportages, au moins 10.000 travailleurs ont participé à une vague de grèves. Les grèves ont eu lieu dans près de 30 installations pétrolières et pétrochimiques, dont les raffineries d’Abadan, de Parsian et de Qeshm. Des grèves ont également eu lieu dans le complexe pétrochimique de Lamerd et dans certaines parties du champ gazier de South Pars, le plus grand champ gazier du monde. Depuis le samedi 1er août, des grèves ont eu lieu dans au moins 11 provinces pour protester contre les salaires impayés et les terribles conditions de travail.

    Il n’est pas encore clair si les grèves se poursuivent. Une source de droite, associée aux forces d’opposition pro-américaines, a affirmé ce week-end que le mouvement de grève se poursuit, voire s’étend. Mais cela n’a pas été confirmé par d’autres médias iraniens ou occidentaux.

    Ce qui a fait déborder le vase de cette colère croissante a été la mort d’un travailleur temporaire de l’usine pétrochimique de Mahshahr, le 28 juillet, par une chaleur de près de 50 degrés. Les travailleurs du champ pétrolier d’Azadegan Nord auraient été les premiers à arrêter le travail pour protester contre les bas salaires, le 29 juillet.

    La vague de grève s’est étendue à la raffinerie de Kangan et au complexe de production pétrolière de Parsian le 3 août, et à la raffinerie d’Isfahan dans le centre de l’Iran et à Mashhad dans le nord-est le 4 août.

    Les travailleurs sont principalement employés comme contractuels, ce qui signifie qu’ils n’ont ni d’emploi permanent ni de droits sociaux. En plus de leur salaire et de leur assurance sociale impayés, les travailleurs réclament des dortoirs décents et des salles de bain hygiéniques.

    La vague de grève courageuse des travailleurs au mépris du régime iranien s’inscrit dans le cadre d’une recrudescence plus large de la lutte des classes au niveau international. Cette lutte vise l’austérité, la violence d’État et l’inégalité sociale toujours croissante. Toutes ces choses sont exacerbées par la pandémie de COVID-19. Elle marque un approfondissement de la colère de la classe ouvrière contre les autorités bourgeoises et cléricales iraniennes, suite aux manifestations de masse dans tout le pays à la fin de 2017 et en novembre 2019.

    Le fait que les grèves sauvages aient éclaté dans le secteur économique le plus important pour l’Iran les rend d’autant plus remarquables. C’est une grève de masse des travailleurs du pétrole en janvier-février 1979 qui a brisé les reins de la dictature sanglante du Shah soutenu par les États-Unis.

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