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Disputes pour le pillage de la Mongolie

jeudi 28 juin 2012

Si l’image de la Mongolie est celle d’une terre d’éleveurs et d’agriculteurs, les ressources du pays résident en réalité davantage dans son sous-sol. Au sein d’immenses mines à ciel ouvert qui creusent le désert de Gobi, ce pays, grand comme trois fois la France, dispose non seulement d’assez de charbon pour alimenter l’énorme demande de la Chine dans les cinquante prochaines années, mais aussi de vastes trésors de cuivre, d’or, d’uranium et autres minéraux que le monde entier convoite. Au point d’attirer massivement les investisseurs étrangers, sous la pression de ses deux puissants voisins, Pékin et Moscou.

"Deux sites géants devraient à eux seuls assurer la fortune du pays pendant des décennies", explique Le Figaro, qui publie un reportage dans la capitale Oulan-Bator. Le premier, Talvan Tolgoi (littéralement "les cinq collines"), est le plus grand gisement de charbon de haute qualité au monde avec plus de 7 milliards de tonnes de réserves. Cette mine, située à seulement 200 km de la frontière chinoise, doit pouvoir alimenter les sidérurgistes – chinois essentiellement – pendant deux siècles, selon le quotidien français. L’an dernier, la Mongolie est ainsi devenue le premier fournisseur de charbon de la Chine, passant devant l’Australie. Trois groupes sont sur la brèche pour exploiter Talvan Tolgoi : l’entreprise d’Etat chinoise Shenhua Energy, le géant minier américain Peabody Energy et un consortium russo-mongol.

Le second, Oyu Tolgoi ("la colline turquoise"), est une immense mine renfermant les plus grandes réserves au monde de cuivre et d’or : 36 millions de tonnes de cuivre et 1 275 tonnes d’or selon les estimations. La production sur le site, détenu à 66 % par le groupe canadien Ivanhoe (contrôlé par le mastodonte anglo-australien Rio Tinto) et à 34 % par le gouvernement mongol, doit démarrer début 2013, avec un objectif de 450 000 tonnes de cuivre par an et 10 000 kg d’or.

L’exploitation de ces colossales réserves devrait être à l’origine du grand "boom minier" attendu pour 2013, qui pourrait changer la face du pays. Déjà l’an dernier, l’investissement étranger a quadruplé à 4 milliards d’euros, faisant bondir la croissance à 17,3 % contre 6,4 % en 2010. Et la tendance devrait se poursuivre, avec des prévisions de 20 % de croissance pour l’an prochain et un PIB qui doublerait tous les deux ans.

Néanmoins, cette course à l’exploitation du sous-sol n’est pas sans poser de problèmes. Au-delà de la question de la pollution liée à l’intense extraction minière, cadet des soucis d’un pays qui cherche à se développer économiquement, le principal enjeu se révèle être la répartition des richesses produites. Car si la Mongolie est assise sur cette manne fantastique qui représente un tiers de son PIB, 30 % de sa population vit en-dessous du seuil de pauvreté. L’an dernier, l’investissement étranger n’a profité qu’à une faible minorité des 2,8 millions de Mongols tandis que des fortunes colossales s’édifiaient. La frustration et l’irritation se sont alors fait sentir au sein de la population. Et face à l’appétit croissant des entreprises étrangères, le gouvernement a dû adopter en urgence une loi qui limite à 49 % l’investissement étranger dans trois secteurs stratégiques, les mines, les banques et les télécommunications, raconte Le Figaro.

Cet exercice d’équilibriste entre apaisement d’une ferveur nationaliste croissante et encouragement des investissements étrangers est au cœur des élections législatives qui se tiennent ce jeudi 28 juin dans le pays : le parti politique vainqueur formera le gouvernement qui devra superviser des appels d’offres pour d’énormes projets miniers et d’infrastructures, avec pour objectif la meilleure répartition des ressources et la lutte contre la corruption. Selon le New York Times, les parlementaires candidats en ont fait un thème de campagne majeur, jurant qu’une majorité de bénéfices resteront en Mongolie et que tous les Mongols recevront des actions de l’entreprise d’Etat qui exploite une partie de la mine de Talvan Tolgoi.

Toutefois, la marge de manœuvre du gouvernement reste faible. Sans l’aide étrangère, qui se chiffre en milliards de dollars, les mines resteraient en effet inexploitées. La Mongolie se sait en outre vulnérable au quasi-monopole de Pékin sur ses exportations (90 %), au point d’avoir accepté une réduction de 30 % sur ses produits miniers par rapport aux prix du marché. Et si Oulan-Bator s’est récemment tourné vers les Etats-Unis pour diversifier ses clients, l’enjeu de la protection de ses ressources et de sa souveraineté reste le même tant les Américains, à l’instar des Russes ou des Chinois, sont d’intenses consommateurs d’énergie.

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