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Luttes de classes en Equateur

mardi 17 juillet 2012, par Robert Paris

Luttes de classes en Equateur

L’Équateur, comme le Brésil, la Bolivie, ou le Venezuela, a été touché par une montée des masses puissante qui a seulement débouché sur des gouvernements apparaissant plus populaires et plus nationalistes mais qui ne l’étaient pas en réalité. Voyons comment cela s’est traduit en Equateur...

En 1979 commence la transition démocratique mettant fin à la période des dictatures militaires, mais sacralisant comme dans de nombreux pays latino-américains l’économie de marché, tandis que le mouvement indigène luttant contre le néo-colonialisme des gouvernements néo-libéraux successifs naissait péniblement. Ce n’est en effet qu’en 1996 qu’un Indien passe pour la première fois le seuil de l’Assemblée nationale. En 1997, le président populiste Abdala Bucaram est officiellement destitué pour « incapacité mentale » par l’Assemblée. En réalité les 3 mois de manifestations monstres contre l’augmentation de 300 % de la hausse des tarifs en vigueur dans les services publics a fortement accéléré la dégénérescence d’un pouvoir qui pêchait encore davantage par incapacité sociale… Beau symbole que ce soulèvement des travailleurs équatoriens précédant de quelques mois la poussée de leurs frères vénézueliens qui a permis à Chavez de se hisser au sommet du pouvoir ! C’est dans ces années décisives que le rapport de force social est passé en faveur des nôtres dans ce petit pays andin que rien ne prédisposait visiblement à un tel destin.

Un second président, démocrate-chrétien cette fois, Jamil Mahuad, est poussé vers la sortie, en janvier 2000, par un soulèvement indigène organisé par la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (Conaie). Faute de débouché politique issu du mouvement social, le pouvoir passe pour un temps à des cercles proches de l’armée qui joue, en Équateur comme ailleurs dans le sous-continent, son rôle traditionnel de béquille bonapartiste suppléant aux manquements d’une bourgeoisie débile. Les années 2000-2001 sont caractérisées par un renforcement des antagonismes sociaux sur fond de politique d’austérité et de renforcement de la Conaie. Lucio Gutierrez, proche des militaires putschistes qui avaient remercié Mahuad en 2000, l’emporte largement sur le milliardaire et magnat de la banane Alvaro Noboa fin 2002. Mais le pouvoir bonapartiste est toujours suspendu en l’air, dénué qu’il est de tout soutien social, les possédants ne se résolvant pas à quitter les jupons de l’impérialisme pour embrasser la voie nationale promue par l’armée et le peuple s’opposant à la politique antidémocratique et socialement conservatrice de cette dernière. L’année 2005 est l’année de la rupture définitive avec l’ordre des choses. En avril, les millions de manifestants réclamant derrière leurs syndicats la démission de Gutierrez obtiennent gain de cause et, en août, les habitants des provinces pétrolifères de l’Amazonie équatorienne occupent 200 puits de pétrole en réclamant l’annulation des concessions accordées par feu Gutierrez aux compagnies américaines, brésiliennes et espagnoles, le désenclavement de la région, ainsi que l’emploi de la main-d’œuvre indigène locale en prise aux firmes occidentales. Le pouvoir transitoire mis en place après la destitution de Lucio Gutierrez ne peut contenir la montée des masses équatoriennes qui trouvent enfin un débouché politique à leur revendication en la personne de Rafael Correa.

Le candidat de gauche proche de Chavez écrase le milliardaire et looser récidiviste Noboa en novembre 2006. Il n’y a décidément plus de place pour l’impérialisme US et pour ses valets compradors en Équateur ! Mais la droite garde des positions dans l’appareil d’État et se décide en mars 2007 à affronter un pouvoir encore fragile. Le tribunal électoral suprême, cible de l’agression, riposte en invalidant l’élection des 52 députés d’opposition qui avaient voté la destitution de son chef. C’est le moment que choisit Correa pour en appeler au peuple. Le président comptant sur le soutien des travailleurs ne s’attendait probablement pas à un tel raz-de-marée : 78 % des électeurs se disent favorables à la convocation d’une Assemblée constituante ayant pour mandat de rédiger une constitution démocratique pour l’Équateur… C’est la biennale de tous les succès : le parti de Correa obtient la majorité absolue aux élections de septembre 2007, une constitution socialisante est adoptée exactement un an après et Correa est réélu triomphalement, dès le 1er tour, au printemps 2009. Renforcé par ce soutien populaire quasi unanime, Correa annonce en juin l’adhésion de son pays à « l’Alternative bolivarienne pour les Amériques » patronnée par un certain Hugo Chavez.

Le scénario qui a si bien fonctionné au Venezuela, puis en Bolivie, se répète en Équateur. Déjà, en Bolivie, l’action indépendante des masses avait réussi à acculer deux président à la démission et avait contraint un troisième à appeler à des élections anticipées. Déjà en Bolivie comme au Venezuela, le mot d’ordre de nationalisation des hydrocarbures avait réveillé un mouvement social commotionné par les sales coups libéraux qui s’étaient abattus sur le pays. De même, sur l’autre versant des Andes, le combat pour un Constituante et pour la prise en compte des revendications indigènes avait été un vecteur de radicalisation sociale. Mais, c’est là que la bât blesse, car les résistances des forces barbares du passé ont elle-aussi été ravivées par le processus en cours. Le scénario bolivarien se répète donc en Équateur, mais, pas plus qu’ailleurs, il n’est à l’eau-de-rose, loin s’en faut ! A l’instar des événements qui se sont déroulés chez les autres membres de l’Alba que sont le Venezuela, la Bolivie, mais aussi le Honduras, la montée des masses et la radicalisation politique qu’elle a suscitée ne pouvaient laisser de marbre les classes dirigeantes.
Les possédants, qui s’étaient vautrés dans le mol oreiller de la tutelle nord-américaine, ont été contraints à se refaire une éducation politique à vitesse grand V, au risque de tout perdre. Finis les délices de Capoue, finie la sereine jouissance à l’ombre du grand frère américain ! Il fallait agir. Et les échecs des 1ères années n’ont fait que mieux tremper les nouvelles générations de Versaillais. Les succès de leurs frères d’arme honduriens et le net soutien de l’impérialisme US à toute tentative de déstabilisation « anti-chaviste » ne pouvaient qu’encourager les apprentis putschistes dans leur fuite en avant, tout comme la valse hésitation « démocratique » qu’entreprend le président Correa, dès lors qu’il s’agit de pousser plus avant le processus révolutionnaire. Chaque pause dans la « révolution citoyenne » renforçait la résolution des golpistes en herbe. De nouveau, le temps jouait en faveur des forces réactionnaires. L’Équateur est entré une phase -plus aiguë, mais plus incertaine- de la lutte des classes le 30 septembre dernier, le jour où les forces de police hostiles à Correa ont décidé de rompre le câble qui les liait encore au régime. Cette tentative de déstabilisation du gouvernement équatorien légitime, ressemblant à s’y méprendre au coup d’État contre Chavez en 2002 et rappelant le golpe qui a fait chuter Zelaya au Honduras, fera très prochainement l’objet d’un nouvel article sur notre site. Jean-François Claudon

Un article de Robert Paris en 2005

Équateur en 1993-99 : La révolte des paysans indiens

Comme la Bolivie, ce pays andin de 12 millions d’habitants est riche en hydrocarbures et sa population est pauvre. Le gaz et le pétrole ne profitent qu’aux trusts américains et à la bourgeoisie comprador. L’Équateur est le 5ème plus grand producteur de pétrole enAmérique latine, avec une production de 541000 barils de brut parjour, dont 201000 provenant de la société d’État PetroEcuador et le reste des sociétés étrangères. Le pétrole est le principal produit exporté de l’Équateur et a rapporté 3,9 milliards de dollars en 2004 mais la population n’en a pas vu l’ombre. Dans ce pays, en 1999 plus de 60% des 12 millions d’habitants vivaient en dessous du seuil de pauvreté et le chômage dépassait 50%. Selon la revue économique Econoticias du 26 mars 2003 : « Pour l’exportation du gaz vers les USA, pour chaque dollar qui revient à l’État et aux régions, les entreprises étrangères reçoivent 20 dollars. » La crise économique équatorienne des années 90 frappe particulièrement les masses paysannes et indiennes. Selon le Monde Diplomatique d’avril 2005 les Indiens sont « 5 millions sur une population totale de 13 millions. (..) Leur situation économique et sociale demeure catastrophique et (..) 80 à 90% dispose de moins de 2 euros par jour. »

La principale organisation indienne, La CONAIE, Confédération des nationalités indigènes d’Equateur, est une organisation rurale aux revendications essentiellement identitaires. Son bras politique est un parti prônant l’autonomie indienne appelé Pachakutif. Un très grand nombre d’autres formes d’organisation existent parmi les masses indiennes : coordination des mouvements sociaux, fédération évangélique indigène, confédération des associations de quartiers de l’Equateur... De marche en mobilisation, les organisations indiennes ont obtenu une reconnaissance légale, certains de leurs droits à la terre et un accès au pouvoir politique.

Suite à la grève générale du 7 février 1997, le président Bucaram est destitué. En 1998, Jamil Mahuad est élu président. Il est à la fois sous la pression du mouvement populaire face à qui il s’affirme contre la dollarisation de l’économie, et de la bourgeoisie bancaire et agro-industrielle qui lui impose de sauver les banques privées, quitte à couler les revenus de l’État. Il est particulièrement sous la pression de la haute bourgeoisie de Guayaquil, laquelle joue un rôle équivalent de celle de Santa Cruz en Bolivie, celle d’une aile de droite radicale exigeant de faire davantage payer la population, quitte à réprimer, menaçant sinon d’organiser son autonomie.


2000 : Les Indiens abattent le pouvoir puis le reconstituent

La crise économique ne cesse de s’aggraver, frappant particulièrement les plus pauvres : la population en dessous du seuil de pauvreté passe de 12% en 1995 à 21% en 1999 (et 77% dans la population rurale) alors que les prix augmentent de 52% par an (contre 22,9% en 95). Une vingtaine de banques font faillite entre 98 et 99. Le 9 juillet 1999 une grève des transports éclate contre la hausse des prix des carburants, mouvement qui paralyse le pays pendant quinze jours. Une occupation symbolique et pacifique de la capitale à l’appel de la CONAIE est violemment réprimée (17 blessés par balles, 561 arrestations). Devant la chute de la monnaie de 197% et sous la pression de la bourgeoisie, le président Mahuad se résout finalement le 9 janvier 2000 à annoncer la dollarisation, en même temps qu’un nouveau gel des avoirs bancaires des particuliers. Les masses indiennes contestent la politique du président Jamil Mahuad de dollarisation de l’économie qui accroît la dépendance vis-à-vis des USA, des prix du pétrole et des investissements étrangers, ne sauvant, momentanément, que l’oligarchie bancaire. Avec la dollarisation, le pouvoir d’achat s’effondre car le sucre, monnaie nationale, est porté au taux de 25.000 sucres pour un dollar contre 20.000 juste avant et 5700 en 1998. Censée bloquer l’inflation, cette mesure ne ralentit même pas sa croissance puisqu’elle atteint 91% fin 2000. « La dollarisation de l’économie équatorienne a détruit l’économie paysanne » écrit Le Monde du 23 août 2005 et la chute du prix de la banane y a provoqué un recul catastrophique du niveau de vie des paysans équatoriens. L’Equateur est passé en 2000, du 72ème rang mondial au 91ème pour le niveau de pauvreté, selon le rapport du PNUD.

Le 9 janvier, un appel à la grève générale est lancé. Le président décrète l’État d’urgence. Le 11 janvier, un « parlement des peuples indigènes » est proclamé, qui dénonce les politiques gouvernementales comme la dollarisation de l’économie ou les privatisations. Il formulait ainsi ses objectifs : « une économie mixte de marché solidaire auquel participent les patrons privés en respectant leur responsabilité sociale, éthique et environnementale. » Le 16 janvier 2000, une marche massive des Indiens afflue sur la capitale Quito qu’elle occupe complètement du 19 au 21 janvier. C’est à cette date qu’un groupe de jeunes officiers conduits par le colonel Lucio Guttierrez, déclare soutenir les Indiens. Les organisations indiennes sans appeler les soldats à se solidariser d’elles, ont conclu un pacte avec une partie de l’appareil militaire du colonel Guttierrez. Celui-ci déclarait être parfaitement capable de manoeuvrer les dirigeants indiens : « notre relation avec eux remonte à de nombreuses années. Depuis nous avons constamment travaillé avec cette classe... spécialement la classe indigène. » Il forme une junte de salut national avec un ex-président de la Cour suprême et Antonio Vargas président de la CONAIE. Le palais du congrès est occupé. Les généraux tentent un coup d’état qui destitue Mahuad le 21 janvier mais échoue le 22 du fait de la mutinerie d’une partie des officiers.
Le soulèvement en masse, occupant la capitale Quito, a mis à bas le régime en trois jours mais les organisations indiennes n’ont pas pris le pouvoir. Syndicalistes paysans et indigénistes, aussi réformistes les uns que les autres n’ont eu de cesse que de le remettre au colonel Lucio Guttierez, sous prétexte que celui-ci avait pris la tête de la mutinerie. Cette opération s’est faite avec la bénédiction de tous ses dirigeants, y compris ceux du PCMLE, maoïste.

Les dirigeants militaires qui accèdent au pouvoir font appel immédiatement à des politiciens connus comme les pires représentants de la bourgeoisie. Cela n’empêche pas ces leaders de mouvements paysans, indigénistes et associatifs (y compris les maoïstes) d’accepter des postes de ministres et de se discréditer. Quant à la haute bourgeoisie, elle poursuit ses pressions sur ce nouveau pouvoir comme elle l’avait fait avec les précédents. Celle de Guayaquil organise un référendum d’autonomie de la province.
2005 : révolte et occupation des puits de pétrole.

En avril 2005, le président Guttierrez est à son tour contesté. Ayant traité de « hors-la-loi » les 5000 manifestants qui le conspuaient le 13 avril par un concert de casseroles devant son domicile, le mouvement décide de s’appeler lui-même « la rébellion des hors-la-loi ». Du 14 au 21 avril les masses équatoriennes exaspérées occupent la capitale Quito aux cris de « Lucio dehors ! Qu’ils s’en aillent tous ! ». Devant son incapacité à imposer l’état d’urgence, le président Lucio Guttierrez démissionne le 20 avril. Encerclé par les manifestants, il s’enfuit en hélicoptère et donne le pouvoir au président Alfredo Palacio. C’est le troisième président à chuter en huit ans.

Le 14 août, les habitants équatoriens de deux provinces pétrolières les plus pauvres du Nord-Est du pays, Sucumbios et Orellana, coupent les routes et occupent deux aéroports et 200 puits de pétrole. Ils sont suivis à partir du 15 août par la grève des salariés du pétrole qui bloquent la production et la livraison et exigent que l’État renégocie les contrats de vente du pétrole avec les compagnies pétrolières. La bourgeoisie est prise à la gorge, le pétrole équatorien ne sortant quasiment plus du pays. Les livraisons de brut aux USA (dont l’Équateur est le cinquième fournisseur mondial) sont complètement interrompues. Pendant douze jours à partir du lundi 15 août les habitants et salariés de deux provinces d’Amazonie bloquent les puits malgré les attaques des forces de répression et l’état d’urgence décrété par le gouvernement. La production pétrolière équatorienne chute de 200.000 à 10.000 barils/jour. Le journal Le Monde du 23 août écrit « Les habitants de ces régions pétrolières se sentent des laissés-pour-compte de l’exploitation de l’or noir qui fournit le quart du PIB du pays mais les maintient dans la misère ».

Les grévistes et les habitants revendiquent notamment que l’argent revienne davantage aux régions, qu’il crée des emplois, permette de faire fonctionner les services publics et de construire 200 km de routes et autres infrastructures. La nationalisation sans indemnité des hydrocarbures est au centre d’un ensemble de revendications concernant le développement économique, la défense des services publics, la défense des travailleurs et des peuples ainsi que les revendications démocratiques (réforme agraire, question indienne...). Les manifestants scandent « des routes et des emplois » et réclament que l’État renégocie avec les compagnies. Ils s’attaquent en particulier au trust Occidental Petroleum (Oxy) qui paie 12 dollars le baril vendu sur le marché au prix de 60 dollars !

Pour arrêter la grève et l’occupation des puits, le président Alfredo Palacio fait donner l’armée et décrète l’état d’urgence contre ceux qui occupaient les puits, blessant des centaines de travailleurs, procédant à de nombreuses arrestations. Les manifestants et les grévistes n’ont pas cédé à l’état d’urgence. Le gouvernement a repris le contrôle plus tard, le 18 août, après avoir annoncé qu’il donnerait l’ordre aux soldats de tirer. Ainsi il est parvenu à mettre en place un simulacre de négociation avec l’aide des responsables des provinces qui avaient participé au mouvement, sans pouvoir pour autant faire reprendre la production et la livraison de pétrole. L’oléoduc est dynamité, les pompes et installations pétrolières endommagées et les locaux des compagnies pétrolières dévastées.

Les manifestants équatoriens ont seulement obtenu que soient transférés aux autorités locales une partie des impôts payés par les compagnies pétrolières, ainsi qu’un engagement de celles-ci de développer les infrastructures régionales. Autrement dit, une miette.
Quelles perspectives pour les travailleurs et les populations pauvres de Bolivie et d’Equateur ?

L’énoncé de cette série de batailles sans véritable victoire pour les travailleurs peut sembler décourageante. Cela fait six ans que la révolte gronde en Bolivie et en Equateur, avec toute une série de mobilisations contre la misère, contre les gouvernements successifs, contre l’impérialisme et contre la classe dirigeante qui lui est liée. Six ans que les travailleurs relancent la lutte, redonnent du poids à leurs organisations discréditées par les compromissions de leurs leaders, font reculer les classes dirigeantes et tomber les gouvernants. Et six ans que les directions, syndicales et politiques des masses ouvrières, indiennes et paysannes sauvent les classes dirigeantes, en se contentant de changements de gouvernements, en lanternant les travailleurs et en dévoyant leur lutte.

Au vu des efforts, des sacrifices consentis, les résultats semblent relativement minimes. Mais le bilan ne se résume pas à ce seul constat. Les travailleurs ne sont pas pour autant gagnés par le découragement. Au contraire : de 2000 à 2003 et de 2003 à 2005 dans ces deux pays, la mobilisation et la participation massive de la classe ouvrière, n’a cessé de s’amplifier. De nouvelles générations de travailleurs et de militants se sont formées au travers de ces expériences.

Une partie de la bourgeoisie, de ses hommes politiques et des dirigeants de l’impérialisme US, semblent avoir perçu le danger. Dans les événements récents, ils ont en conséquence fait pression pour éviter un affrontement décisif. Celui-ci ne peut cependant être éternellement différé. La plus grande menace dans l’immédiat restant toutefois que le mouvement populaire soit dévoyé, divisé ou trompé par la démagogie de militaires radicaux et nationalistes, ou par les illusions semées par des leaders réformistes comme Evo Morales.
Pour ne pas en rester aux « solutions » trompeuses du passé, la classe ouvrière doit développer sa propre politique. Il ne s’agit pas seulement d’être l’aile marchante de la mobilisation de toutes les couches sociales opprimées. Il faut aussi qu’elle soit organisée en tant que classe, c’est-à-dire de manière indépendante. Dans les quartiers certes, mais aussi et surtout dans les usines, les mines, les puits de pétrole ou les bureaux. En même temps qu’elle met en avant des revendications de tous les opprimés (la réforme agraire, les droits des Indiens, le contrôle des richesses par la population), il faut aussi qu’elle mette sur pied ses comités de mobilisation, qu’elle en fasse des embryons d’un nouveau pouvoir et défende ses propres objectifs. Un pouvoir par lequel les travailleurs contrôleront que les principales richesses produites dans le pays ne soient pas à nouveau accaparées par les classes dirigeantes.

Sur la question des hydrocarbures, revendication qui unifie la lutte, comme sur toutes les autres questions, les travailleurs doivent avoir des objectifs qui les distinguent des directions réformistes bourgeoises et petites bourgeoises. La nationalisation ne suffit pas, même si elle est assortie de l’absence d’indemnisation. La bourgeoisie impérialiste a mille moyens de se faire indemniser en faisant payer la population. L’objectif doit être la socialisation des richesses et non seulement leur nationalisation. Cela suppose que les travailleurs organisent eux-mêmes le contrôle de la production, de la distribution des hydrocarbures mais aussi de toute l’économie.

Mettre seulement en avant des aspirations générales démocratiques, c’est noyer les travailleurs dans la masse des opprimés des campagnes. C’est risquer qu’à nouveau, les revendications immédiates du mouvement, y compris celles des paysans et des Indiens, soient renvoyées aux calendes grecques, ou plutôt boliviennes et équatoriennes !
14 octobre 2005

En 2008, le président Rafael Correa avait déjà forcé à la démission le chef du renseignement militaire et d’autres officiers importants de l’armée, les accusant de faire preuve de davantage de loyauté envers les États-Unis que l’Équateur.

La crise politique a commencé lorsque les mutins ont bloqué les routes principales de la capitale, Quito, et l’aéroport international de Mariscal Sucre. Les mutins se sont également emparés du Parlement dans la journée du 30 septembre 2010.

Après avoir été attaqué par la police, le président Rafael Correa fut transporté à l’hôpital, où il fut détenu plusieurs heures par les rebelles, avant d’être finalement libéré dans la soirée par les forces armées. L’opération de sauvetage fut diffusée en direct sur la télévision d’État. Il déclara par la suite l’état d’urgence, accusant l’opposition d’être à l’origine de cette rébellion, qualifiée de putsch. Des combats opposent dans les rues de la capitale les mutins à environ 500 soldats, restés fidèles au président. Une fois la rébellion réprimée, Rafael Correa fut emmené au palais présidentiel où il tint un « discours enflammé » afin de remercier les forces armées et le public qui l’avait soutenu. Il remercia également l’UNASUR et les autres pays d’Amérique latine qui l’ont soutenu lors de la tentative de putsch.

Le jour suivant, le 1er octobre 2010, la situation revint à la normale dans l’ensemble du pays. Rafael Correa déclara un deuil national de 3 jours en commémoration, l’état d’urgence ayant été levé le 5 octobre 2010. Le gouvernement équatorien publia également un bilan humain sur les événements du 30 septembre : 5 morts et 193 blessés. Un nouveau bilan publié le 2 octobre 2010 fait état de 10 morts (5 civils, 3 soldats et 2 policiers) et de 274 blessés dans les affrontements.
Rafael Correa critiqua également les mutins : « Comment peuvent-t-ils se dire être de la police après avoir agi comme cela contre le peuple ? ». Il déclara qu’il n’y aurait pas de négociations et d’immunité pour les organisateurs du « coup d’État ». Il termina son discours en déclarant : « l’Histoire les jugera » et « Avec du courage, nous ferons en sorte que la révolution de nos citoyens ne sera arrêtée par rien. Jusqu’à la victoire, toujours ! »

Certains observateurs relativisaient toutefois ces accusations de coup d’Etat, tandis que Página/12, le quotidien argentin de gauche, titrait le 6 octobre : « Sans aucun doute il s’agissait d’une tentative putschiste ». Le Washington Office on Latin America, un think-tank libéral, déclarait pour sa part que s’il s’agissait d’un coup d’Etat, celui-ci faisait preuve d’un « amateurisme » certain. Jaime Nebot, maire de Guayaquil et l’adversaire le plus important de Correa, l’aurait publiquement soutenu pendant la crise, de même que le général des forces armées, Ernesto Gonzalez.

Le 5 octobre 2010, le gouvernement a annoncé l’augmentation du salaire de la police et des forces armées (le salaire d’un policier équatorien étant estimé à 700 dollars par mois). La loi votée le 29 septembre 2010 ne fut pas promulguée. Le ministre de la Défense, Javier Ponce, a déclaré que cette augmentation salariale était prévue bien avant la mutinerie mais n’avait pas encore été appliquée.
Par ailleurs, le général Freddy Martinez, chef de la police nationale, démissionna, se déclarant humilié par l’insubordination de ses troupes, et fut remplacé par le général Patricio Franco, chargé de réformer la police.

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Un compte rendu syndical sur la situation des travailleurs d’Equateur

Las violations des droits syndicaux dans les plantations bananières ont continué, avec le licenciement de 26 militants syndicaux. La réponse à l’exercice de l’activité syndicale dans les secteurs bananier et de la floriculture a été la répression des syndicats. Le président d’une confédération syndicale nationale a reçu des menaces en raison de ses activités syndicales.
Libertés syndicales en droit

La Constitution et le Code du travail octroient à la plupart des travailleurs le droit de former des syndicats, à l’exception des employés de la police et du secteur public dans les entités non génératrices de revenus.

Obstacles à la formation de syndicats : Dans le secteur public, pour pouvoir présenter une liste de revendications ou négocier une convention collective, les travailleurs doivent créer un comité central unique représentant plus de la moitié des effectifs.

Selon leur catégorie, les travailleurs du secteur public sont soumis soit à la loi organique sur la fonction publique et la carrière administrative (LOSCA) soit au Code du travail. Les employés et les cadres relèvent de la LOSCA alors que le Code du travail s’applique aux ouvriers. Les premiers ne peuvent pas s’organiser en associations professionnelles, syndicats ou comités d’entreprise ; les seconds le peuvent, mais seule l’organisation majoritaire a l’exclusivité de la représentation devant les employeurs, système dénommé syndicat unique.

Pour pouvoir former un syndicat, un nombre minimum de 30 travailleurs est requis. Compte tenu du fait que 60% des entreprises équatoriennes emploient moins de 30 travailleurs, près d’un million de travailleurs sont privés de la possibilité de se syndiquer. Les travailleurs doivent être de nationalité équatorienne pour siéger au comité exécutif d’un syndicat.

Si les travailleurs qui forment un syndicat dans une entreprise représentent moins de 50% des effectifs, des comités d’entreprise doivent être établis. Pour former un comité d’entreprise, il faut l’accord de 50% des effectifs plus une personne. Si le comité d’entreprise a plus de membres que le syndicat, celui-ci n’aura aucun pouvoir sur le lieu de travail.

Droit de grève : Le droit de grève est pratiquement inexistant dans la fonction publique. Seuls les travailleurs couverts par le Code du travail, hormis les exceptions prévues à l’article 35 de la Constitution, peuvent faire grève.

La Constitution stipule qu’il est interdit de paralyser les activités du secteur public. La liste de ces activités inclut l’éducation, la justice, la sécurité sociale, les transports, l’approvisionnement en eau et en électricité et la distribution des carburants, qui ne font pas partie de la définition de l’OIT des services essentiels. En vertu du décret 105 du 7 juin 1967, les contrevenants encourent des peines de prison allant de deux à cinq ans.

Dans le secteur privé, une grève ne peut être déclarée qu’au seul niveau de l’entreprise ou de l’usine. De plus, la loi restreint ce droit pour presque tous les secteurs par un délai de réflexion de 10 jours avant de pouvoir entreprendre l’action de grève, qui pour certains secteurs tels que l’agriculture peut être porté à 20 jours.

La loi interdit aux fédérations et aux confédérations de lancer un mot d’ordre de grève. Les grèves de solidarité et les boycotts sont, en outre, limités à un maximum de trois jours.

Pas de négociation collective dans la fonction publique : Seuls les travailleurs couverts par le Code du travail ont le droit de participer à la négociation collective. En ce qui concerne les travailleurs couverts par la loi de 2004 sur la fonction publique et les carrières administratives, l’article 110 prévoit que les conditions de travail ne seront plus concertées mais imposées. Cette même loi empêche effectivement la majorité des travailleurs des entreprises d’État et de toute entreprise dans laquelle l’État est un actionnaire majoritaire de s’engager dans la négociation collective. Les enseignants ne sont pas autorisés à négocier à l’échelon local ou de l’entreprise mais uniquement à l’échelon national.

La sous-traitante enfin réglementée : Le 31 mai, le projet de loi de réforme du Code du travail a été adopté. Ce texte réglemente la sous-traitance des activités et des services. Par l’adoption de cette loi, un système en vigueur de longue date dans le pays est enfin corrigé ; depuis plus de 30 ans, ces activités existaient et elles se sont aggravées au cours des années quatre-vingt-dix, avec la restriction de la liberté syndicale, l’impossibilité de négocier collectivement, le manque de stabilité de l’emploi, l’absence de salaires décents, équitables et liés à des droits de sécurité sociale. Par ailleurs, le texte permet la mise en place d’un registre de ces entreprises, permettant par là même de les contrôler ; auparavant, elles s’étaient constituées en marge de tout contexte juridique qui les aurait obligées à fonctionner comme des entreprises réglementées et sous la tutelle des organismes compétents. Les centrales syndicales ont joué un rôle prépondérant dans le débat sur le projet de loi, contribuant également à son adoption.
Libertés syndicales dans la pratique

La syndicalisation entravée par les pratiques patronales : La centrale syndicale nationale CEOSL, affiliée à la CSI, indique que dans plus de 90% des entreprises privées où un syndicat est présent, la direction essaie d’en diminuer l’influence en établissant des associations de type solidariste.

Il est également habituel chez les employeurs de ne pas déclarer les employés aux autorités de la sécurité sociale, évitant ainsi de devoir payer leurs contributions à la sécurité sociale -même si elles sont déduites de l’enveloppe salariale de l’employé. Les employés sont non seulement privés de leur couverture sociale mais, en outre, ils ne sont pas officiellement reconnus comme employés permanents et par conséquent ils sont aussi privés de leurs droits de syndicalisation et de négociation collective.

D’autres pratiques comme le recours généralisé aux contrats à durée déterminée et le fait que les sanctions prévues par la loi contre les employeurs qui enfreignent la législation du travail ne sont pas suffisamment dissuasives, empêchent les travailleurs de jouir du droit, pourtant protégé par la loi, de se syndiquer.

Répression antisyndicale dans les plantations bananières... : Les tentatives de syndicalisation des travailleurs des bananeraies en Équateur ont été réprimées de façon systématique et dans la violence. Les syndicats équatoriens n’ont cessé de dénoncer les effroyables conditions de travail régnant dans les bananeraies. Les travailleurs reçoivent un salaire très bas et ils sont exposés à diverses substances chimiques lorsqu’ils travaillent sur les plantations au cours des fumigations aériennes de pesticides. Toute tentative d’organisation syndicale est systématiquement réprimée. Dans ce secteur, le travail des enfants est très répandu. Près de 98% des travailleurs sont recrutés par des sous-traitants, les employeurs pouvant ainsi plus facilement contourner leurs obligations légales.

La plupart des travailleurs ont trop peur pour se syndiquer ; en dépit des conditions de travail déplorables, ils ont besoin de leur emploi. Sur les 6.000 bananeraies d’Équateur, sept seulement sont syndiquées. Ceux qui essaient de s’organiser perdent leur emploi et sont inscrits sur une liste noire.

... et dans les entreprises floricoles : Les travailleurs des entreprises floricoles équatoriennes craignent de se syndiquer parce que leurs employeurs les menacent de licenciement s’ils le font. Par conséquent, sur les 500 entreprises floricoles que compte le pays, trois seulement ont un syndicat. Il est habituel d’inscrire sur des listes noires les travailleurs qui organisent ou qui tentent de constituer un syndicat ; ces listes sont diffusées parmi les autres entreprises, ce qui empêche ces travailleurs d’être recrutés ailleurs.

En outre, les autorités se rendent complices des tactiques employées pour empêcher l’organisation syndicale. Les travailleurs des entreprises floricoles ont essayé à plusieurs reprises de former une fédération. Le ministère du Travail a refusé d’enregistrer la fédération sur la base de ses consultations avec les producteurs de fleurs et avec Expoflores, l’association des exportateurs, plutôt que de prendre sa décision après avoir simplement vérifié que le syndicat demandant son enregistrement remplissait bien toutes ses obligations légales.
Violations en 2006

Contexte : En novembre 2006 Rafael Correa a été élu à la présidence. Il s’est engagé à organiser un référendum national sur une assemblée constituante, chargée de refonder la Constitution ; il a refusé l’accord de libre-échange avec les États-Unis ainsi que l’extension de l’utilisation de la base aérienne de Manta par les militaires des États-Unis.

Répression d’une manifestation de travailleurs : Pendant trois jours consécutifs, la Confédération des nationalités indigènes de l’Équateur (CONAIE) et les centrales syndicales ont appelé à une manifestation pacifique conjointe pour demander la rupture des négociations d’un traité de libre-échange (TLE) avec les États-Unis, la cessation du contrat avec la société pétrolière OXY, la levée des effets négatifs occasionnés par le Plan Colombia et la désignation d’une assemblée constituante apte à traiter de ces questions. L’action, menée dans plusieurs provinces du pays, a fait l’objet d’une violente répression par la police et les forces armées, qui ont utilisé des bombes lacrymogènes ; plus de 15 personnes ont été blessées, et dix arrêtées.

Dirigeants syndicaux de la CTE et de la CEDOCUT menacés et victimes d’intimidations : Dès le mois de janvier, Manuel Mesías Tatamuez Moreno, président de la Confédération équatorienne des organisations unitaires de la classe ouvrière (CEDOCUT), a reçu de nombreux appels sur son téléphone portable ainsi qu’à son domicile, qui le menaçaient à cause de ses activités pour la défense des droits salariaux. Le 14 mars, une camionnette dépourvue de plaques d’immatriculation l’a suivi dans toute la capitale, Quito, et a tenté de l’obliger à s’arrêter à un carrefour routier. Il a réussi à s’échapper mais il a constaté plus tard dans la journée qu’un autre véhicule le suivait. Il a dénoncé l’incident au ministère du Travail et il a reçu la protection temporaire d’un garde, pendant quatre jours. Le 1er avril, des inconnus ont fait irruption dans les bureaux de la vice-présidence de la CEDOCUT et ont subtilisé des documents importants appartenant à la Confédération.

Une situation similaire avait été vécue le 1er janvier au siège de la Confédération des travailleurs d’Équateur (CTE) où la totalité de l’équipement informatique avait été dérobée, ainsi que des fichiers, des œuvres d’art et des informations confidentielles appartenant à la centrale. Bien que des plaintes aient été déposées auprès des organismes compétents et que des enquêtes aient été demandées pour éclaircir les faits subis respectivement par les deux organisations, au moment de la rédaction de ce rapport l’on ne disposait d’aucune information sur les responsables.

Les violations des droits syndicaux dans les plantations bananières continuent : Le 23 janvier, alors que les travailleurs commençaient à arriver tôt le matin sur la plantation Hacienda Josefa, qui est un fournisseur de Dole, pour prendre leur service, dix des dirigeants du syndicat, avec à leur tête le secrétaire général Manuel Ruiz, ont pris connaissance d’une liste de l’administration qui les empêchait d’entrer dans la plantation. Ils avaient été licenciés et on leur indiquait que leur solde avait été déposé auprès de l’Inspection du travail de Babahoyo. Le même jour, les autres travailleurs ont commencé une grève pour exiger la réintégration de leurs camarades licenciés. Le 11 février un contingent de 35 policiers a délogé les travailleurs grévistes de l’Hacienda Josefa. Alors que les travailleurs se tournaient vers l’intendant pour exiger qu’il présente le document juridique qui l’aurait autorisé à mener cette action, il s’est contenté de recourir à la force, avec le soutien de la police.

Par ailleurs, le 24 janvier, dans la plantation Hacienda San Luís du canton de Babahoyo, qui est un fournisseur de Bonita Banana Corporación Noboa, 16 travailleurs parmi les syndicalistes les plus actifs de la plantation se sont vu refuser l’entrée à leur lieu de travail et on été informés de leur licenciement. 12 d’entre eux étaient dirigeants syndicaux et représentants syndicaux au sein du comité d’entreprise en cours d’enregistrement auprès du sous-secrétariat du travail de la région littorale.

« N’achètes pas des fleurs, c’est acheter de la mort »

« Oui au travail dans la dignité »

« Pour les travailleurs, les épines, et pour les patrons, les dollars… »

Des cris qui ont retenti avec force autour de l’aéroport Maréchal Sucre de Quito, en Equateur. Une centaine de travailleurs et travailleuses de l’entreprise Rosal del Ecuador, en grève depuis 3 ans, avec l’appui de la CONAIE (Confédération des nationalités indigènes d’Equateur) et de l’ONG autrichienne Swedwind-ConAccion ont manifesté le 7 février passé, dans les hangars où les entreprises « embarquent » les fleurs à destination de l’Europe et des Etats-Unis. Des actions semblables ont eu lieu à Vienne, en Autriche, sur les lieux de distribution des fleurs en provenance d’Amérique latine.

Au moment où l’on approche de la Saint-Valentin, date à laquelle les fleurs représentent le cadeau le plus courant, le but de ces manifestations est d’attirer l’attention sur un ensemble de problèmes, généralement occultés ou très peu abordés : les difficiles conditions, à la fois professionnelles, sanitaires et sociales, des travailleurs et travailleuses de la floriculture industrialisée en Equateur. Il s’agit en même temps de proposer quelques solutions.

Un des appels à manifestation a été lancé par Christina Schoroeder qui appartient à Swedwind-ConAccion, une association autrichienne qui depuis 25 ans travaille activement « en faveur d’un développement global et durable ». Christina dit : « Notre tâche consiste à informer les consommateurs européens de ce qui se cache derrière une rose que l’on achète pour le plaisir de la personne à qui on l’offre… à travers ce travail d’information nous voulons que le consommateur européen ne s’attache pas uniquement au prix et à la qualité mais aussi aux conditions de travail dans la floriculture. » Elle précise que son intention n’est pas de boycotter la floriculture industrialisée équatorienne « car nous savons l’importance qu’elle a et qu’elle est génératrice de travail dans un contexte où les gens en trouvent difficilement. Nous savons que c’est pour beaucoup leur source principale de revenus et, cela, nous ne voulons pas le détruire, mais nous exigeons que cette production se fasse dans le respect des règles internationales de l’Organisation internationale du travail (OIT) et du Code international de conduite dans la production de fleurs coupées pour l’exportation. Ce code, établi par des syndicats et des ONG européennes, renferme quelques règles relatives à la liberté d’association et à la négociation collective, à l’égalité de traitement des hommes et des femmes dans le travail, à des salaires dignes, à des journées de travail qui respectent les normes légales, à l’hygiène et la sécurité, à la non-utilisation de produits chimiques, à la stabilité de l’emploi, la protection de l’environnement, le non-recours au travail des enfants et au travail forcé. Ce code, enfin, propose quelques réformes pour parvenir à une production respectueuse du social, responsable au regard de l’environnement et qui ne soit pas source de dommages pour les travailleurs. »

Cet instrument international à caractère volontariste est très loin d’être appliqué en Equateur. Des 400 entreprises de production florale, 80% « ne respectent pas, dans des proportions dramatiques, les codes internationaux relatifs aux comportements dans les domaines social, professionnel et écologique » a indiqué le Dr Jaime Breilth qui appartient au Centre d’études et de suivi des problèmes de santé (CEAS).

Bas salaires et interdiction de s’organiser

En matière d’appointements et salaires, les entreprises, en majorité, payent le minimum vital et certaines, parfois, même moins lorsqu’il s’agit de personnes mineures. De toute évidence les revenus des employés à la production florale sont insuffisants pour vivre dignement puisque le salaire minimum est de 160 dollars alors que le panier de base pour une famille de 4 personnes est de 440,81 dollars, selon l’Institut national des statistiques.

A l’existence de bas salaires il faut ajouter le fait que « le travail se fait à la tâche, grâce à quoi le paiement d’heures supplémentaires est limité. Au-delà de 8 heures par jour il n’y a pas d’heures supplémentaires, les périodes travaillées sont ainsi allongées au-delà de 8 heures par jour et de 5 jours par semaine, dans l’ignorance de ce qu’indique le Code du travail, soit deux jours de repos consécutifs », fait remarquer l’économiste démographe Norma Mena Pozo.

Le droit à la liberté d’association a été pratiquement réduit à zéro dans les entreprises de production florale. « En Equateur en 2003, sur les 400 entreprises 4 disposaient d’un syndicat, actuellement le syndicat continue à exister dans 2 entreprises et Rosal del Ecuador est en grève depuis presque trois ans. L’an dernier 37 travailleurs ont été licenciés parce qu’ils ont voulu s’organiser » ajoute l’économiste Mena.

Avec l’adoption de la Loi du travail partagé, la sous-traitance est en train de se généraliser, et les entreprises sous-traitantes dans ce secteur ne respectent pas la législation du travail et refusent aux travailleurs le droit à la Sécurité sociale et à d’autres avantages légaux.

Blanca Chancoso, membre du collectif de campagne contre l’ALCA et le Traité de libre-échange, indique que « dans la floriculture on commet des injustices à l’égard des femmes en ne respectant ni le code du travail ni le code de l’enfance (partie concernant les maternités) en ce qui concerne les congés et les heures au titre de l’allaitement. Les femmes enceintes, au même titre que tous les autres, signent une renonciation au moment de l’embauche et n’ont qu’une semaine pour accoucher. »

Mort lente

Jaime Breilth, qui mène sur le terrain des recherches sur la floriculture industrialisée et la santé, montre que, « le fait que la production est centrée sur le commerce et la rentabilité sans prise en compte des aspects sociaux, provoque un véritable effet domino sur une série de situations humaines, sociales et sanitaires ». Parmi les problèmes de santé et d’environnement il relève les suivants :

 un des principaux est « une toxicité chronique dissimulée et meurtrière » c’est-à-dire que le fait d’être exposé faiblement mais de façon chronique à des produits chimiques provoque chez les travailleurs et les travailleuses des effets neurologiques et sur la moelle osseuse, sur le foie et les reins. Ceci porte atteinte à la stabilité génétique et, par le biais des dommages génétiques, peut provoquer cancer ou malformations congénitales.

 six travailleurs sur dix ont des problèmes de santé avec, pour effet aggravant, le fait que beaucoup ne le savent même pas. « Le danger c’est que lorsque existent des problèmes de ce genre les gens ne s’alarment pas et n’ont pas peur car ils pensent que ça ne les touche pas. A moyen terme, cela se terminera par un cancer ou une incapacité sévère à caractère neurologique : des travailleurs de 40 ans qui ont notablement perdu de leur capacité de mémorisation et les fonctions neurologiques supérieures avec transmission possible aux générations futures. »

 une pollution des eaux de surface et de la chaîne alimentaire. « Dans une étude que nous avons réalisée nous avons mis en évidence douze cas concernant les systèmes hydrauliques de Cayambe et Tabacundo - deux bourgades situées au nord de l’Equateur - qui subissent une pollution des eaux de surface avec des conséquences sur les cultures, les animaux, le lait des vaches et la chaîne alimentaire. »

 une forte consommation d’eau par la floriculture industrialisée. « Par exemple un hectare dans la floriculture consomme plus de 900 mètres cubes par mois, une propriété traditionnelle entre 5 et 6 mètres cubes et un petit propriétaire moins d’un mètre cube par mois. »

La production florale, dans les conditions actuelles, est injuste au plan social et destructrice au plan écologique. Bien qu’il faille reconnaître que « 15 à 18% des producteurs font actuellement un effort de respect du Code vert notre lutte vise à obtenir que l’Etat transforme ce code en loi pour qu’aucune industrie ne puisse la violer », indique Jaime Breilth qui ajoute que « l’effort aboutira quand la floriculture sera démocratique et coopérative et non propriété du grand capital. »

Plus de 1 400 travailleurs/euses de sept plantations sous contrat avec la société Noboa en Équateur ont déclenché une grève le 25 février dernier afin d’appuyer leurs demandes de respect des droits fondamentaux qui incluent le paiement des heures supplémentaires, une couverture sociale et des centres de soins de santé, un salaire décent ainsi que le droit de se syndiquer. Noboa, qui détient les droits mondiaux de la marque de commerce Bonita, est la quatrième plus grande société productrice de bananes au monde derrière Chiquita, Dole et Del Monte.

L’UITA a immédiatement écrit au Ministre du Travail de l’Équateur afin d’exiger le respect des droits conférés à ces travailleurs/euses par les Conventions de l’OIT et les lois équatoriennes. Nous avons maintenant appris que 120 travailleurs/euses ont été licenciés/es et que 300 autres, qui travaillaient également dans ces plantations, n’ont pas été rappelés/es au travail. La direction prétend ne pas avoir d’expéditions à traiter et donc pas de travail à donner à ces personnes .

Depuis l’arrêt de travail, la police assure une présence permanente sur les plantations. Les rapports indiquent que ni le Ministre du Travail, ni le Ministre de l’Intérieur n’ont ordonné ce déploiement des forces policières.

Pour manifester contre cet acte d’intimidation antisyndicale, 300 travailleurs/euses de la banane ont tenu une marche de protestation dans la ville voisine de Guayaquil le 12 mars.

Cette nouvelle activité antisyndicale vient ajouter à la responsabilité de la société Noboa et plus particulièrement de son propriétaire, Alvaro Noboa Ponton – dont on prévoit qu’il se présentera à la présidence de l’Équateur à la prochaine élection générale – de respecter les droits internationalement reconnus aux travailleurs/euses et de les appliquer.

Le syndicat a déposé, auprès du Ministre du Travail, une demande d’accréditation pour le Syndicat général des travailleurs/euses des plantations Haciendas Yanayacu 1 & 2, Rey Rancho 1 & 2, La Nueva, Zapotal et La Teresa. Si le nouveau syndicat est accrédité, il s’agira du tout premier syndicat indépendant pour les travailleurs/euses de la banane à obtenir une reconnaissance officielle en Équateur au cours des trois dernières décennies.

On signale également que le Ministre du Travail aurait envoyé des inspecteurs dans les plantations de bananes afin de faire un rapport sur les violations des droits des travailleurs/euses et qu’il a jusqu’à présent répondu aux demandes des travailleurs/euses.

Moins de un pour cent des travailleurs/euses du secteur de la banane en Équateur sont membres d’un syndicat. Les salaires des travailleurs du secteur y sont considérablement inférieurs à ceux des travailleurs/euses syndiqués de la banane dans les autres pays producteurs, et les avantages sociaux que les organisations syndicales ont obtenus ailleurs au terme de longues luttes – soins de santé, logement, électricité, eau potable, scolarisation pour les enfants – sont pratiquement inconnus dans le secteur de la banane en Équateur. L’Équateur, premier exportateur au monde de bananes avec près du tiers des exportations mondiales, mène la course globale au moins offrant et exerce une pression sur les travailleurs/euses des bananeraies partout dans le monde dans la mesure où les sociétés réagissent à la pression concurrentielle en tentant d’introduire des normes de moins en moins élevées.

Messages

  • Au cœur de l’Équateur, une grande firme tente de transformer la plus belle des forêts vierges en un champ de pétrole. Le peuple Kichwa (les Quechua d’Équateur) résiste avec bravoure et vient de nous appeler à l’aide pour sauver leur terre natale.

    Cette communauté a signé un texte pour s’engager à ne jamais vendre ses terres, où chassent les jaguars et où un seul hectare peut héberger une biodiversité plus importante que toute l’Amérique du Nord ! Mais le gouvernement équatorien tente d’acheter leur silence pour ouvrir 4 millions d’hectares aux grandes compagnies pétrolières. Le président Correa est en ce moment-même en pleine bataille électorale et il mise sur son image de défenseur de l’environnement et des peuples indigènes. Si nous parvenons à faire comprendre au monde entier que son programme n’est pas si “vert” qu’il le prétend et à propulser la protection de l’Amazonie à la une du débat électoral équatorien, nous pouvons stopper net cette ruée vers l’or noir.

    Jusqu’ici, le peuple Kichwa tient bon avec courage mais les grandes firmes pétrolières peuvent arriver à tout moment pour démarrer les forages. Les Kichwa nous appellent à l’aide pour sauver leur Amazonie, notre Amazonie. Signez cette pétition et parlez-en à tous vos amis. Avec un million de signatures, nous pourrons attirer l’intérêt des journalistes du monde entier sur cette question et créer une déferlante médiatique qui forcera Rafael Correa à faire marche arrière :

    http://www.avaaz.org/fr/petrole_en_amazonie/?bFhHkbb&v=21303

    Suite à la pollution des eaux équatoriennes par Texaco et d’autres grandes compagnies pétrolières et à la destruction de précieux écosystèmes, Rafael Correa avait été le premier dirigeant au monde à reconnaître les droits de « Mère Nature » dans la Constitution. Il avait même déclaré que « l’Équateur n’est pas à vendre » et promu une initiative novatrice dans le Parc national Yasuni, où la communauté internationale finance la non-exploitation des gisements pétroliers et ainsi la protection de la forêt vierge. Aujourd’hui, il est à deux doigts de retourner sa veste.

    Détail scandaleux : le territoire des Kichwa se situe en partie dans le Parc national Yasuni. Mais le projet de Rafael Correa est encore plus incroyable : dans quelques jours, des hauts fonctionnaires se rendront dans les grandes capitales mondiales pour proposer aux investisseurs étrangers d’extraire le pétrole sur 4 millions d’hectares de forêt (soit plus que la surface des Pays-Bas !). L’Équateur, comme tous les pays, a le droit d’exploiter ses ressources naturelles, mais même sa propre Constitution précise qu’il doit respecter les droits des peuples indigènes et de leur magnifique forêt, qui rapporte chaque année des millions de dollars à l’Équateur grâce au tourisme.

    Aujourd’hui Rafael Correa est pris dans une rude bataille pour sa réélection. C’est le moment parfait pour lui rappeler ses promesses en matière d’environnement et le contraindre à respecter sa Constitution verte. Signez maintenant pour soutenir les Kichwa et sauver leur forêt :

    http://www.avaaz.org/fr/petrole_en_amazonie/?bFhHkbb&v=21303

    Année après année, les membres d’Avaaz se battent pour protéger l’Amazonie au Brésil et en Bolivie. En soutenant les communautés indigènes, nous leur avons fait gagner de nombreuses victoires. Aujourd’hui, ce sont les Équatoriens que nous épaulons. Répondez à notre appel urgent pour sauver leur forêt.

    Avec espoir et détermination,

    Alex, Pedro, Alice, Laura, Marie, Ricken, Taylor, Morgan et toute l’équipe d’Avaaz

    Pour en savoir plus :

    En Equateur, les indigènes refusent le pétrole (Novethic)
    http://www.novethic.fr/novethic/planete/economie/matieres_premieres/en_equateur_indigenes_refusent_petrole.jsp

    Reconnaître les droits de la Nature : un nouvel outil législatif pour les forêts tropicales d’Equateur (FNE)
    http://www.fne.asso.fr/fr/reconnaitre-les-droits-de-la-nature-un-nouvel-outil-legislatif-pour-les-forets-tropicales-d-equateur.html?cmp_id=37&news_id=12521

    En Equateur, la biodiversité à l’épreuve de la solidarité internationale (Le Monde diplomatique)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2012/06/BERNIER/47849

    Pétrole : menaces sur l’Amazonie (France info)
    http://www.franceinfo.fr/monde/petrole-menaces-sur-l-amazonie-752039-2012-09-28

    Equateur : les indigènes font plier Texaco (La Vie)
    http://www.lavie.fr/hebdo/2011/3417/equateur-les-indigenes-font-plier-texaco-23-02-2011-14284_202.php

    Equateur, le Parc Yasuni : l’ultimatum écologique (Le Monde)
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/12/22/equateur-le-parc-yasuni-l-ultimatum-ecologique_1456129_3232.html

    How oil extraction impacts the rainforest (Amazon Watch, en anglais)
    http://amazonwatch.org/news/2013/0107-oil-extraction-how-oil-production-impacts-the-rainforest

  • Équateur : le gouvernement menace de dissoudre le syndicat des enseignants !!!

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