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7- La question de l’Etat

Lénine dans « L’Etat et la révolution » :

« L’Etat surgit là, au moment et dans la mesure où, objectivement, les contradictions de classe ne peuvent être conciliées. Et inversement l’existence de l’Etat prouve que les contradictions de classes sont irréconciliables. »

Karl Marx dans « Feuerbach » :

« Etant donné que l’Etat est la forme par laquelle les individus d’une classe dominante font valoir leurs intérêts communs, la forme dans laquelle l’ensemble de la société civile d’une époque se résume, il s’ensuit que toues les institutions communes sont médiatisées par l’Etat, reçoivent une forme politique. D’où l’illusion que la loi repose sur la volonté libre, détachée de sa base réelle. »

Friedrich Engels, est très clair sur cette question :

« Il conviendrait d’abandonner tout ce bavardage sur l’État, surtout après la Commune, qui n’était plus un État, au sens propre. Les anarchistes nous ont assez jeté à la tête l’État populaire, bien que déjà le livre de Marx contre Proudhon, et puis le Manifeste communiste, disent explicitement qu’avec l’instauration du régime social socialiste, l’État se dissout de lui-même et disparaît. L’État n’étant qu’une institution temporaire dont on est obligé de se servir dans la lutte, dans la révolution, pour réprimer par la force ses adversaires, il est parfaitement absurde de parler d’un État populaire libre : tant que le prolétariat a encore besoin de l’État, ce n’est point pour la liberté, mais pour réprimer ses adversaires. Et le jour où il devient possible de parler de liberté, l’État cesse d’exister comme tel. »

Engels, Lettre à August Bebel, 1875.

Gloses marginales au programme du Parti Ouvrier allemand

Karl Marx

(...)

J’arrive maintenant à la partie démocratique.
A.- « Libre fondement de l’Etat ».

Tout d’abord, d’après ce qu’on a vu au chapitre Il, le Parti ouvrier allemand cherche à réaliser l’« Etat libre ».

L’Etat libre, qu’est-ce à dire ?

Faire l’Etat libre, ce n’est nullement le but des travailleurs qui se sont dégagés de la mentalité bornée de sujets soumis. Dans l’Empire allemand, I’« Etat » est presque aussi « libre » qu’en Russie. La liberté consiste à transformer l’Etat, organisme qui est mis au-dessus de la société, en un organisme entièrement subordonné à elle, et même de nos jours les formes de l’Etat sont plus ou moins libres ou non libres selon que la « liberté de l’Etat » s’y trouve plus ou moins limitée. Le Parti ouvrier allemand - du moins s’il fait sien ce programme montre que les idées socialistes ne sont pas même chez lui à fleur de peau ; au lieu de traiter la société présente (et cela vaut pour toute société future) comme le fondement de l’Etat présent (ou futur pour la société future), on traite au contraire l’Etat comme une réalité indépendante, possédant ses propres fondements intellectuels, moraux et libres.

Et maintenant, pour combler la mesure, quel horrible abus le programme ne fait-il pas des expressions « Etat actuel », « société actuelle » et quel malentendu, plus horrible encore, ne crée-t-il pas au sujet de l’Etat auquel s’adressent ses revendications !

La « société actuelle », c’est la société capitaliste qui existe dans tous les pays civilisés, plus ou moins expurgés d’éléments moyenâgeux, plus ou moins modifiée par l’évolution historique particulière à chaque pays, plus ou moins développée. L’ « Etat actuel », au contraire, change avec la frontière. Il est dans l’Empire prusso-allemand autre qu’en Suisse, en Angleterre autre qu’aux Etats-Unis. L’ « Etat actuel » est donc une fiction.

Cependant, les divers Etats des divers pays civilisés, nonobstant la multiple diversité de leurs formes, ont tous ceci de commun qu’ils reposent sur le terrain de la société bourgeoise moderne, plus ou moins développée au point de vue capitaliste. C’est ce qui fait que certains caractères essentiels leur sont communs. En ce sens, on peut parler d’« Etat actuel » pris comme expression générique. Par contraste avec l’avenir où la société bourgeoise, qui lui sert à présent de racine, aura cessé d’exister.

Dès lors, la question se pose : quelle transformation subira l’Etat dans une société communiste ? Autrement dit quelles fonctions sociales s’y maintiendront analogues aux fonctions actuelles de l’Etat ? Seule la science peut répondre à cette question ; et ce n’est pas en accouplant de mille manières le mot Peuple avec le mot Etat qu’on fera avancer le problème d’un saut de puce.

Entre la société capitaliste et la société communiste, se place la période de transformation révolutionnaire de celle-là en celle-ci. A quoi correspond une période de transition politique où l’Etat ne saurait être autre chose que la dictature révolutionnaire du prolétariat [1].

Le programme n’a pas à s’occuper, pour l’instant, ni de cette dernière, ni de l’Etat futur dans la société communiste.

Ses revendications politiques ne contiennent rien de plus que la vieille litanie démocratique connue de tout le monde : suffrage universel, législation directe, droit du peuple, milice populaire, etc. Elles sont simplement l’écho du Parti populaire bourgeois [2], de la Ligue de la paix et de la liberté. Rien de plus que des revendications déjà réalisées, pour autant qu’elles ne sont pas des notions entachées d’exagération fantastique. Seulement, l’Etat qui les a réalisées, ce n’est nullement à l’intérieur des frontières de l’Empire allemand qu’il existe, mais en Suisse, aux Etats-Unis, etc. Cette espèce d’ « Etat de l’avenir », c’est un Etat bien actuel, encore qu’il existe hors du « cadre » de l’Empire allemand.

Mais on a oublié une chose. Puisque le Parti ouvrier allemand déclare expressément se mouvoir au sein de l’« Etat national actuel », donc de son propre Etat, l’empire prusso-allemand, - sinon ses revendications seraient en majeure partie absurdes, car on ne réclame que ce qu’on n’a pas, -le Parti n’aurait pas dû oublier le point capital, à savoir toutes ces belles petites choses impliquent la reconnaissance de ce qu’on appelle la souveraineté du peuple, et ne sont donc à leur place que dans une république démocratique.

Puisqu’on n’ose pas - et on fait bien de s’abstenir, car la situation commande la prudence, - réclamer la République démocratique, comme le faisaient, sous Louis-Philippe et Louis-Napoléon, les ouvriers français dans leurs programmes, il ne fallait pas non plus recourir à cette supercherie aussi peu « honnête » que respectable qui consiste à réclamer des choses qui n’ont de sens que dans une République démocratique, à un Etat qui n’est qu’un despotisme militaire, à armature bureaucratique et à blindage policier, avec un enjolivement de formes parlementaires, avec des mélanges d’éléments féodaux et d’influences bourgeoises et, par-dessus le marché, à assurer bien haut cet Etat, que l’on croit pouvoir lui imposer pareilles choses « par des moyens légaux ».

La démocratie vulgaire elle-même, qui, dans la République démocratique, voit l’avènement du millénaire et qui ne soupçonne nullement que c’est précisément sous cette dernière forme étatique de la société bourgeoise que se livrera la suprême bataille entre les classes, la démocratie elle-même est encore à cent coudées au-dessus d’un démocratisme de cette sorte, confiné dans les limites de ce qui est autorisé par la police et prohibé par la logique.

Que par « Etat » l’on entende, en fait, la machine gouvernementale, ou bien l’Etat en tant que constituant par suite de la division du travail un organisme propre, séparé de la société c’est déjà indiqué par ces mots : « Le Parti ouvrier allemand réclame comme base économique de l’Etat un impôt unique et progressif sur le revenu, etc. ». Les impôts sont la base économique de la machinerie gouvernementale, et de rien d’autre. Dans l’Etat de l’avenir, tel qu’il existe en Suisse, cette revendication est passablement satisfaite. L’impôt sur le revenu suppose des sources de revenu différentes de classes sociales différentes, donc la société capitaliste. Par conséquent, il n’y a rien de surprenant si les financial reformers de Liverpool, - des bourgeois ayant à leur tête le frère de Gladstone [3], - formulent la même revendication que le programme.
B.- Le Parti ouvrier allemand réclame comme base intellectuelle et morale de l’Etat :

1.- EDUCATION GENERALE, LA MEME POUR TOUS, DU PEUPLE par l’Etat. Obligation scolaire pour tous, instruction gratuite.

Education au peuple, la même pour tous ? Qu’est-ce qu’on entend par ces mots ? Croit-on que, dans la société actuelle. (et l’on n’a à s’occuper que d’elle), l’éducation puisse être la même pour toutes les classes ? Ou bien veut-on réduire par la force les classes supérieures à ne recevoir que cet enseignement restreint de l’école primaire, seul compatible avec la situation économique non seulement des ouvriers salariés, mais encore des paysans ?

« Obligation scolaire pour tous. Instruction gratuite ». La première existe même en Allemagne, la seconde en Suisse et aux Etats-Unis pour les écoles primaires. Si, dans certains Etats de ce dernier pays, des établissements d’enseignement supérieur sont également « gratuits », cela signifie seulement qu’en fait ces Etats imputent sur les chapitres du budget général les dépenses scolaires des classes supérieures. Incidemment, il en va de même de cette « administration gratuite de la justice », réclamée à l’article 5. La justice criminelle est partout gratuite ; la justice civile roule presque uniquement sur des litiges de propriété et concerne donc, presque uniquement, les classes possédantes. Vont-elles soutenir leurs procès aux frais du trésor public ?

Le paragraphe relatif aux écoles aurait dû tout au moins exiger l’adjonction à l’école primaire d’écoles techniques (théoriques et pratiques).

Une « éducation du peuple par l’Etat » est chose absolument condamnable. Déterminer par une loi générale les ressources des écoles primaires, les aptitudes exigées du personnel enseignant, les disciplines enseignées, etc., et, comme cela se passe aux Etats-Unis, surveiller, à l’aide d’inspecteurs d’Etat, l’exécution de ces prescriptions légales, c’est absolument autre chose que de faire de l’Etat l’éducateur du peuple ! Bien plus, il faut proscrire de l’école au même titre toute influence du gouvernement et de l’Eglise. Bien mieux, dans l’Empire prusso-allemand (et qu’on ne recoure pas à cette échappatoire fallacieuse de parler d’un certain « Etat de l’avenir » nous avons vu ce qu’il en est), c’est au contraire l’Etat qui a besoin d’être éduqué d’une rude manière par le peuple.

D’ailleurs, tout le programme, en dépit de tout son drelindrelin démocratique, est d’un bout à l’autre infecté par la servile croyance de la secte lassallienne à l’Etat ou, ce qui ne vaut pas mieux, par la croyance au miracle démocratique ; ou plutôt c’est un compromis entre ces deux sortes de foi au miracle, également éloignées du socialisme.

« Liberté de la science », dit un paragraphe de la Constitution prussienne. Pourquoi alors ici ?

« Liberté de conscience ! » Si on voulait, par ces temps de Kulturkampf [4], rappeler au libéralisme ses vieux mots d’ordre, on ne pouvait le faire que sous cette forme : « chacun doit pouvoir satisfaire ses besoins religieux et corporels, sans que la police y fourre le nez ». Mais le Parti ouvrier avait là, l’occasion d’exprimer sa conviction que la bourgeoise « liberté de conscience » n’est rien de plus que la tolérance de toutes les sortes possibles de liberté de conscience religieuse, tandis que lui s’efforce de libérer les consciences de la fantasmagorie religieuse. Seulement on se complaît à ne pas dépasser le niveau « bourgeois ».

Me voici à la fin, car l’appendice qui accompagne le programme n’en constitue pas une partie caractéristique. Aussi serai-je ici très bref.
2.- Journée normale de travail.

En aucun autre pays, le parti ouvrier ne s’en est tenu à une revendication aussi imprécise, mais toujours il assigne à la journée de travail la durée qu’il considère comme normale, compte tenu des circonstances.
3.- Limitation du travail des femmes et interdiction du travail des enfants.

La réglementation de la journée de travail doit impliquer déjà la limitation du travail des femmes, pour autant qu’elle concerne la durée, les pauses, etc., de la journée de travail ; sinon cela ne peut signifier que l’exclusion des femmes des branches d’industrie qui sont particulièrement préjudiciables à leur santé physique où contraires à la morale au point de vue du sexe. Si c’est ce qu’on avait en vue, il fallait le dire.

« Interdiction du travail des enfants ! » : il était absolument indispensable d’indiquer la limite d’âge.

Une interdiction générale du travail des enfants est incompatible avec l’existence même de la grande industrie ; elle n’est donc qu’un vœu naïf et sans portée. La réalisation - si elle était possible - serait réactionnaire, car une étroite réglementation du temps de travail selon les âges étant assurée, ainsi que d’autres mesures de protection des enfants, le fait de combiner de bonne heure le travail productif avec l’instruction est un des plus puissants moyens de transformation de la société actuelle.
4.- Surveillance par l’Etat du travail dans les fabriques, les ateliers et à domicile.

Etant donné l’Etat prusso-allemand, il fallait incontestablement demander que les inspecteurs ne fussent révocables que par les tribunaux ; que tout ouvrier pût les déférer à la justice pour manquement à leurs devoirs ; qu’ils fussent pris dans le corps médical.
5.- Réglementation du travail dans les prisons.

Revendication mesquine dans un programme général ouvrier. Quoi qu’il en soit, il fallait dire clairement qu’on n’entend pas que les criminels de droit commun, par crainte de leur concurrence, soient traités comme du bétail et qu’on n’a pas l’intention de leur retirer ce qui est précisément leur unique moyen d’amendement, le travail productif. C’était bien le moins qu’on dût attendre de socialistes.
6.- Une loi efficace sur la responsabilité [5].

Il fallait dire ce qu’on entend par une loi « efficace » sur la responsabilité.

Remarquons en passant qu’à propos de la journée normale du travail, on a oublié la partie de la législation des fabriques qui concerne les règlements sur l’hygiène et les mesures à prendre contre les risques, etc. La loi sur la responsabilité entre en application dès que ces prescriptions sont violées.

Bref, cet appendice se distingue également par sa rédaction boiteuse.

Dlxi et salvavi animam meam [6].

Notes

[1]Déjà en 1852, Marx écrit, dans une lettre à Wiedemeyer, que « la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat ».

[2]Le Parti populaire allemand ou Parti démocrate. fondé en 1865, groupait la petite bourgeoisie des petits et moyens Etats d’Allemagne. Elle s’opposait à la politique bismarckienne en revendiquant la création d’une République démocratique.

[3]Gladstone (1809-1898) : Homme d’Etat anglais, chef de la bourgeoisie libérale.

[4]Après 1870, Bismarck, sous le nom de kulturkampf, mènera l’offensive contre le parti catholique allemand, le parti du « Centre », au moyen de persécutions policières.

[5]En matière d’accidents.

[6]J’ai dit et j’ai sauvé mon âme.

Lénine dans "De l’Etat" :

"Quelles que soient les formes revêtues par la république, fût-elle la plus démocratique, si c’est une république bourgeoise, si la propriété privée de la terre, des usines et des fabriques y subsiste, et si le capital privé y maintient toute la société dans l’esclavage salarié, autrement dit si l’on n’y réalise pas ce que proclament le programme de notre Parti et la Constitution soviétique, cet Etat est une machine qui permet aux uns d’opprimer les autres. Et cette machine, nous la remettrons aux mains de la classe qui doit renverser le pouvoir du capital. Nous rejetterons tous les vieux préjugés selon lesquels l’Etat, c’est l’égalité générale. Ce n’est qu’un leurre ; tant que l’exploitation subsiste, l’égalité est impossible. Le grand propriétaire foncier ne peut être l’égal de l’ouvrier, ni l’affamé du repu. Cet appareil qu’on appelait l’Etat, qui inspire aux hommes une superstitieuse vénération, ajoutant foi aux vieilles fables d’après lesquelles l’Etat, c’est le pouvoir du peuple entier, - le prolétariat le rejette et dit : c’est un mensonge bourgeois. Cette machine, nous l’avons enlevée aux capitalistes, nous nous en sommes emparés. Avec cette machine, ou avec ce gourdin, nous anéantirons toute exploitation ; et quand il ne restera plus sur la terre aucune possibilité d’exploiter autrui, qu’il ne restera plus ni propriétaires fonciers, ni propriétaires de fabriques, qu’il n’y aura plus de gavés d’un côté et d’affamés de l’autre, quand cela sera devenu impossible, alors seulement nous mettrons cette machine à la ferraille. Alors, il n’y aura plus d’Etat, plus d’exploitation. Tel est le point de vue de notre Parti communiste."

Lénine dans "L’Etat et la révolution" :

"Traitant de la question de l’Etat, qui nous préoccupe ici, Marx fait le bilan de la révolution de 1848-1851, dans son 18 Brumaire de Louis Bonaparte , en développant le raisonnement suivant :

"Mais la révolution va jusqu’au fond des choses. Elle ne traverse encore que le purgatoire. Elle mène son affaires avec méthode. Jusqu’au 2 décembre 1851 [date du coup d’Etat de Louis Bonaparte], elle n’avait accompli que la moitié de ses préparatifs, et maintenant elle accomplit l’autre moitié. Elle perfectionne d’abord le pouvoir parlementaire, pour le renverser ensuite. Ce but une fois atteint, elle perfectionne le pouvoir exécutif , le réduit à sa plus simple expression, l’isole, dirige contre lui tous les reproches pour pouvoir concentrer sur lui toutes ses forces de destruction [souligné par nous], et, quand elle aura accompli la seconde moitié de son travail de préparation, l’Europe sautera de sa place et jubilera : Bien creusé, vieille taupe !

"Ce pouvoir exécutif, avec son immense organisation bureaucratique et militaire, avec sa machine étatique complexe et artificielle, son armée de fonctionnaires d’un demi-million d’hommes et son autre armée d’un demi-million de soldats, effroyable corps parasite qui recouvre comme d’une membrane le corps de la société française et en bouche tous les pores, se constitua à l’époque de la monarchie absolue, au déclin de la féodalité qu’il aida à renverser." La première Révolution française a développé la centralisation, "mais, en même temps aussi, l’étendue, les attributs et l’appareil du pouvoir gouvernemental. Napoléon acheva de perfectionner ce mécanisme d’Etat". La monarchie légitime et la monarchie de Juillet "ne firent qu’y ajouter une plus grande division du travail..."

"La République parlementaire, enfin, se vit contrainte, dans sa lutte contre la révolution, de renforcer par ses mesures de répression les moyens d’action et la centralisation du pouvoir gouvernemental. Tous les bouleversements n’ont fait que perfectionner cette machine au lieu de la briser [souligné par nous]. Les partis qui luttèrent à tour de rôle pour le pouvoir considérèrent la conquête de cet immense édifice d’Etat comme la principale proie du vainqueur" (Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte , pp. 98-99, 4e édition allemande, Hambourg, 1907)."

Lénine dans "De l’Etat" :

"Quelles que soient les formes revêtues par la république, fût-elle la plus démocratique, si c’est une république bourgeoise, si la propriété privée de la terre, des usines et des fabriques y subsiste, et si le capital privé y maintient toute la société dans l’esclavage salarié, autrement dit si l’on n’y réalise pas ce que proclament le programme de notre Parti et la Constitution soviétique, cet Etat est une machine qui permet aux uns d’opprimer les autres. Et cette machine, nous la remettrons aux mains de la classe qui doit renverser le pouvoir du capital. Nous rejetterons tous les vieux préjugés selon lesquels l’Etat, c’est l’égalité générale. Ce n’est qu’un leurre ; tant que l’exploitation subsiste, l’égalité est impossible. Le grand propriétaire foncier ne peut être l’égal de l’ouvrier, ni l’affamé du repu. Cet appareil qu’on appelait l’Etat, qui inspire aux hommes une superstitieuse vénération, ajoutant foi aux vieilles fables d’après lesquelles l’Etat, c’est le pouvoir du peuple entier, - le prolétariat le rejette et dit : c’est un mensonge bourgeois. Cette machine, nous l’avons enlevée aux capitalistes, nous nous en sommes emparés. Avec cette machine, ou avec ce gourdin, nous anéantirons toute exploitation ; et quand il ne restera plus sur la terre aucune possibilité d’exploiter autrui, qu’il ne restera plus ni propriétaires fonciers, ni propriétaires de fabriques, qu’il n’y aura plus de gavés d’un côté et d’affamés de l’autre, quand cela sera devenu impossible, alors seulement nous mettrons cette machine à la ferraille. Alors, il n’y aura plus d’Etat, plus d’exploitation. Tel est le point de vue de notre Parti communiste."

Marat, novembre 1789

« Où est la patrie de ceux qui n’ont aucune propriété, qui ne peuvent prétendre à aucun emploi, qui ne retirent aucun avantage du pacte social ? Partout condamnés à servir, s’ils ne sont pas sous le joug d’un maître, ils sont sous celui de leurs concitoyens (…) Que pourraient-ils devoir à l’Etat qui n’a rien fait que cimenter leur misère et river leurs fers ; ils ne lui doivent que la haine et les malédictions. Ah ! Sauvez-le l’Etat, vous à qui il assure un sort tranquille et heureux ; n’exigez rien de nous, c’est bien assez que le destin cruel nous ait réduit à la cruelle nécessité de vivre parmi vous. »

Voltaire dans son Dictionnaire philosophique :

« Un jeune garçon pâtissier se donnait un jour les airs d’aimer sa patrie.
"Qu’entends-tu par ta patrie ?" lui dit un voisin : "Est-ce la rue où demeuraient ton père et ta mère, qui se sont ruinés, et qui t’ont réduit à enfourner des petits pâtés pour vivre ?" »

Auguste Blanqui – Le toast de Londres

« Traîtres seraient les gouvernements qui, élevés sur les pavois prolétaires, ne feraient pas opérer à l’instant même :
1° - Le désarmement des gardes bourgeoises.
2° - L’armement et l’organisation en milice nationale de tous les ouvriers. »