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Où en est la révolution du monde arabe ?
mercredi 22 juin 2011, par
Ci-dessous quelques faits rapportés par "Dans le monde, une classe en lutte".
Mais le simple report des faits ne peut suffire. il faut discuter des perspectives...
Bien sûr, certains soulignent à juste titre qu’au sommet, cela ne change pas sur le fond.
C’est vrai mais la réalité change en profondeur dans les masses populaires, les travailleurs, les femmes, les jeunes.
Le simple fait de s’assembler, de discuter du changement que nous voulons, tout cela est un changement de grande envergure...
La révolution ne fait que de commercer...
TUNISIE
17/12/2010 – Un jeune chômeur pris dans le cycle infernal de la misère et de la répression s’immole par le feu à Sidi Bouzid, dans une région agricole pauvre et centrale du pays. C’est le début d’une vague de contestations, manifestations et émeutes qui se répandent dans la région pour culminer les 8 et 9 janvier dans tout le centre et le sud du pays. À Kasserine, ville voisine (déjà théâtre d’une sanglante répression en mai 2008), c’est l’insurrection : bâtiments publics attaqués, y compris la prison, un patron échappe de peu au lynchage. La police et les milices tirent dans la foule ; l’armée s’interpose. Au moins 60 morts et de nombreux blessés. Informée par Internet et les téléphones portables, toute la Tunisie s’enflamme. Devant les manifestations et les occupations dans tout le pays et l’apparition de grèves sur des revendications d’abord ouvrières, le dictateur Ben Ali est contraint de fuir le 13 janvier 2011, poussé, après des manœuvres politiques de dernière heure, par la pression conjointe des États-Unis et de l’armée. Tous, fidèles de Ben Ali, armée, UGTT — le syndicat unique auxiliaire du pouvoir — s’entendent autour d’un gouvernement provisoire « d’union nationale ». L’UGTT fait une volte-face « démocratique » tout en appelant les travailleurs à reprendre le travail. Conflits et règlements de compte se poursuivent notamment avec la puissante milice créée par Bel Ali. L’agitation sociale ne faiblit pas en février avec des grèves dans des secteurs divers (aviation, hôtellerie, télécoms, mines, etc.), dans toute une région (Redeyef). Le 7 février, dans le bassin minier du centre-ouest, le nouveau gouverneur est contraint de fuir, protégé par l’armée. À Kef, l’immeuble des forces de sécurité est incendié et des jeunes tentent d’attaquer la prison pour libérer les détenus : l’armée les repousse. Le démantèlement relatif du contrôle social entraîne problèmes et conflits nouveaux : une émigration sauvage vers l’Italie déclenche un conflit diplomatique, la multiplication des vendeurs de rue provoque une grève des commerçants, etc. Ceux qui ont lutté ne se satisfont pas seulement de la fuite de Ben Ali. Et du maintien au pouvoir de tous ceux qui ont en fait assuré sa domination. Le 20 février plus de 40 000 manifestent à Tunis et occupent de nouveau la place centrale, ils sont plus de 100 000 le 25 février et la police tente en vain de les disperser. L’UGTT et les islamistes qui aveint entamé une collaboration avec les héritiers de Ben Ali prennent le train en marche et après deux jours d’émeutes nouvelles dans l’ensemble du pays ( 5 morts et de nombreux blessés) les premier ministre démissionne le 27 , suivi peu après par deux autres ministres trop marqués par leur soutien a dictateur déchu.
ALGÉRIE
(voir précédents bulletins sur les grèves, sur une révolte quasi constante des jeunes des banlieues et un peu partout des Algériens contre toutes les entraves à la vie quotidienne ; en 2010 on a compté 9 700 émeutes et de nombresues grèves dans tous les secterus)
12/02/2011 – 2 000 manifestants à Alger en dépit du déploiement de 30 000 policiers nantis d’un arsenal répressif impressionnant : 6 morts, 900 blessés, 1 000 arrestations. Une nouvelle marche le 19 février ne peut se concrétiser en raison du déploiement de 40 000 policiers ; mais on constate que les travailleurs ou les jeunes de banlieue ne se joignent pas en masse au mouvement. Le 24 février. Le gouvernement met fin à l’état d’urgence en vigueur depuis 19 ans mais en même temps maintient l’interdiction de manifester. Parallèlement quelques mesures de soutien économique sont censées apaiser la révolte sociale.
ÉGYPTE
25/01/2011 - Imitation de la Tunisie : 5 tentatives d’immolation par le feu dont une mortelle. En même temps, une vague de manifestations contre le régime Moubarak : plus de 1 000 arrestations, 7 tués dont 2 flics, des dizaines de blessés. Tout continue les jours suivants malgré la répression mais l’attention se focalise plus sur Le Caire, le delta du Nil et la zone du canal de Suez. Au Caire, le siège du parti au pouvoir est incendié de même que des casernes de police : celle-ci disperse des dizaines de milliers de manifestants qui tentent de s’attaquer à d’autres bâtiments publics. En quatre jours, 90 manifestants sont tués et des milliers sont blessés. Malgré un couvre-feu élargi, les manifestations continuent. Un replâtrage ministériel hâtif ne calme pas les manifestants qui veulent le départ de Moubarak. Le 1er février, ils sont plus d’un million dans toute l’Égypte ; au Caire, ceux-ci se concentrent sur une place centrale, la place Tahrir qu’ils occupent en permanence. Le 2 février, milice et partisans de Moubarak attaquent ces occupants et les affrontements se prolongent le lendemain, faisant 8 morts et plus de 800 blessés. Les jours suivants, dans une confusion où s’entremêlent les mêmes attaques, l’armée tentant parfois de s’interposer entre les pro et anti-Moubarak, le nombre des victimes s’accroît (plus de 300 morts), mais les protestations s’étendent et se renforcent, des grèves commencent à éclater. Le 3 février, l’activité économique dans le delta est pratiquement stoppée ( manque d’argent par la paralysie des banques et d’approvisionnement par la paralysie des transports), par contre , sur le canal de Suez, les navires continuent de circuler.Le 10 février, une nouvelle tentative d’un prétendu transfert de pouvoir au même clan Moubarak ne trompe personne et ne fait que renforcer l’opposition. Le vendredi 11 février, devant plusieurs millions de manifestants, Moubarak s’en va en confiant à un conseil militaire suprême la gestion du pays jusqu’à une réforme constitutionnelle et de nouvelles élections. Les manifestations cessent et la place Tahrir évacuée est nettoyée. Le général qui dirige ce conseil et le syndicat officiel invitent les travailleurs à reprendre le travail pour que l’activité économique continue (l’armée, outre sa force, est aussi propriétaire de tout un ensemble d’industries nationales). Les grèves n’en continuent pas moins de plus belle le 17 février : à Mahallah (textile, 10 000 travailleurs), Damiette (textile, 6 000 travailleurs), Port-Saïd (1 000 ouvriers d’une usine chimique dont la fermeture est exigée à cause de la pollution), Ismaïlia (les employés du gouvernement provincial en grève pour les salaires). L’armée disperse 200 métallos qui manifestent au Caire devant le siège social de l’entreprise pour les salaires et de meilleures conditions de travail. Pour camoufler que les employés des banques sont en grève pour les salaires, le conseil militaire décide de la fermeture des locaux jusqu’au lundi suivant, un lockout déguisé ; manifestation au Caire devant le siège du syndicat Etuf requérant la démission des dirigeants. Officiellement, on dénombre 365 morts et 5 500 blessés mais il y aurait des centaines de disparus et des autres centaines de prisonniers politiques croupiraient encore dans les geôles de l’État.
Le vendredi 18, la journée de commémoration de la « révolution du Nil » rassemble près de 2 millions de manifestants sur la place Tahrir au Caire et près d’un million à Alexandrie. Les USA débloquent 150 millions de dollars pour « aider » le gouvernement à surmonter la crise sociale et dépêche deux envoyés spéciaux pour le « conseiller ». Peu à peu l’activité économique reprend notamment dans l’usine textile de Mahallah après une augmentation de salaire et un changement de direction.. Le 26 février, plusieurs centaines de révoltés déçus par le cours politique tentent de reprendre l’occupation de la place Tahrir pour que le clan Mubarak soit réellement éliminé du pouvoir : la police les en chasse après 6 heures d’affrontement ( des douzaines d’arrestations) Dans le reste du pays les incidents, affrontements, grèves émeutes locales persistent et il est difficile d’en faire le recensement.
IRAK
18 février 2011- Dans tout le pays, manifestations et émeutes contre les autorités centrales et locales pour dénoncer la situation matérielle et politique : au Kurdistan (à Kirkuk et Sulaimaniyah, réprimées par le gouvernement kurde semi-autonome, 9 tués, 47 blessés), à Bassora, à Fallouja, à Kout le 16 février, 2 000 personnes manifestent contre le chômage et pour l’approvisionnement en électricité. Le siège du gouvernement provincial est incendié et la ville en état de siège est coupée de l’extérieur pour empêcher que des renforts ne viennent des environs (3 tués, 50 blessés)... Le 25 février 5 000 manifestent à Bagdad répondant à une appel pour une « révolution de la colère irakienne » prônant la démocratie ; ils tentent d’approcher les bâtiments gouvernementaux et l’ambassade des USA : 15 morts et de nombreuses arrestations. Le premier ministre annonce qu’il ne se représentera pas en …2014 et annonce l’organisation anticipée d’élections régionales.
BAHREÏN
Le conflit « pour la démocratie » se polarise sur la discrimination dont sont victimes les chiites bien que majoritaires (60% de la population) au profit de la minorité sunnite qui détient tous les pouvoirs
16 février 2011 – Trois jours de manifestations à Manama la capitale regroupant jusqu’à 10 000 participants.
17 février 2011 – Les quelques centaines de manifestants qui campent sur la place centrale de Manama sont attaqués de nuit par les blindés et la police qui tirent à la mitrailleuse, d’autres sont sévèrement battus : 6 morts, des centaines de blessés et 60 disparus. . Le 19 février, l’armée se retire laissant le champ libre aux manifestants qui par milliers occupent de nouveau la place. Un replâtrage gouvernemental ne semble guère les satisfaire. Le 22 février, près de 100 000 manifestants se retrouvent sur la place.
YÉMEN
17 février 2011 – 7e jour de manifestations, émeutes, répression dans différentes villes du pays. Aden (1 mort, des dizaines de blessés), Sanaa, la capitale (40 blessés). À Mansoura, des bâtiments administratifs sont envahis et l’immeuble central de la police est assiégé pour faire libérer les détenus. Les étudiants qui manifestent à Sanaa sont attaqués par des progouvernementaux. Les affrontements à Aden font un mort et des blessés.
LIBYE
Des émeutes dans différentes villes du pays notamment à Benghazi (des tués et des blessés) et à Beyda. Le 17 février, des régions de l’Est seraient entrées en dissidence avec la révolte des tribus (41 morts officiels). Une « journée de la colère » rassemble des milliers de personnes à Benghazi où l’immeuble de la radio locale est incendié (25 tués). Deux policiers sont pendus à Al Baïda. Des prisonniers sont tués alors qu’ils tentent de s’évader près de Tripoli. Le 19 février, la répression aurait fait plus de 80 morts. Le 25 février , tout l’est du pays, y compris les principaux champs pétrolifères son « libérés » après de violents combats ( impossible de chiffrer le nombre des victimes). Des troupes improvisées marchent sur Tripoli alors que la dissidence gagne la région au sud de la ville ; mais dans la ville même, les troupes de mercenaires du régime sèment la terreur et une grande confusion règne. Des défections tant dans l’armée que dans les représentants du régime ;des milliers de travailleurs étrangers ( principalement Egyptiens) fuitent vers la Tunisie ; le trust pétrolier italien ENI, principal exploitant ferme les robinets du pétrole et du gaz. Des pressions internationales assorties de menaces d’intervention militaire veulent préserver le pactole pétrolier.
MAROC
Manifestations de solidarité avec la révolte égyptienne le 3 février à Rabat, Fez, Tanger ( pillages dans cette ville). Quelque centaines de participants face à une mobilisation de l’appareil policier. Des troupes sont rappelées des bases du Sahara vers les villes. 40 enseignants tentent de s’immoler par le feu pour protester contre leur licenciement en 2008. Le roi fait un voyage express et secret à Paris pour un entretien avec Sarkozy sur la sécurité. Sur Internet, un « mouvement du 20 février » regroupant près de 10 000 participants appelle à manifester ce jour-là mais cet appel est relativement peu suivi.
JORDANIE
Face à des manifestations d’opposants politiques et à une agitation tribale des Bédouins, le roi a procédé à un changement de gouvernement mais cela n’a nullement fait tomber la tension. Le 18 février, la manifestation pacifique à Aman est attaquée par la police : 8 blessés. Le 25 février 10 000 manifestent de nouveau à Aman demandant la dissolution du Parlement.
KOWEÏT
18/02/2011 – Un millier d’apatrides arabes, les « bidouns » (près de 100 000 sous-citoyens sans aucun droit), manifestent pour être naturalisés à Jahra ; dispersés par la police, 5 blessés.
DJIBOUTI
18/02/2011 – Plusieurs milliers de manifestants demandent la fin du régime présidentiel.. Deux tués, un flic et un manifestant
ARABIE SAOUDITE
18/02/2011 – Grève des immigrés travaillant dans le bâtiment pour les salaires et le paiement des heures supplémentaires.. Des centaines d’opposants ont signé un appel sur Facebook pour un « jour de colère » le 11 mars. Le 23 février, pour avertir des troubles le roi annonce une hausse des salaires des fonctionnaires de 15%, une reconversion des dettes, une aide aux étudiants et aux chômeurs envisageant même un système de sécurité sociale.
La liste s’allonge chaque jour, enrichie à la fois par de nouveaux développements et de nouveaux pays. Parmi ceux-ci, l’Iran, la Syrie, Oman, le Qatar, la Mauritanie et même certains y incluent la Chine. Il est certain, comme nous le soulignons dans l’introduction à cet article que la généralisation des effets de la crise économique et la conjonction de protestations d’ordre économique d’abord, politiques ensuite et des possibilités données par les techniques modernes de communication permettant de dépasser rapidement les localisations tendent à promouvoir une sorte d’internationalisation des résistances là où la domination capitaliste est la plus brutale. Ce n’est pas une question de modèle à copier, mais que l’ensemble des exploités se rend compte que tous unis ils peuvent renverser les pouvoirs apparemment les plus solidement ancrés.