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Le réformisme fait son travail : amener les travailleurs à la défaite. Faisons le nôtre, déboulonner les réformistes !

mardi 16 mai 2023, par Alex, Waraa

Le mouvement contre la réforme des retraites, lancé le 10 janvier par l’intersyndicale a échoué sur toute la ligne. Du moins en ce qui concerne l’unique objectif que cette intersyndicale s’était fixé, annuler cette réforme, sans jamais élargir le combat à aucune des autres revendications sociales et politiques dans le cadre d’une plate-forme du mouvement digne de ce nom. Pourtant tous reconnaissaient que la « colère » des manifestants et grévistes « dépasse largement » la question des retraites.

C’est bien le réformisme, incarné par l’intersyndicale mais aussi par la NUPES et la fausse extrême gauche, qui était à l’oeuvre dans l’organisation de ce mouvement contre la réforme des retraites, et qui, grâce à ce mouvement, a tenté de renforcer sa légitimité comme direction unique de la classe ouvrière.

Les étapes suivantes sont de faire voter les travailleurs pour la gauche aux différentes élections, et surtout de promouvoir le soutien politique des travailleurs à leur bourgeoisie face aux crises financières et aux guerres qui peuvent toucher la France du jour au lendemain.

L’âge de départ à la retraite était secondaire pour l’intersyndicale dans son mouvement, la principale tâche du réformisme, politique ou syndical étant avant tout de maintenir la classe ouvrière sous la tutelle de la bourgeoisie pour l’empêcher d’abord de se diriger elle-même, mais surtout de prendre la direction politique du soulèvement de toutes les classes exploitées contre la grande bourgeoisie, à l’échelle de la métropole, puis à une échelle englobant une colonie comme Mayotte ou comme les Antilles dites « françaises », des ex-colonies françaises comme le Mali, voire « pire » des pays comme le Soudan, partout où les travailleurs sont entrés en lutte récemment.

Du point de vue révolutionnaire qu’est-ce qu’une victoire du prolétariat ?

La révolution de 1905 en Russie apparaissait comme une défaite de la classe ouvrière, en butte à la répression, aux pogroms, à la déportation. Ce fut pourtant une victoire politique car la bourgeoisie "démocratique" avait définitivement perdu la direction des classes exploitées en lutte contre le régime du tsar, en particulier les paysans. C’est le prolétariat qui y est apparu comme le seul dirigeant possible pour la révolution politique (abolition de l’autocratie du tsar), économique et sociale (donner la terre aux paysans). Le prolétariat, malgré la répression et les déportations, avait débarrassé les exploités de la tutelle sociale et politique de la bourgeoisie. C’est la vision du monde, les relations entre les différentes classes sociales, qui avaient changé pour les exploités, même si leur condition économique et sociale avait très peu changé du fait de la révolution.

Or, dans ce mouvement des retraites, c’est justement cette tutelle de la bourgeoisie sur la classe des salariés qui n’a jamais été mise en cause. Même si la réforme avait été annulée, cette tutelle (le fait que les salaires indirects soient gérés par l’Etat) n’aurait pas été contestée par l’intersyndicale ni par la NUPES. L’âge de départ à la retraite est une question importante certes mais technique, car la question fondamentale est : qui en décide. C’est aux travailleurs que revient la direction de leurs caisses de retraites.

Des groupuscules opportunistes : NPA, LO et RP

NPA désigne le Nouveau Parti Anticapitaliste de Besancenot-Poutou, RP le parti Révolution Permanente, LO Lutte Ouvrière.

Intersyndicale et NUPES ne sont pas seuls responsables de cet échec politique du prolétariat en lutte. Les groupuscules qui se disent révolutionnaires le sont aussi. Ils sont capables de répéter en coeur, d’un air solennel : "L’émancipation des travailleurs sera l’ouvre des travailleurs eux-mêmes". Lorsqu’ils reprennent ce mot d’ordre révolutionnaire hérité de la première internationale (AIT : 1864-1872), ces groupuscules ne font que démontrer leur nature opportuniste, c’est-à-dire bourgeoise et réformiste derrière des apparences prolétariennes et révolutionnaires.

Car il faut garder en tête comment le journaliste militant Henri Rochefort forgea ce terme en 1876 : un opportuniste est d’accord pour toute mesure socialiste… dans le futur, et d’autant plus d’accord que ce futur paraît très éloigné. Mais, pour le début de sa mise en oeuvre et de son combat en sa faveur dès aujourd’hui, le moment ne lui semble jamais « opportun ». Pour les opportunistes : l’émancipation des travailleurs « sera » l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes, mais aujourd’hui, l’émancipation des travailleurs « ne peut pas être » l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes !

Des exemples de cela à grande échelle ont été fournis par le mouvement des retraites.

"L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ?" Oui, disent les opportunistes de LO-NPA-RP. Mais "La gestion des caisses de retraites des travailleurs doit être dès aujourd’hui l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ?" Non, répondent ces mêmes opportunistes ! Cette question n’est pas d’actualité dans le mouvement des retraites. Aucune de ces organisations, pas plus que la CGT, SUD, PCF ou LFI, n’a placé cette question à l’ordre du jour. C’est pourtant la forme que prendrait la remise en cause de la tutelle de la bourgeoisie sur les travailleurs dans la question des retraites.

"L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ?" Oui, disent les opportunistes de LO-NPA-RP. Mais toute lutte, dont celle du mouvement des retraites, doit-elle être dirigée par les travailleurs eux-mêmes, en d’autres termes le fait que les travailleur s’émancipent aujourd’hui de la tutelle des agents de la bourgeoisie dans le mouvement ouvrier (les directions syndicales), cette question est-elle à l’ordre du jour ? Non répondent ces opportunistes de pseudo extrême gauche ! Cette question, disent-ils, n’est pas d’actualité dans le mouvement des retraites. Aucune de ces organisations, pas plus que la CGT, SUD ou LFI, n’a placé la question des assemblées de travailleurs souveraines à l’ordre du jour. Et pas davantage la question de l’élection de directions prolétariennes, des comités de grève, par ces assemblées. Et pas davantage la fédération de ces comités en une direction nationale de la classe laborieuse. Ni non plus la mise en place par cette direction d’un programme politique et social devenant la perspective d’avenir du prolétariat et son drapeau pour prendre la tête de toutes les couches sociales révoltées.

"L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux-mêmes ?" Oui disent les opportunistes de LO-NPA-RP. Mais pour s’émanciper de la violence de l’appareil d’Etat ou de ses supplétifs comme les groupes violents d’extrême-droite, faut-il dès aujourd’hui populariser auprès de la classe ouvrière la question du désarmement de la bourgeoisie, qui ne pourra avoir lieu qu’au moyen de l’armement du prolétariat ? Non, le moment n’est pas opportun selon LO-NPA-RP, si l’on s’en tient à ce qu’ils écrivent.

A propos des néo-nazis, N. Arthaud écrivait le 11 mai dernier :

« Apprentis fascistes : l’État ne protégera pas les travailleurs. (...) croire que des interdictions de manifester suffiront à faire disparaître les apprentis fascistes est illusoire : ils ont dans la police, dans l’armée, parmi les cadres de l’État, bien des complicités ou des adeptes. Pour s’en protéger, les travailleurs ne pourront compter que sur eux-mêmes. » La question de l’armement n’est pas posée. Une vague référence à l’auto-organisation, sans aucun contenu concret ne peut avoir qu’un effet démoralisant.

Tout programme de transition est repoussé par LO, NPA et RP

La question des caisses de retraites, de l’auto-défense du prolétariat, font partie de celles qui se posent en permanence, bien avant la révolution, et pour lesquelles depuis le « Manifeste du parti communiste » de Marx et Engels (1847) jusqu’au « Programme de transition » de Trotsky (1938), en passant par « La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer » de Lénine (1917), les révolutionnaires ont toujours défendu des revendications transitoires, compatibles sur le papier avec le capitalisme, mais qui lorsque les travailleurs s’en emparent leur font faire un pas vers la prise du pouvoir.

Le programme fondateur du Parti Ouvrier en 1880 contenait par exemple, dans sa partie politique, l’article « 4. Abolition des armées permanentes et armement général du peuple. », et, dans sa partie économique, « 8. Suppression de toute immixtion des employeurs dans l’administration des caisses ouvrières de secours mutuels, de prévoyance, etc., restituées à la gestion exclusive des ouvriers. » Un autre article, qui permettrait d’entrainer tous les exploités derrière la classe ouvrière était « Abolition de tous les impôts indirects ». A l’heure où plus de la moitié du prix de l’essence consiste en taxes (impôts indirects), cette revendication coïncide avec celle contre l’inflation, la vie chère, la montée de la misère.

NPA-LO-RP : des groupuscules de la démocratie sociale bourgeoise

Les staliniens ont déformé le terme de groupuscule en l’appliquant à toute tendance politique révolutionnaire s’opposant à eux.

Il ne faut pas entendre groupuscule dans le sens de "petit groupe" qu’on pourrait négliger, vu sa taille. Il faut l’entendre dans le sens que Lénine lui donna en 1913, en l’opposant à celui de tendances politiques. Un groupuscule est un petit groupe de militants politiques ou syndicaux qui « n’a donné aucune réponse indépendante et cohérente à aucune question de principe importante de la révolution et de la contre-révolution.  »

Sur une « tendance », Lénine écrit par contre :

On ne peut appeler tendance qu’une somme d’idées politiques qui se sont définies sur toutes les questions essentielles, tant de la révolution que de la contre-révolution, et qui ont démontré leur droit à l’existence en tant que tendance par leur diffusion dans de larges couches de la classe ouvrière.

Au contraire, un groupuscule n’est pas une tendance, car derrière les grands mots, ils pratiquent systématiquement la théorie de la double vérité prônée par Averroès : il est des « vérités » qu’on défend entre politiciens, mais qu’on ne défend pas ouvertement à grande échelle «  dans de larges couches de la classe ouvrière.  »

Une parfaite illustration de cette différence vient d’être donnée par l’organisation française Lutte Ouvrière (LO) de pseudo extrême gauche.

Par exemple la dénonciation des bureaucraties syndicales est une tendance que les révolutionnaires authentiques défendent ouvertement lorsqu’ils s’adressent aux travailleurs. Récemment le porte-parole de LO, J-P Mercier, s’étant vu retirer son mandat de délégué syndical central CGT par l’appareil syndical, s’est lancé dans une dénonciation publique des « bureaucrates de Montreuil », comprenant la défense de la « démocratie syndicale ». Mais c’est un groupuscule qui s’exprimait, par la voix d’un politicien ouvrier qui a perdu son poste. En effet, ni LO ni J-P Mercier ne se sont adressés, lors du mouvement des retraites aux centaines de milliers de travailleurs qui y ont participé ! Des 18 éditoriaux des bulletins d’entreprise publiés par LO depuis le 10 janvier, aucun ne mentionne la question de la « démocratie syndicale » ou des « bureaucrates de Montreuil ». Ainsi LO ne souhaite pas animer une tendance « contre les bureaucrates de Montreuil », ni dans la CGT, ni en dehors.

En 1962, la une de l’hebdomadaire LO proclamait : « Pour une direction révolutionnaire des syndicats ». Dix fois moins nombreux que LO d’aujourd’hui, ce petit groupe agissait en tendance du mouvement ouvrier ; dix fois plus nombreux aujourd’hui ce parti agit en groupuscule.

Des militants du mouvement ouvrier institutionnel

Un des fondateurs en France du réformisme moderne est Millerand, qui fut le premier socialiste à trahir le mouvement socialiste en devenant ministre en 1899. Après son passage au gouvernement, à l’époque où fut créé un « Ministère du travail », il décrivait les institutions idéales de la République sociale dans son ouvrage « Le socialisme réformiste français » ; il prônait la mise en place d’institutions dans les entreprises, à l’image de tous les conseils, délégués du personnel d’aujourd’hui, faisant pièce aux syndicats organisés indépendamment de l’Etat bourgeois : « le moment n’est pas éloigné où l’on se rendra compte qu’il est de l’intérêt général que le monde des travailleurs ne soit pas organisé seulement en dehors de l’usine. Le projet de loi sur le règlement amiable des différends du travail, dont j’ai pris l’initiative, a pour but précisément de substituer à la cohue inorganique des travailleurs de la moyenne et grande industrie livrés dans la guerre — je veux dire la grève — comme dans la paix à tous les entrainements, une organisation méthodique qui fasse des ouvriers de chaque usine un groupe ordonné, représenté par des délégués réguliers, en relation habituelle et normale avec la direction, apte à prendre des résolutions délibérées et réfléchies. L’adoption de son principe servira, en même temps que les intérêts propres des ouvriers, les intérêts, qui en sont inséparables, de la production nationale » Ces discours de Millerand sont le prototype des proclamations des directions syndicales.

Ce sont ces institutions peuplées de « délégués réguliers » qui en complément des institutions de la république bourgeoise (parlement, gouvernement etc) forment la « République sociale » vantée par l’intersyndicale dans ce mouvement. Or les groupuscules NPA, LO et RP agissent en groupuscules entre autres parce qu’ils mettent en avant leurs militants qui occupent ces postes de « délégués réguliers » réservés au ouvriers dans cette République sociale : N. Arthaud s’est fait connaitre comme candidate à l’élection présidentielle, jamais en grève sur son lieu de travail ; J-P Mercier comme délégué syndical central, donc nommé par, et porte parole des directions syndicales. Tout comme Anasse Kazibe de RP : jamais comme élu d’un comité de travailleur quelconque auto-organisé. Ils font le choix de rester des politiciens ouvriers, des « délégués réguliers » à la Millerand.

Le réformisme

Certes l’appareil du réformisme est constitué par les organes de la démocratie sociale : les syndicats sous la tutelle de dirigeants ayant rang de ministre d’un gouvernement bourgeois, le tout adossé sur l’appareil d’Etat bourgeois, sa police et son armée. Mais comme les partis bourgeois, ces directions syndicales ont besoin de retrouver une crédibilité.

A l’approche d’une période de situations sociales critiques, de guerres, quoi de mieux que des « anti-Union sacrée » auto-proclamés se ralliant à ces directions syndicales ? L’extrême gauche, négligeable au point de vue de son poids dans l’appareil réformiste (qui n’est qu’une annexe de l’Etat bourgeois) , joue un rôle de premier plan dans la propagande réformiste, pour lui redonner crédit, en s’auto-proclamant les héritiers et militants du mouvement ouvrier révolutionnaire, tout en effaçant les acquis, et jusqu’aux noms des vrais représentants de ce mouvement.

Evoquant récemment le mouvement ouvrier d’avant 1914, N. Arthaud le jette allègrement dans les poubelles de l’histoire, dénigrant en bloc ses militants : « tous, malgré leurs références à la lutte de classe, ne poussent pas le raisonnement jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la nécessité pour la classe ouvrière de mener la lutte révolutionnaire jusqu’au renversement du pouvoir de la bourgeoisie.  »

Ceci propos s’appliquent donc aux rédacteurs du Programme du Parti ouvrier de 1880 : J. Guesde et P. Lafargue qui l’avaient écrit sous la dictée de K. Marx !

Les trois groupuscules NPA, LO et RP veulent nous faire oublier le mouvement ouvrier français. Ce mouvement avait ses tendances : réformiste (Jaurès), marxistes (P. Lafargue), syndicaliste révolutionnaire (Griffuelhes). Toutes ces tendances ont été confrontées aux questions qui se posent à nouveau : marche à la guerre, révolutions dans les pays dominés par l’impérialisme (Iran 1908, Chine 1911), soulèvement concommittant des paysans et des ouvriers (Russie 1905, France 1906-1907). Le réformisme de Jaurès était celui du mouvement ouvrier, alors que celui de la CGT, de LFI et leurs satellites LO-NPA-RP est le réformisme bourgeois.

La séparation entre tendances réformistes et révolutionnaires ne se fera pas pendant la révolution si elle ne se fait pas avant. Démasquer les politiciens ouvriers déguisés en révolutionnaires, comprendre les vraies tendances du mouvement ouvrier, car elles ont leurs racines dans les différentes classes, défendre une tendance révolutionnaire même minoritaire dès aujourd’hui, c’est la perspective qu’aura pu apporter ce mouvement des retraites s’il permet de démasquer les vrais réformistes, et les faux révolutionnaires !

Et l’enjeu est considérable. La vague des révolutions prolétariennes de 1917-1923, trompée par ses faux amis réformistes qui n’avaient pas été démasqués à temps, a mené au stalinisme (du fait de l’isolement de la révolution russe), au nazisme, au franquisme et à la guerre mondiale alors qu’elle pouvait mener à la transition vers le socialisme.

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