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1- Les lois économiques font partie de la lutte des classes

Thomas Joseph Dunning cité par Karl Marx dans Le Capital

« Le capital fuit le tumulte et les conflits. Il est peureux de nature. Cela est très vrai, mais n’est pourtant pas toute la vérité. Le capital a horreur de l’absence de profit ou des très petits profits comme la nature a horreur du vide. Quand le profit est adéquat, le capital devient audacieux. Garantissez-lui 10 pour cent, et on pourra l’employer partout ; à 20 pour cent, il s’anime, à 50 pour cent, il devient carrément téméraire ; à 100 pour cent il foulera aux pieds toutes les lois humaines ; à 300 pour cent, il n’est pas de crime qu’il n’osera commettre, même s’il encourt la potence. Si le tumulte et les conflits rapportent du profit, il les encouragera l’un et l’autre. La preuve : la contrebande et la traite des esclaves. »

« Le secret de la théorie de la valeur chez Marx, de son analyse de l’argent, de sa théorie du Capital, du taux de profit, et, par conséquent, de tout le système économique actuel, est le caractère périssable de l’économie capitaliste, son écroulement, et, par conséquent — ceci n’est que l’autre aspect — le but final socialiste. C’est précisément et uniquement parce que Marx considérait l’économie capitaliste tout d’abord en tant que socialiste, c’est à-dire du point de vue historique qu’il put déchiffrer ses hiéroglyphes, et c’est parce qu’il fit du point de vue socialiste le point de départ de l’analyse scientifique de la société bourgeoise qu’il put, à son tour, donner une base scientifique au socialisme. (...) Mais quelle est la clé magique qui a précisément permis à Marx de pénétrer les secrets les plus intimes de tous les phénomènes capitalistes, de résoudre, comme en se jouant, des problèmes dont les plus grands esprits de l’économie bourgeoise, tels Smith et Ricardo, ne soupçonnaient même pas l’existence ? Rien d’autre que d’avoir conçu l’économie capitaliste tout entière comme étant un phénomène historique ayant une histoire non seulement derrière lui, comme le comprenait tout au plus l’économie classique, mais aussi, devant lui, non seulement à l’égard du passé qu’était l’économie féodale, mais notamment à l’égard de l’avenir socialiste. Le secret de la théorie de la valeur chez Marx, de son analyse de l’argent, de sa théorie du Capital, du taux de profit, et, par conséquent, de tout le système économique actuel, est le caractère périssable de l’économie capitaliste… C’est précisément et uniquement parce que Marx considérait l’économie capitaliste tout d’abord en tant que socialiste, c’est-à-dire, du point de vue historique, qu’il a pu déchiffrer ses hiéroglyphes…
 »

Rosa Luxemburg dans "Réforme ou révolution"

« Les hommes ne font pas arbitrairement leur histoire, mais ce sont eux qui la font. Le prolétariat dépend pour son action du degré de maturité atteint par le développement social, mais le développement social ne peut se passer du prolétariat : celui-ci est en même temps son ressort et sa cause, comme son produit et sa conséquence. (…) La victoire finale du prolétariat socialiste… ne peut pas s’accomplir si de toute la masse des conditions matérielles accumulées par l’histoire ne jaillit pas l’étincelle animatrice de la volonté consciente de la grande masse populaire. (…) Friedrich Engels a dit une fois : la société bourgeoise se trouve devant un dilemme : ou le progrès vers le socialisme ou la régression vers la barbarie… Nous nous trouvons aujourd’hui donc, exactement comme Friedrich Engels l’avait prévu, il y a une génération, il y a 40 ans, devant le choix : ou triomphe de l’impérialisme et chute de toute la civilisation comme dans l’ancienne Rome, dépeuplement, destruction, dégénérescence, un vaste cimetière, où la victoire du socialisme, c’est-à-dire l’action consciente de lutte du prolétariat international contre l’impérialisme et sa methode : la guerre. Voilà le dilemme de l’histoire mondiale, une alternative dans laquelle les plateaux de la balance oscillent devant la décision du prolétariat conscient. »

Rosa Luxemburg dans la "brochure Junius"

"D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si, ensuite, quelqu’un torture cette proposition pour lui faire dire que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme en une phrase vide, abstraite, absurde. La situation économique est la base, mais les divers éléments de la superstructure – les formes politiques de la lutte de classes et ses résultats, – les Constitutions établies une fois la bataille gagnée par la classe victorieuse, etc., – les formes juridiques, et même les reflets de toutes ces luttes réelles dans le cerveau des participants, théories politiques, juridiques, philosophiques, conceptions religieuses et leur développement ultérieur en systèmes dogmatiques, exercent également leur action sur le cours des luttes historiques et, dans beaucoup de cas, en déterminent de façon prépondérante la forme. Il y a action et réaction de tous ces facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie de hasards (c’est-à-dire de choses et d’événements dont la liaison intime entre eux est si lointaine ou si difficile à démontrer que nous pouvons la considérer comme inexistante et la négliger). Sinon, l’application de la théorie à n’importe quelle période historique serait, ma foi, plus facile que la résolution d’une simple équation du premier degré.

Nous faisons notre histoire nous-mêmes, mais, tout d’abord, avec des prémisses et dans des conditions très déterminées. Entre toutes, ce sont les conditions économiques qui sont finalement déterminantes. Mais les conditions politiques, etc., voire même la tradition qui hante les cerveaux des hommes, jouent également un rôle, bien que non décisif. Ce sont des causes historiques et, en dernière instance, économiques, qui ont formé également l’Etat prussien et qui ont continué à le développer. Mais on pourra difficilement prétendre sans pédanterie que, parmi les nombreux petits Etats de l’Allemagne du Nord, c’était précisément le Brandebourg qui était destiné par la nécessité économique et non par d’autres facteurs encore (avant tout par cette circonstance que, grâce à la possession de la Prusse, le Brandebourg était entraîné dans les affaires polonaises et par elles impliqué dans les relations politiques internationales qui sont décisives également dans la formation de la puissance de la Maison d’Autriche) à devenir la grande puissance où s’est incarnée la différence dans l’économie, dans la langue et aussi, depuis la Réforme, dans la religion entre le Nord et le Sud. On parviendra difficilement à expliquer économiquement, sans se rendre ridicule, l’existence de chaque petit Etat allemand du passé et du présent ou encore l’origine de la mutation consonnantique du haut allemand qui a élargi la ligne de partage géographique constituée par les chaînes de montagnes des Sudètes jusqu’au Taunus, jusqu’à en faire une véritable faille traversant toute l’Allemagne.

Mais, deuxièmement, l’histoire se fait de telle façon que le résultat final se dégage toujours des conflits d’un grand nombre de volontés individuelles, dont chacune à son tour est faite telle qu’elle est par une foule de conditions particulières d’existence ; il y a donc là d’innombrables forces qui se contrecarrent mutuellement, un groupe infini de parallélogrammes de forces, d’où ressort une résultante – l’événement historique – qui peut être regardée elle-même, à son tour, comme le produit d’une force agissant comme un tout, de façon inconsciente et aveugle. Car, ce que veut chaque individu est empêché par chaque autre et ce qui s’en dégage est quelque chose que personne n’a voulu. C’est ainsi que l’histoire jusqu’à nos jours se déroule à la façon d’un processus de la nature et est soumise aussi, en substance, aux mêmes lois de mouvement qu’elle. Mais de ce que les diverses volontés – dont chacune veut ce à quoi la poussent sa constitution physique et les circonstances extérieures, économiques en dernière instance (ou ses propres circonstances personnelles ou les circonstances sociales générales) – n’arrivent pas à ce qu’elles veulent, mais se fondent en une moyenne générale, en une résultante commune, on n’a pas le droit de conclure qu’elles sont égales à zéro. Au contraire, chacune contribue à la résultante et, à ce titre, est incluse en elle. Je voudrais, en outre, vous prier d’étudier cette théorie aux sources originales et non point de seconde main, c’est vraiment beaucoup plus facile. Marx a rarement écrit quelque chose où elle ne joue son rôle. Mais, en particulier, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte est un exemple tout à fait excellent de son application. Dans Le Capital, on y renvoie souvent. Ensuite, je me permets de vous renvoyer également à mes ouvrages Monsieur E. Dühring bouleverse la science et Ludwig Feuerbach et la fin de la philosophie classique allemande, où j’ai donné l’exposé le plus détaillé du matérialisme historique qui existe à ma connaissance. C’est Marx et moi-même, partiellement, qui devons porter la responsabilité du fait que, parfois, les jeunes donnent plus de poids qu’il ne lui est dû au côté économique. Face à nos adversaires, il nous fallait souligner le principe essentiel nié par eux, et alors nous ne trouvions pas toujours le temps, le lieu, ni l’occasion de donner leur place aux autres facteurs qui participent à l’action réciproque. Mais dès qu’il s’agissait de présenter une tranche d’histoire, c’est-à-dire de passer à l’application pratique, la chose changeait et il n’y avait pas d’erreur possible. Mais, malheureusement, il n’arrive que trop fréquemment que l’on croie avoir parfaitement compris une nouvelle théorie et pouvoir la manier sans difficulté, dès qu’on s’en est approprié les principes essentiels, et cela n’est pas toujours exact. Je ne puis tenir quitte de ce reproche plus d’un de nos récents “ marxistes ”, et il faut dire aussi qu’on a fait des choses singulières."

Lettre de F. Engels à Joseph Bloch du 21-22 septembre 1890