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Euripide, auteur de théâtre tragique, adepte révolutionnaire de la philosophie de Socrate

lundi 4 mars 2024, par Robert Paris

Euripide, auteur de théâtre tragique, adepte révolutionnaire de la philosophie de Socrate

La grec Euripide pourfend la thèse mythique grecque sur la guerre de Troie : « Ici gît un enfant que les Grecs ont tué tant ils en avaient peur. » ("Les Troyennes")

Pièces d’Euripide sur la guerre de Troie :

« Hécube »

« Les Troyennes »

Or ce mythe était un véritable fondement idéologique de la Grèce de son époque…

Il ne s’agit pas seulement de mythes antiques. C’est un théâtre politique qui parle au peuple grec de sa vie présente et intervient dans la situation politique la plus brûlante.

« La tragédie d’Euripide accompagne les événements politiques, elle soulève et discute les problèmes les plus actuels de l’individu et de la société. »

http://otworzksiazke.pl/images/ksiazki/le_theatre_politique_deuripide/le_theatre_politique_deuripide.pdf

Le théâtre d’Euripide était si révolutionnaire que son auteur a dû quitter la ville où sa vie était en péril pour avoir pourfendu au travers d’un grand nombre de pièces tous les mythes athéniens de la gloire et de la guerre. Rappelez-vous le nombre de ses pièces dont les héros n’étaient rien d’autre que les victimes troyennes des massacres des Grecs... Et il ne se gênait pas pour dire que les chefs d’armée de cette guerre tant glorifiée par Homère ne s’étaient pas salis pendant que les simples soldats issus du peuple y étaient morts...

Parmi ses mérites, rappelons que lui seul a osé dire à Athènes que ses mythes étaient mensongers et que son époque soi-disant héroïque n’était que boue et sang, notamment dans la guerre contre les Troyens. Loin de vouloir libérer des femmes grecques enlevées par les Troyens, il montrait dans sa pièce que la guerre visait notamment à transformer en esclaves les femmes troyennes et leurs enfants. Euripide montrait toujours ses textes de théâtre à Socrate. Et cela parce qu’ils étaient entièrement d’accord sur les buts politiques et sociaux, même si Socrate ne pensait pas, contrairement à Euripide, que l’on pouvait transformer la société par le seul théâtre.

N’oublions pas que son ami Euripide traitait Apollon, un des principaux dieux d’Athènes, de "méchant homme", ne se gênait pas pour bafouer Aphrodite et Artémis. Et Euripide reflétait ainsi le point de vue de Socrate, puisqu’ils discutaient ensemble, dans les détails, chaque pièce de théâtre, avant qu’elle ne soit représentée.

Euripide écrit que « Puisque les dieux font des choses laides, commettent des actions basses, ce ne sont pas des dieux ! »

De la ville de Troie, « conquise », il disait :
« Le Scamandre retentit des lamentai ions des captives à qui le sort vient d’assigner un maître. Les unes sont échues aux Arcadiens, les autres aux Thessaliens, d’autres aux fils de Thésée (06) rois d’Athènes. Celles des Troyennes qui n’ont pas été tirées au sort sont dans cette tente, réservées aux chefs de l’armée ; la fille de Tyndare, Hélène, est avec elles, et c’est avec justice qu’on la compte parmi les captives. Là, s’offre à tous les regards l’infortunée Hécube ; prosternée à l’entrée de la tente, elle verse des larmes abondantes sur la perte de tout ce qui lui fut cher. Sa fille Polyxène vient d’ être immolée sur le tombeau d’Achille, à l’insu de sa mère ; Priam n’est plus, ses enfants ne sont plus ; et celle dont Apollon respecta la virginité, Cassandre, qu’inspire l’esprit prophétique, Agamemnon, au mépris du dieu et par une violence impie, la contraint de s’unira lui par une alliance clandestine. Adieu, ville jadis florissante ; adieu, superbes remparts ; si Minerve, fille de Jupiter, n’eût voulu votre ruine, vous seriez encore debout. » (Les Troyennes)

La thèse héroïque d’Homère est ainsi transformée par Euripide :

« Un général prétendu sage sacrifie à ses ennemis ce qu’il a de plus cher, les jouissances de la tendresse, ses enfants, qu’il livre à son frère pour une infidèle qui n’a point été ravie par force, mais s’est donnée elle-même à son amant. » (Les Troyennes)

Euripide rapporte par le menu comment chaque Troyenne devient l’esclave sexuelle d’un des chefs de l’armée grecque qui ont tué, pillé, détruit et assassiné les Troyens.

« Chefs des cohortes, rassemblés pour embraser la ville de Priam, ne conservez plus dans vos mains la flamme inactive, lancez, les torches ardentes, afin qu’après avoir renversé Ilion de fond en comble, nous retournions pleins de joie dans notre patrie. Et vous, filles des Troyens, pour dire la même chose d’une double manière, dès que les chefs de l’armée feront entendre le son éclatant de la trompette, rendez- vous aux vaisseaux qui doivent vous transporter en Grèce. »

Euripide donne la parole aux victimes troyennes :

« Il ne faut pas que les souverains donnent des ordres injustes ; qu’ils ne pensent pas que leur prospérité soit inaltérable. Moi-même j’étais autrefois ; à présent je ne suis plus. Tout mon bonheur, un jour me l’a ravi. O toi que je supplie, respecte ma vieillesse, aie pitié de moi : retourne vers l’armée des Grecs, représente-leur combien il est odieux d’égorger des femmes que vous avez épargnées d’abord, en les arrachant au pied des autels, et dont vous avez eu pitié. Chez vous, la loi qui punit le meurtre est égale pour l’homme libre et pour l’esclave. »
(Hécube)

« Un général prétendu sage sacrifie à ses ennemis ce qu’il a de plus cher, les jouissances de la tendresse, ses enfants, qu’il livre à son frère pour une infidèle qui n’a point été ravie par force, mais s’est donnée elle-même à son amant. Arrivés aux bords du Scamandre, ils y trouvent la mort sans avoir perdu leur terre natale, sans être bannis des murs de leur patrie. Ceux que Mars a moissonnés n’ont pas revu leurs enfants ; les mains de leurs épouses ne les ont pas enveloppés des voiles funèbres, et ils sont restés couchés sur la terre étrangère. Mêmes désastres dans leurs foyers domestiques : les femmes y mouraient veuves des pères privés de leurs enfants, qu’ils ont élevés pour autrui. Il n’est personne qui fasse couler sur leur tombeau le sang des victimes. Certes voilà une expédition bien glorieuse ! Que ma muse reste sans voix, plutôt que de célébrer des crimes. Les Troyens, au contraire, sont morts pour leur patrie (ce qui est la plus belle des gloires) ; ceux que le fer a fait périr ont été rapportés dans leurs maisons par leurs amis, ils ont reçu la sépulture sur la terre de leurs pères, des mains de ceux à qui appartenait ce saint devoir. Ceux des Phrygiens qui ne sont pas morts dans les combats ont passé leurs jours au milieu de leurs enfants et de leurs épouses, bonheur refusé aux Grecs. Quant au destin d’Hector, si cruel à tes yeux, écoute ce qu’il en est : il est mort en laissant le renom d’un héros, et c’est à la venue des Grecs qu’il en doit l’honneur. S’ils n’eussent assiégé Troie, sa valeur fût restée inconnue. Pâris a épousé la fille de Jupiter, et sans cet hymen il eût trouvé quelque alliance obscure dans sa patrie. Fuir la guerre est un devoir pour le sage ; mais, lorsqu’il faut la faire, la plus glorieuse couronne pour un État est de mourir avec courage ; mourir lâchement est une honte. Cesse donc, ô ma mère, de déplorer le sort de ta patrie et l’hymen de ta fille ; car cet hymen nous vengera de ceux que nous détestons. »

Euripide rapporte mille exemples des crimes des prétendus dieux révérés :
« Apollon ? Abandonner une fille innocente après l’avoir séduite, et laisser mourir l’enfant dont il est le père ! ah ! cette conduite est indigne de toi ; et puisque tu règnes sur les mortels, sois fidèle à la vertu. Les dieux punissent parmi les hommes ceux dont le cœur est pervers : est-il donc juste que, vous qui avez écrit les lois qui nous gouvernent, vous soyez vous-mêmes les violateurs des lois ? S’il arrivait (chose impossible, je le sais, mais je le suppose), s’il arrivait qu’un jour les hommes vous fissent porter la peine de vos violences et de vos criminelles amours, bientôt toi, Apollon, et Neptune, et Jupiter, roi du ciel, vous seriez contraints de dépouiller vos temples pour payer le prix de vos fautes. En vous livrant à vos passions au mépris de la sagesse, vous êtes coupables. Il n’est plus juste d’accuser les hommes, s’ils imitent les vices des dieux, qui leur donnent de si funestes exemples. » (Ion)

Le théâtre d’Euripide donne systématiquement la parole aux femmes, rapporte leur grande humanité, leur courage, leur dévouement, montre qu’elles ont un plus grand sens des responsabilités que les hommes, en particulier que les guerriers et les chefs.

La Grèce antique de cette époque est celle d’une domination oppressive, militaire et politique, d’Athènes, d’une domination oppressive des hommes sur les femmes, particulièrement méprisées, d’une glorification de la guerre qui donnait sa supériorité à Athènes, d’un mépris pour les peuples écrasés et trainés en esclavage et aussi d’un mépris des riches oisifs pour tous les travailleurs, artisans comme ouvriers ou domestiques. Tout cela est dénoncé par Euripide. Ce dernier est parfaitement en accord sur tous ces points avec son ami Socrate et il défend ainsi publiquement toutes les thèses socratiques sauf une : Socrate n’était pas pour rendre publiques de cette manière ses idées. Il a cependant accepté de discuter et de relire les pièces qu’Euripide rédigeait et des témoins affirment qu’il les a largement influencées.

Euripide montrait toujours ses textes de théâtre à Socrate. Et cela parce qu’ils étaient entièrement d’accord sur les buts politiques et sociaux, même si Socrate ne pensait pas, contrairement à Euripide, que l’on pouvait transformer la société par le seul théâtre.... Socrate aurait souhaité que le peuple se gouverne directement…

Socrate a payé de sa vie son engagement contre les fondements de la domination de la classe dirigeante athénienne. Euripide, lui, a été contraint de quitter Athènes quand sa vie y a été menacée, dénoncé violemment et publiquement pour son engagement, y compris par d’autres auteurs comme Aristophane, l’adversaire déclaré de Socrate. Aristophane accuse Euripide et Socrate d’être des sophistes, coupables par leur discours démoralisateur, d’être les fauteurs du déclin d’Athènes. Il les accuse aussi d’affirmer que les dieux n’existent pas.

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4582

Le critique des dieux

https://journals.openedition.org/philosant/1037

Contre les dieux

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4591

https://fr.wikisource.org/wiki/Auteur:Euripide

Le théâtre révolutionnaire

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article4582

Euripide, parti des femmes

« Médée :
« Entre toutes les créatures vivantes, nous les femmes sommes les plus malheureuses… Les hommes prétendent que nous vivons à l’abri du péril dans nos maisons, tandis qu’eux, ils combattent, lance en main. Mensonges ! J’aimerais mieux, le bouclier au côté, prendre part à trois batailles, plutôt que d’enfanter une seule fois !... » (dans « Médée »)

« Le jour vient où le sexe féminin sera honoré ; une renommée injurieuse ne pèsera plus sur les femmes. » (dans « Médée »)

Le chœur des Corinthiennes :
« Notre condition féminine, par un retour de l’opinion publique, acquerra renom et gloire. Voici venir l’heure du prestige pour le sexe féminin. » (dans « Médée »)

Médée s’adressant au Chœur des femmes de Corinthe.

« Une femme d’ordinaire est pleine de crainte, lâche au combat et à la vue du fer ; mais quand on attente aux droits de ses enfants, il n’y a pas d’âme plus altérée de sang. »

« Ah ! il faudrait que les mortels pussent avoir des enfants par quelque autre moyen, sans qu’existât la gent féminine ; alors il n’y aurait plus de maux chez les hommes. » (Médée)

« Le chœur : C’est une chose terrible pour les femmes d’enfanter avec douleur, et pourtant toute la race des femmes aime ses enfants. »

https://fr.wikisource.org/wiki/M%C3%A8d%C3%A9ia

Dans « Andromaque » :

« Ce n’est pas la beauté de la femme qui ensorcelle, mais sa noblesse. »

« D’abord une femme, qu’elle soit innocente ou coupable, s’expose à la médisance par cela seul qu’elle ne reste pas à la maison : je m’interdis même le désir d’en sortir, et me renfermai dans ma demeure. »

https://fr.wikisource.org/wiki/Trag%C3%A9dies_(Euripide)/Traduction_Artaud/Andromaque

Euripide, dans « Les Phonissiennes » :

« Il n’y a pire mal qu’une mauvaise femme, mais rien n’est comparable à une femme qui est bonne. »

« Il n’est pas honnête qu’un seul homme tienne deux femmes sous ses lois. »

« De tout ce qui respire et qui a conscience
il n’est rien qui soit plus à plaindre que nous, les femmes.
D’abord nous devons faire enchère
et nous acheter un mari, qui sera maître de notre corps,
malheur plus onéreux que le prix qui le paie.
Car notre plus grand risque est là : l’acquis est-il bon ou mauvais ?
Se séparer de son mari, c’est se déshonorer,
et le refuser est interdit aux femmes.
Entrant dans un monde inconnu, dans de nouvelles lois,
dont la maison natale n’a rien pu lui apprendre,
une fille doit deviner l’art d’en user avec son compagnon de lit.
Si elle y parvient à grand’peine,
s’il accepte la vie commune en portant de bon cœur le joug avec elle,
elle vivra digne d’envie. Sinon, la mort est préférable.
Car un homme, quand son foyer lui donne la nausée,
n’a qu’à s’en aller, pour dissiper son ennui,
vers un ami ou quelqu’un de son âge.
Nous ne pouvons tourner les yeux que vers un être unique.
Et puis l’on dit que nous menons dans nos maisons
une vie sans danger, tandis qu’eux vont se battre !
Mauvaise raison : j’aimerais mieux monter trois fois en ligne
que mettre au monde un seul enfant ! »

https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Phoinissiennes

Euripide, « Alceste »

« Ayant mis à l’épreuve tous ses amis, et son père, et la vieille mère qui l’a enfanté, il n’a trouvé personne, excepté sa femme, qui voulût mourir pour lui, et ne plus voir la lumière. »

https://fr.wikisource.org/wiki/Alk%C3%A8stis

Euripide, dans « Andromaque » :

« Cependant le mari et la femme ont les mêmes droits… »

https://fr.wikisource.org/wiki/Trag%C3%A9dies_(Euripide)/Traduction_Artaud/Andromaque

Euripide, dans « Les Bacchantes » :

« Tu as raison : ce n’est pas par la force qu’il faut vaincre les femmes. »

https://remacle.org/bloodwolf/tragediens/euripide/bacchantes.htm

Euripide, dans « Electre » :

« Un frère et une sœur, un homme et une femme n’ont point le pied égal : et le mâle l’emporte ! »

https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89lectre_(Euripide,_trad._Herold)

Euripide, défenseur des femmes

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5409

https://journals.openedition.org/siecles/1503

https://www.persee.fr/doc/palla_0031-0387_1985_num_32_1_1160

Aristophane, l’adversaire politique des féministes révolutionnaires Euripide et Socrate

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article782
https://remacle.org/bloodwolf/comediens/Aristophane/femmes.htm

https://www.persee.fr/doc/keryl_1275-6229_2000_act_10_1_1017

Socrate, le philosophe le plus proche d’Euripide

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article5991

https://www.matierevolution.fr/spip.php?article2085

Qui était Euripide

https://fr.wikipedia.org/wiki/Euripide

Les tragédies d’Euripide :

http://remacle.org/bloodwolf/tragediens/euripide/Euripide1.htm#ligne

Euripide fut longtemps incompris de ses contemporains, que déroutaient l’originalité, l’esprit « révolutionnaire » de ses tragédies, irrespectueuses des dieux, des valeurs morales traditionnelles, et des règles du genre.

http://lesdieux.fr/auteur/euripide.html

Le sens laïc et révolutionnaire des lamentations des Troyennes d’Euripide

https://www.lemonde.fr/archives/article/1961/06/21/les-troyennes-d-euripide-par-la-compagnie-de-jean-tasso-au-festival-d-arras_2281690_1819218.html

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